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Le top 10 des livres sur l’Everest

L’Everest est un aimant depuis le début du siècle, et s’en rapprocher donne des vélléités de récit à nombre d’ascensionnistes !  Nous avons choisi dix livres qui racontent l’Everest, une sélection parfaitement subjective parmi les centaines de livres consacrés à l’Everest. Voici dix livres, des livres d’histoires avec un grand H, mais aussi des biographies, des destins hors du commun qui sont liés, à jamais, aux flancs du plus haut des géants himalayens.

1. Les soldats de l’Everest

L’histoire est connue, mais elle n’a jamais été racontée de cette façon, avec cette force et cette capacité inouïe, absolument passionnante, de remonter dans le temps, bien avant cette journée de juin 1924 où Mallory et Irvine ont peut-être atteint le sommet de l’Everest. Ils n’en sont jamais revenus – seul le corps de Mallory a été retrouvé en 1999, à 8155 mètres d’altitude, et sans l’appareil photo qui aurait pu prouver l’ascension. Le sujet du livre n’est pas ce mystère mais bien l’histoire de ces hommes, partis quelques années après la Première Guerre Mondiale dans l’Himalaya inconnu. Ils avaient survécu à la boucherie de 14-18 (où mille anglais mourraient chaque jour, disait Churchill) ; ils cherchaient une forme de rédemption sur le toit du monde. L’auteur raconte comment cette génération sacrifiée, survivante des tranchées, va alimenter les expéditions britanniques des années 20, et a finalement été mandatée pour redorer le blason d’un Empire en déroute.

Par Wade Davis, éd. Les Belles Lettres. 546 p. 26,50 €

Dans ce récit fouillé et rigoureux, on plonge dans les intrigues entre Russie tsariste et Grande-Bretagne, le « grand jeu » aux frontières des Indes alors possessions britanniques tout en remontant le fil de ces destinées hors du commun. Et on mesure à quel point l’aventure de l’Everest était extraordinaire pour des soldats revenus vivants mais amochés, et vitale pour un pays qui avait perdu foi en lui-même. Le tout à travers les immensités du sous-continent indien, le piémont himalayen puis les hauts plateaux tibétains, à une époque où le Tibet est encore indépendant. Fascinant, érudit mais romanesque, vivement conseillé.

2. Everest le rêve accompli

Paru en France en 2013, rédigé dix ans auparavant, Everest le rêve accompli porte de prestigieuses signatures. Parmi les auteurs figure Stephen Venables, le binoclard mutant qui vint à bout du versant Kanshung de l’Everest avec trois compagnons, mais lui seul est parvenu au sommet, en 1988. Deux personnages illustres préfacent ce formidable livre : Sir Edmund Hillary, et Tenzi Gyatso, qui n’est autre que le Dalaï Lama. Édité en premier lieu par la Royal Geographic Society, ce livre rassemble les photographies exceptionnelles des expéditions britanniques de 1921 à 1953. Des images incroyables qui documentent la vie au Tibet il y a cent ans, avec par exemple ces portraits étonnants du Dzongpen, le « maire » du district par lequel transitent les expéditions britanniques. On y découvre la beauté de Shegar Dzong, formidable ensemble monastique perché sur un piton rocheux, qui sera rayé de la carte par la Révolution Culturelle chinoise. 

Et bien sûr, on retrouve, avec des chapitres documentés, les stupéfiantes images historiques des pionniers, leur accoutrement colonial et les bandes molletières pour affronter la haute altitude, Mallory à poil pour traverser un torrent à gué, les porteurs aux lunettes artisanales (une bande de tissu avec deux petites fentes), ou, en 1951, Eric Shipton et deux compagnons prenant le frais dans le fleuve Arun avec un parapluie pour se protéger du soleil. Il s’agit d’un ouvrage qui ravira les passionnés d’Everest, mais aussi d’Himalaya et d’Histoire. On le trouvera sans difficulté à l’état neuf, ou en occasion.

Par Stephen Venables, éd. Glénat, 39 €.

3. Everest 1953

Sous-titré « la véritable épopée de la première ascension« , Everest 1953 est tout simplement le livre historique le plus complet sur l’expédition de 1953. Dans ce récit palpitant, tous les aspects et les enjeux de l’expédition sont évoqués. L’auteur décrit les circonvolutions politiques et diplomatiques qui ont conduit à l’expédition de 1951 avec Eric Shipton, puis à l’organisation de l’expédition de 1953 « sans Monsieur Everest« , Hunt lui ayant été préféré. Il dessine le portrait d’un John Hunt plus chaleureux que militaire, plus courageux que d’autres. Il décrit la préparation à la fois longue (plusieurs décennies !) et courte (quelques mois de stress dans les faits) pour cette expé qui devait revenir avec le sommet, « la dernière chance de la Grande-Bretagne de gagner la course à l’Everest« .

Ironie, les deux summiters n’étaient anglais ni l’un ni l’autre, comme on le sait. Mais l’auteur décrit ce qui fut un énorme travail d’équipe. Une équipe britannique et néo-zélandaise qui n’a pas la chaleur des Suisses pour Tenzing, mais le désir de sommet si puissant qu’il s’en arrangea. La force d’Hillary pour venir à bout de l’ultime défense, le ressaut sous le sommet qui porte son nom. Et la complexe période suivant l’ascension, pendant laquelle journalistes nationalistes et hommes politiques népalais, indiens, et britanniques s’arrogèrent la victoire. Paru en 2013 et réédité cette année, ce livre historique restitue avec une précision remarquable ce que fut cette grande aventure humaine.

Par Mick Conefrey, éd. Nevicata, 22 €.

4. Everest sans oxygène de Reinhold Messner

Parler de l’Everest sans le citer, ce serait comme parler de symphonie sans citer Beethoven : Messner a inventé l’Everest sans oxygène, au péril de sa vie puisque comme il le raconte à l’époque certains lui prédisent le pire. Et pourtant, Messner réussit d’abord l’Everest sans oxygène en 1978 avec Peter Habeler, et reviendra deux ans plus tard pour la première solitaire. Cette ascension été 1980 où il parviendra au faîte du Toit du Monde, à bout de forces, dans une solitude immense. Il aura la présence d’esprit d’immortaliser sa présence au sommet, reconnaissable avec le trépied chinois qui émerge de la neige. Implacable, le grand Messner nous confiait récemment : « plus personne n’a fait l’Everest seul comme je l’ai fait« . Un livre facile à dénicher en occasion bien sûr. Éditions Arthaud pour l’édition française.

5. En quête de plus grand

On vous a déjà parlé de cette histoire de dingue : Jean Bourgeois à l’Everest. Parti avec une expédition franco-belgo-suisse pour réaliser l’ascension de l’Everest l’hiver 1982-1983, depuis le Népal, Jean Bourgeois n’a pas la forme et finit par rebrousser chemin entre deux camps d’altitude. Pris de nausées, victime d’un début d’œdème cérébral, il choisit de descendre au plus vite pour perdre de l’altitude et bascule délibérément versant tibétain de l’Everest, où après plusieurs jours de descente sans eau, sans sac de couchage ni visa chinois, il est recueilli en piteux état par des tibétains. 

Cueilli par les soldats chinois qui le mettent à l’ombre, il reste au cachot plusieurs semaines sans pouvoir donner de nouvelles.Quand Jean Bourgeois se pointe tel un spectre à Katmandou à la mi-janvier 1983, plusieurs semaines après sa disparition, ses copains tombent de leur chaise avant de copieusement l’engueuler : en Belgique, les journaux ont titré sur sa disparition, et d’ailleurs sa femme le croit mort également. Sa résurrection est probablement l’une des histoires les plus incroyables de l’Everest sur un sommet qui en compte beaucoup.

Par Jean Bourgeois, éd. Nevicata, 368 p, 22 €.

6. Marc Batard, Fils de l’Everest

Le sprinter de l’Everest, c’est lui, Marc Batard, alpiniste hors normes, visionnaire et incompris. Une trentaine d’années avant Kilian Jornet, Marc Batard eût l’idée d’établir un record sur la voie normale de l’Everest : chose faite en 1988, en 22 heures. Un record qui tient toujours pour cet Everest côté népalais, 22 ans plus tard. Marc Batard fut d’abord un révolté, capable de passer des semaines dans la face ouest des Drus en solitaire puis de baptiser sa voie « Soutien au SDF ».

Par Frédéric Thiriez, éd. First. 16,95 €

J’ai un trop sale caractère, une troop vive colère… dit Marc Batard à Frédéric Thiriez, l’auteur de cette biographie. À soixante-dix ans, Marc Batard a encore l’Everest tatoué dans son coeur, puisqu’il ne cesse d’y retourner, espérant ouvrir une voie alternative à l’Ice Fall en passant par les contreforts du Nupste. Une chimère ? Ce livre éclaire en tous cas la passion dévorante que Marc Batard entretient avec le Toit du Monde. N’a-t-il pas envisagé d’y passer une nuit en 1989 ? L’Everest n’est pas qu’une ligne parmi les exploits himalayens de Marc Batard, mais bien son Graal, son rêve d’absolu(-tion). À lire pour se rappeler que derrière tout « sprinter des cimes » se cachent des doutes, et parfois, de grandes douleurs.

7. Jean Troillet, une vie à 8000 mètres

Ce n’est pas une vie à 8000 mètres, mais à 8848 mètres : l’un des plus grands exploits en Himalaya, et l’une des plus extraordinaires ascensions de l’Everest s’est déroulée sur son versant nord, et l’un de ses auteurs n’est autre que Jean Troillet. Une cordée pour l’histoire : voici le titre du chapitre consacré à la cordée Loretan-Troillet, duo suisse infernal qui mena la danse sur les 8000. Et dont la réussite sur l’Everest restera à jamais dans les livres d’histoire.

Grâce à cette belle biographie consacrée à Jean Troillet, on apprend comment les deux suisses ont démarré dix ans de réussites himalayennes (et quelques buts aussi) par une belle ascension du K2 en 1985. Il y aura la face sud du Shishapangma ensuite, avec un certain Voytek Kurtyka. Entre temps, il y a deux jours d’août 1986, en pleine mousson, sur l’Everest versant tibétain. Quarante-trois heures pour un aller-retour en style alpin (ou complètement banzaï) par le couloir Hornbein : un couloir direct de 2500 mètres de hauteur. descente en glissant sur les fesses en quelques heures. Probablement l’un des exploits les plus incroyables réalisés sur l’Everest. Jamais répété.

Par Charlie Buffet et Pierre-Dominique Chardonnens, éd. Guérin-Paulsen.

8. Tragédie à l’Everest

Si vous ne l’avez pas lu, vous avez peut-être vu le film qui s’en est inspiré, Everest de Baltasar Kormákur avec Jason Clarke et Jake Gyllenhaal (2015), qui a laissé aux plus cinéphiles d’entre vous un sentiment mitigé (eu égard aux scènes moyennement réalistes proches du sommet). Point de carton-pâte dans le récit de Krakauer : lui était de l’expédition de 1996, celle qui inaugura les hécatombes « modernes » sur l’Everest. Rappel des faits ? 

Par John Krakauer, éd. 10/18. 320 p. 8,50 €

Je t’aime. Dors bien, ma chérie. Je t’en prie, ne te fais pas trop de souci. Telles furent les derniers mots que Rob Hall, guide himalayen, adressa à sa femme depuis le sommet de l’Everest. Il ne devait pas redescendre vivant. Le 10 mai 1996, les summiters tombent comme des mouches en revenant du sommet. Krakauer pointe l’arrogance, la cupidité, la bêtise, et l’incompétence totale de la plupart de ses voisins de tente comme raisons principales de l’hécatombe qui coûta la vie à 8 personnes les 10 et 11 mai. Plus grave, il accuse le guide Anatoli Boukreev, décédé ensuite, de négligence, une opinion contestable qui n’engage que celle de l’auteur, comme l’a rappelé Cédric Gras ici. Tragédie à l’Everest est néanmoins un récit réaliste et poignant, décrivant sans fard le fonctionnement de certaines expés commerciales ce qui finalement reste – hélas – d’actualité. Enfin, sauf cette année.

9. Les messagers de la Couronne. De l’Everest à Buckingham

Par Jan Morris, éditions du Mont-Blanc. 13,90 €.

En 1953, le monde entier patientait pour savoir si l’expédition de sir John Hunt deviendrait la première à fouler le sommet de l’Everest. Le correspondant du Times James Morris accompagna l’expédition historique du premier au dernier jour. Quand Edmund Hillary et Tenzing Norgay atteignirent finalement le sommet, et l’information reçue dans la combe ouest, Morris dut relever un autre défi : transmettre à Londres son information exclusive juste au moment du couronnement de la reine Élisabeth II. Il se précipita à travers l’Ice Fall pour aller télégraphier le message à Namche : bien sûr le message était codé pour éviter que les journalistes concurrents n’apprennent la nouvelle ! Vingt ans après l’Everest, James Morris changea de sexe pour devenir Jan Morris, et continua d’écrire maints ouvrages historiques. Son récit à la première personne raconte les coulisses de l’expédition de manière savoureuse, entre roman d’espionnage et roman d’aventures. Une véritable pépite que l’on prend grand plaisir à lire. 

 

10. Une histoire de l’Everest

Par Jean-Michel Asselin, Une histoire de l’Everest, Glénat, 25,95 €.

Il a voulu lui-même en faire l’ascension, et à cinq reprises il est revenu sans le sommet, butant par deux fois à cinquante mètres sous l’Everest. Le journaliste Jean-Mi Asselin a donc une relation longue, intime, avec le Toit du Monde. En 2022 il publiait un livre de fiction, qui par emprunts raconte (un peu) de sa vie à l’Everest, un bon roman intitulé Un mensonge à l’Everest. Cette fois il sort Une histoire de l’Everest : un livre dont les courts chapitres permettent de survoler une centaine d’années (voire un peu plus) de l’histoire de l’Everest.

Une : le déterminant indéfini aurait pu être un déterminant possessif, tant Jean-Mi a croisé la route de maints personnages de l’Everest, y compris Sir Edmund Hillary lui-même dont il dresse le portrait ici, sur Alpine Mag. Mais oui, le choix assumé de « sa » version de l’histoire de l’Everest fourmille d’histoires vécues, et donne un feu d’artifices de portraits, d’anecdotes improbables, bref, autant de tranches de vie choisie à l’Everest. Des gueules et des histoires incroyables, de Maurice Wilson à Lydia Bradey, en passant par le russe Vladimir Balyberdin, auteur du pilier sud-ouest en 1982, et rencontré à l’Everest, qui se tua en voiture alors qu’il faisait le taxi clandestin. Un bon livre à picorer, comme un bel apéro dînatoire.

Bonus !

Everest, les conquérants. 1852-1953

Dans cette histoire de l’Everest, tout s’arrête en 1953. C’est pourtant là où tout commence pour la plupart des autres ouvrages consacrés au sommet des sommets, en cette année anniversaire. Gilles Modica, ancien alpiniste de haut niveau, historien de l’alpinisme, raconte ici une autre conquête, celle plus ancienne des nombreuses expéditions en route pour une montagne à la supériorité d’abord incertaine, jusqu’à ce qu’un géomètre anglais déclare tremblant à son chef : « Monsieur, j’ai découvert la plus haute montagne du monde ». Le Chomolungma devient Everest pour les occidentaux. Il entre alors dans l’ère des expéditions. L’auteur relate les approches d’abord balbutiantes et mêlées aux conflits territoriaux du « Grand jeu » mené par les anglais à la fin du XIXe siècle. Des épisodes plus connus comme la tentative d’Irvine et Mallory en 1924 sont analysées au regard de la course qui se met progressivement en place. L’horloge tourne, la conquête devient une course effrénée. Une expédition suisse menée par Raymond Lambert, en cordée avec un certain Tenzing, « d’égal à égal » foulera les 8 600m avant l’assaut final en 1953, que Modica décrit tout de même, plus rapidement, avant de lever la plume. Cette pré-histoire de l’Everest est un récit unique et hautement érudit qui s’appuie également sur une foule de photographies d’époque. Une somme indispensable pour comprendre le mythe himalayen.

Gilles Modica, Ed. Guérin, 427 pages, 56€.

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