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Les alpinistes « chair à canon de la FFCAM » selon le maire de St-Gervais

Le refuge du Goûter, dans le massif du Mont-Blanc.

Le titre est écrit en lettres capitales sur le site de la mairie de Saint-Gervais, signé du maire M. Peillex. Selon l’autoproclamé « cerbère du Mont-Blanc », les alpinistes sont, je cite, « la chair à canon de la FFCAM ». Le pitch ? « en imposant la fermeture anticipée du refuge du Goûter, la FFCAM prend le risque d’envoyer des alpinistes à la mort ! » Insultante pour tous les membres de la FFCAM, indécente pour ceux qui ont perdu quelqu’un en montagne, l’ampleur de l’attaque de M. Peillex contre la FFCAM n’a d’égale que son melon, doublé d’une vilaine dose de mauvaise foi.

Reprenons. La FFCAM effectue des travaux de rénovation au refuge du Goûter, sur la voie normale du mont Blanc, notamment la pose d’un nouveau fondoir qui nécessite sa fermeture. Comme nous l’expliquions le 5 avril, le maire de St-Gervais a pris un arrêté pour obliger la FFCAM à faire les travaux en dehors des périodes d’ouverture et à garder le refuge ouvert entre le 16 et le 30/09. Mais il est impossible de faire les travaux entièrement à l’automne : la FFCAM a demandé et obtenu du tribunal administratif qu’il suspende l’arrêté du maire… afin que les travaux soient faits à la date prévue.

Dans son communiqué au vitriol, le maire de Saint-Gervais se lâche, fait mine de ne pas avoir été mis dans la boucle. Or, la mairie a été la première informée de cette deuxième tranche de travaux. « Le 16 novembre nous avons fait une réunion d’information avec l’ensemble des compagnies de guides, Saint-Gervais, Chamonix, Chamex, les agences comme Allibert… tous les guides ont été mis au courant » explique Niels Martin, le directeur adjoint de la FFCAM, joint par téléphone. L’idée de devoir se passer du produit mont Blanc pendant deux semaines n’a pas plu à tous les guides, évidemment, mais « ils ne nous ont pas dit non », visiblement conscients des impératifs des travaux.

la FFCAM prend le risque d’envoyer des alpinistes à la mort. Dixit le maire de Saint-Gervais.

Le refuge du Goûter, dans le massif du Mont-Blanc. ©Ulysse Lefebvre

Le maire de Saint-Gervais ne s’arrête pas là. Il accuse la FFCAM d’être « mercantile », de faire « un business d’hôtellerie » et d’avoir « préféré attendre l’issue de la procédure d’assurances et recevoir l’indemnité » provoquant « ce retard ». Selon le maire, la FFCAM aurait dû s’asseoir sur les indemnités et financer seule ces travaux d’un million d’euros… M. Peillex ose imaginer le scénario. S’il y a bien eu une demande de compléments de la part des assurances qui ont fait traîner les choses, concède la FFCAM, ce n’est pas de son fait. C’est malheureusement le lot de la plupart des procédures dites en dommages ouvrage, quand les défauts sont constatés à la livraison du bâti.

La FFCAM a bien sûr étudié l’autre possibilité, qui consistait à faire les travaux avant le début de saison, avec comme première contrainte le fort enneigement de la période. Et le risque, toujours réel, de retard des travaux : « on se serait retrouvés avec une mise en service au milieu de l’été ! » s’exclame Niels Martin. Le choix de la solution la moins pire a été fait : celui des travaux à l’automne.

Le maire en profite pour repeindre en marron le refuge : le fondoir « inopérant » (celui dont le remplacement est le sujet) obligerait le gardien à faire « de nombreuses rotations d’hélicoptères avec des conteneurs de 500 litres. » Faux, dit la FFCAM. Seules des bouteilles d’eau minérale sont montées pour être vendues, pas pour la consommation en eau due au fonctionnement du refuge. Nouveau scoop : le maire de St-Ger’ a vu des hélicos bombardier d’eau.

Le projet de la FFCAM, celui des clubs alpins depuis 150 ans, c’est d’amener les gens à la montagne, pas à la mort. Niels Martin, FFCAM

Mais pour le maire, il y a encore plus grave : en fermant le refuge du Goûter mi-septembre, la FFCAM « prend le risque d’envoyer des alpinistes à la mort ». Avec le peu de places en mode non gardé, M. Peillex agite le chiffon rouge, son préféré. Sans refuge gardé, prophétise-t-il, « l’accidentologie parlera malheureusement d’elle-même. » En l’occurrence, le maire a-t-il « envoyé des alpinistes à la mort » quand il a fermé le refuge par arrêté en août 2022 ?

« Le projet de la FFCAM, celui des clubs alpins depuis 150 ans, c’est d’amener les gens à la montagne, pas à la mort », s’indigne Niels Martin, pour qui de telles outrances ont de quoi « choquer les neuf mille bénévoles » qui oeuvrent aux clubs alpins.

Alors, pourquoi une telle vindicte du maire à l’encontre de la FFCAM ? La réponse est tout en bas de sa diatribe : M. Peillex suggère d’examiner « la possibilité de résilier le bail emphytéotique » accordé à la FFCAM pour le refuge, signé par la commune en 2006 pour 60 ans. Donc que la commune récupère le Goûter.

Simple comme bonjour : primo, il faut un sacré motif pour avoir gain de cause. Secundo, il faut rembourser la FFCAM du prix du refuge, financé par la FFCAM à hauteur de sept millions d’euros. Ça fait cher pour avoir raison.