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Montagne rétro 2023 : les plus belles ascensions

Au sommet du Jannu ©Coll. Cornell/Marvell/Rousseau

Foisonnant, créatif et encore exploratoire : 2023 a donné à voir toutes ces facettes de l’alpinisme, des sommets fréquentés des Alpes aux confins de la haute altitude. Voici notre sélection dans le rétro, un florilège des ascensions les plus marquantes de l’année 2023… auquel il manque naturellement les vôtres, les plus belles étant celles que l’on garde en sa propre mémoire.

Grandes Jorasses, 4208 m. Voie Gousseault-Desmaison à la journée

Léo Billon et Benjamin Védrines

La face nord des Grandes Jorasses n’a jamais cessé d’attirer les meilleurs, et 2023 ne déroge pas à la règle. Le trio Charles Dubouloz, Clovis Paulin et Symon Welfringer a réussi en cinq jours la première répétition en libre de la directissime Walker, une voie Bouvard-Gabarrou, l’un des « trous noirs » de la face nord, jamais répétée jusqu’ici. Pendant ce même mois de février, c’est l’alliance de la force tranquille et de la fusée alpine, Léo Billon et Benjamin Védrines, qui frappe l’imagination de la communauté alpinistique : ils réussissent la voie Gousseault-Desmaison en face nord à la journée …en partant de Chamonix. Partis à une heure du matin de Chamonix, Benjamin Védrines et Léo Billon ont bouclé l’affaire pour l’heure du goûter, en atteignant le sommet des Grandes Jorasses à 16h38. Un temps stratosphérique et un coup de maître qui ne fut pas, loin s’en faut, le seul de Benjamin Védrines, cette année.

Meru, sommet sud, 6570 m. Première ascension de la voie Goldfish

Mathieu Maynadier, Simon Gietl et Roger Schaeli

Du 11 au 13 mai, le Français Mathieu Maynadier, le Tyrolien Simon Gietl et le Suisse Roger Schaeli ont ouvert en style alpin la voie Goldfish (800 m, M6+, A1), dans le versant Est-sud-est du sommet sud du Meru (6570 m*, Garhwal, Inde). Célèbres pour la difficulté de leurs ascensions, les sommets du Meru fascinent les meilleurs alpinistes depuis quatre décennies. Une réalisation majeure et une superbe réussite pour le trio sur l’un des plus beaux sommets de l’Himalaya indien.

Dhaulagiri, 8167 m. Première descente à skis

Bartek Ziemski

Le 14 mai, Bartek Ziemski signe la première descente à skis du Dhaulagiri, 8167 m. Une première intégrale du géant himalayen réalisée by fair means : Bartek était accompagné à la montée de son compatriote Oswald Pereira, les deux hommes ont fait l’ascension sans oxygène et sans sherpas, avant que Bartek ne s’élance à skis du sommet le 14 mai, jusqu’au camp de base, à 4700 m. Il réussit l’exploit d’enchaîner deux 8000 à skis et sans oxygène après l’Annapurna un mois plus tôt. Décidément, après Bargiel, les skieurs polonais sont parmi les plus audacieux en Himalaya.

Mont Blanc, 4810 m. Record de l’Intégrale de Peuterey

Benjamin Védrines

2023 est décidément une grande année pour Benjamin Védrines. Malgré un échec au Nanga Parbat en style alpin, la saison alpine de Benjamin semble ne jamais s’arrêter. Après l’ouverture d’une nouvelle voie majeure à la Barre des Écrins, puis la Gousseault-Desmaison aux Jorasses en mode stratosphérique (voir ci-dessus), Benjamin Védrines est rentré du Pakistan en forme : le 10 juillet, le haut-alpin signe un véritable exploit en gravissant l’Intégrale de Peuterey en 6h51. Parti à 4h02 du parking de Peuterey, il a atteint le mont Blanc à 10h53. Soit 4283 mètres de dénivelé en 6 heures et 51 minutes pour la plus grande arête des Alpes. Un exploit, et le mot n’est pas de trop. Védrines est conscient d’avoir réussi en poussant la machine et le bouchon, comme il nous le confiait à son retour : « ce n’est pas anodin, je ne vais pas faire ça tous les jours« . Spoiler : sa saison ne s’arrête pas là, puisqu’il signe une nouvelle voie en face sud de la Meije et un solo intégral de la Dibona. À écouter, le podcast Alpine Mag dans lequel Benjamin Védrines raconte son parcours.

Jannu, 7710 m, face nord et pilier nord-ouest en style alpin

Alan Rousseau, Jakson Marvell et Matt Cornell

Les Américains Alan Rousseau, Jakson Marvell et Matt Cornell viennent de réussir une des plus belles ascensions jamais réalisée au Jannu (7710 m, Népal). Les trois himalayistes ont gagné le sommet en style alpin en six jours par une nouvelle voie dans la face nord et la sortie de la voie Babanov/Kofanov sur le pilier nord-ouest. Une ascension majeure, fruit de la persévérance : elle est sans doute aucun la plus belle de l’année en Himalaya, et l’une des plus belles de la décennie.

Et plein d’autres ascensions

On ne saurait mentionner ici toutes les belles ascensions de 2023. Rien qu’en Himalaya, beaucoup d’alpinistes ont cherché et exploré des faces ou des versants inconnus. Citons pour le Népal les tchèques Marek Holecek et Matej Bernat au Sura Peak, les britanniques Paul Ramsden et Tim Miller au Surma Sarovar, mais aussi Prakash Sherpa et un compagnon népalais qui viennent de gravir le Khumjungar Himal, 6700 m, aux confins du Mustang et des Annapurnas. En Inde, les italiens Alessandro Baù, Lorenzo D’Addario, Jérôme Perruquet et Francesco Ratti ont ouvert des bigwalls dans la vallée de Miyar.

Sans doute l’une des plus belles ascensions de l’année, celle du Tirich Mir 7708 mètres, première ascension de la face nord, par Kazuya Hiraide et Kenro Nakajima le 23 juillet. Style alpin, voie nouvelle, les Japonais ont réussi un bel exploit sur un versant jamais exploré.

L’été dernier, on retient aussi deux expéditions qui si elles n’ont pas abouti, ont vu deux fantastiques tentatives sur les difficiles montagnes du Karakoram : Symon Welfringer, Matteo Della Bordella, Silvan Schüpbach et François Cazzanelli visaient la première ascension du pilier sud-est de l’Ogre Est (7150 m), Charles Dubouloz, Clovis Paulin, Aymeric Clouet et Lise Billon, la première du pilier sud-ouest du K7 (6 934 m).

Sur les 8000, le premier nom à retenir est celui de Vadim Druelle : le jeune français a réussi le Kangchenjunga, 8586 m, au printemps : sans oxygène, en un temps record de 19h, c’est un exploit.

Du côté des grosses expéditions, on se souviendra également du record de Kristin Harila, qui boucle les 14 x 8000 en 3 mois et un jour, une sorte d’empilements d’ultra haute altitude (avec oxygène) dont la cadence laisse pantois (et Nirmal Purja loin derrière). Hélas, son compagnon de cordée, le sherpa Tenjen Lama, meurt quelques semaines plus tard au Tibet.

L’automne fut prolifique pour deux français aussi doués que pressés : Lucien Boucansaud s’offre le Pumori en solo, et Mathéo Jacquemoud le record de l’Ama Dablam en 6h23 aller-retour. 

Last but not least, Sophie Lavaud devient la première française (et tous genres confondus) à boucler les 14 x 8000 en gravissant le Nanga Parbat au mois de juin. Le tout sous l’oeil des caméras de François Damilano et d’Ulysse Lefebvre d’Alpine Mag, avec lesquels Sophie atteint le sommet. Le film signé Canal + sort en 2024.

À écouter d’ici là : ne ratez pas le podcast Alpine Mag consacré à Sophie Lavaud, Nanga Parbat, dernier 8000.