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Belledonne : traversée de la Cime de la Jasse au Pic des Cabottes

Objectif traversée du Grand Pic 2/3

Dans une des belles sections grimpantes de la crête, vers le Pic de l'Apparence ©M. Rivaud

Longue arête aérienne jamais difficile mais parfois exposée, la ligne de crête qui relie les sommets de la Cime de la Jasse, de la Dent du Pra, des Pics de la Belle Étoile et des Cabottes est un terrain idéal pour se familiariser avec l’alpinisme dans Belledonne. Si votre démarche est de progresser cet été pour le conclure sereinement avec la traversée du Grand Pic, parcourir cette longue crête affûtera vos capacités. Pour faire un pas de plus vers la plus belle course d’arêtes de la chaîne, osez la traversée Jasse Cabottes !

La traversée du Grand Pic de Belledonne en ligne de mire cet été, vous voilà accoutumé du massif et acclimaté après quelques randonnées alpines, beaux sommets à la clé. Au Pic Couttet, au Rocher de l’Homme ou encore au Puy Gris, vous avez découvert le terrain à chamois typique de Belledonne, parfois casse-gueule et exposé, mais sur des sections courtes. Quel itinéraire réaliser, désormais, pour appréhender sur une distance et une durée bien plus longues ce terrain où commence l’alpinisme ?

La traversée Cime de la Jasse (2 478 m)Dent du Pra (2 623 m)Pic de la Belle Étoile (2 718 m)Pic des Cabottes (2 732 m) fait partie en Belledonne de ces crêtes aériennes jamais difficiles, et fera parfaitement l’affaire. Le terrain y est souvent délicat et le parcourir sans corde, avec la marge de sécurité nécessaire, est idéal pour travailler la sûreté et l’efficacité de ses pas, ou de son évolution, près de quatre heures durant.

Depuis le Pic des Cabottes (2 732 m), vue sur l’intégralité de la traversée depuis la Cime de la Jasse ©Manu Rivaud

un voyage en altitude sur près de 3 kilomètres

Cotée T5 en cotation randonnée mais succintement topographiée, cette crête est d’abord un magnifique voyage en altitude parmi ces 4 cimes du massif, individuellement très fréquentées. On ne compte plus les ascensions de chacune d’elles à skis à la saison neigeuse, par tous leurs versants, ni à pied par les randonneurs à la saison sèche. Mais si depuis la Dent du Pra ou la Belle Étoile, beaucoup ont songé à parcourir cette crête qui s’étend sur près de 3 kilomètres, peu la réalisent chaque année. Flemme ? Peut-être… Avec l’approche à la Cime de la Jasse depuis Prabert et le retour du Pic des Cabottes par le col de la Vache et le Pas de la Coche, le dénivelé positif de l’ensemble frise les 1900 mètres, pour une distance totale d’environ 17 kilomètres.

Oubliez les Jornet, d’Haene, Gignoux et autres deux-cœurs-trois-poumons : les montagnards que nous qualifierons de « normaux » partiront là, sans musarder et en terrain sec, pour une bambée d’une dizaine d’heures au total. Quant à réaliser ce parcours en neige, c’est un autre sport et on ne prendra pas beaucoup de risque à vous conseiller une belle journée d’été et des conditions sèches pour le réaliser une première fois. Devenir agile sur le caillou de Belledonne n’est-il pas l’objet de votre entraînement pour la traversée du Grand Pic ?

Premier passage technique dans la descente vers le col de Vouteret

D’un point de vue physique, atteindre en 2 heures la Cime de la Jasse depuis la route forestière de Prabert est un premier objectif à atteindre pour envisager la suite sereinement.

L’arête démarre à deux pas du sommet, au col du Pra (2 463 m). D’ici, la Dent du Pra se rejoint rapidement, par le fil encore grossier : petits ressauts, mini vires terreuses à droite, à gauche, quelques spits ça et là étonnent – traces probables d’un secours – et certains passages aux rochers et prises traitres renseignent déjà sur la nature du terrain : il va falloir tester, tout au long de la traversée, ses prises et appuis, et surtout privilégier les zones les plus saines et compactes, tout en estimant leur difficulté. Excellent jeu !

Premières désescalades sur le fil dans la descente vers le col de Vouteret ©Thibaut Michoux

Les sections techniques où trouver les meilleurs passages, de la Dent du Pra au col de Vouteret ©MR

Petite exposition,
rocher parfois délicat
et petites prises au programme

Du sommet de la Dent du Pra au col du Vouteret qui fait suite, deux options s’offrent à vous : rester le plus possible sur le fil ou proche du fil de l’arête, où le rocher est le plus sain mais aussi le plus ludique, ou, par des vires caillouteuses et sans intérêt en contrebas, contourner des difficultés proposées par une première pointe et une sorte de tour sans nom, qui dominent le col. Dans le premier cas, on réalise quelques premiers pas d’escalade en II, voire III lors de la désescalade en diagonale de la tour. Petite exposition, rocher parfois délicat et petites prises au programme : formateur, et à faire pour l’ambiance ! La pause au col de Vouteret n’en sera que meilleure.

Horaire pour cette première section depuis le col du Pra ? 1h15 à 1h30. Échappatoire possible par les pierriers du versant sud du col, vers le Font de la Belle Étoile et le Col de l’Aigleton.

 

Paisible Belle Étoile

Du col de Vouteret à la Belle Étoile, les ressauts se succèdent sans problème particulier d’itinéraire ou d’exposition : les corps s’habituent, sont plus efficaces. Néanmoins, la section est assez longue, et il est fréquent de monter, descendre et ainsi de suite, pour franchir plusieurs épaulements de la crête jusqu’au sommet, à 2 718 mètres.

Au Pic de la Belle Étoile, près de 3 heures se sont normalement écoulées depuis votre départ de la Cime de la Jasse, pauses incluses, et en distance vous avez quasiment parcouru les deux-tiers de la crête intégrale. Mais le plus difficile – aussi le plus étonnant et le plus intéressant – reste à venir, techniquement, physiquement et… moralement. Beau temps et réserve mentale de rigueur : le Pic des Cabottes est encore assez loin, avec à mi-chemin l’austère Pic de l’Apparence. L’arête est confuse : encombrée de blocs de toutes tailles parfois en équilibre, elle promet des moments de réfexion question cheminement.

En cas de doute ou de dégradation météo, une échappatoire, en revenant un peu sur ses pas, est possible par le couloir sud de la Belle Étoile, puis par le col de l’Aigleton.

 

 

Au Pic de la Belle Étoile, deux-tiers de la crête sont franchis.
Mais le plus difficile est à venir.

Dans les ressauts faciles vers le Pic de la Belle Étoile ©Thibaut Michoux

Depuis la Belle Étoile, vue sur la section finale jusqu’au Pic des Cabottes (les flèches rouges indiquent une option de descente du pic) ©MR

Passages clés

À mi-chemin du col des Mottes sous la Belle Étoile et du Pic de l’Apparence, une première petite aiguille offre un beau rocher et une belle évolution grimpante, versant sud. Le fil acéré dissuade, sans corde, de le suivre et la section se franchit par quelques rampes salvatrices et pas de désescalade. L’exposition n’est pas anodine, mais la difficulté n’excède pas le III.

Vient ensuite le Pic de l’Apparence, massif, que l’on pourra contourner par une rampe dans son versant ouest et une brèche permettant de rejoindre son versant nord, avant de retrouver le fil de la crête. Plus loin, un gendarme se dresse, et se contourne également en versant nord : rocher délité et neige probable, même par conditions globales sèches. Les derniers mètres vers le Pic des Cabottes se dévoilent enfin : encombrés de blocs parfois instables, le cheminement devient plus évident et au sommet, la traversée proprement dite est terminée. Horaire indicatif depuis la Belle Étoile : 1 h.

Vers le Pic de l’Apparence…©TM

… ne pas trop jouer, sans corde, avec le fil… ©MR

Dans les derniers mètres vers le Pic des Cabottes. À l’arrière, le gendarme contourné versant nord ©Thibaut Michoux

Du sommet des Cabottes, vue sur les lacs des Sept Laux ©MR

il ne vous reste plus qu’à tester
votre aptitude de grimpeur,
encordé et bardé du matériel d’alpinisme

Une vraie course d’alpinisme « facile »

À l’Est, le paysage s’ouvre sur les lacs des Sept Laux et les hauts sommets de la Combe Madame, Rocher Blanc et Rocher Badon. Vers l’ouest, toute l’arête parcourue depuis la Cime de la Jasse est bien visible. On pourra profiter ici de ces vues et d’une dernière pause, avant la descente du pic par un des couloirs de son versant sud (plusieurs otions, toutes assez raides et caillouteuses, mais courtes).

La journée est déjà bien avancée. Vous êtes partis depuis environ 7 heures et sortis des difficultés, mais reste une marche assez longue pour rejoindre le col de la Vache, le Pas de la Coche et le point de départ sur la piste forestière de Prabert. D’autant que cette première section vers le col de la Vache n’est pas tracée, et qu’il va falloir cheminer parmi quelques croupes herbeuses et autres vires planquées pour optimiser.

Au final, c’est l’impression d’avoir réussi une vraie course d’alpinisme « facile », voire « peu difficile », qui pourrait rester. Contourner toutes les difficultés de cette crête Jasse-Cabottes par des vires en contrebas pourrait justifier de qualifier cet itinéraire de randonnée alpine, mais choisir d’en franchir les difficultés par le fil est autrement plus technique, exposé parfois et de fait, formateur.

À ce stade de votre cheminement vers la traversée du Grand Pic, il ne vous reste plus qu’à tester votre aptitude de grimpeur encordé et bardé du matériel d’alpinisme, avant d’aller savourer la plus belle course d’arêtes du massif avec sérénité. Suggérons ce test du côté des aiguilles de l’Argentière, où une escalade majeure en 6a max et une belle petite traversée d’arêtes au-delà de 2500 mètres devrait convenir. À suivre…

 

Traversée Jasse – Cabottes
Quelques éléments pratiques

Intégralité du parcours ©MR

Point de départ : épingle de la route forestière de Prabert (1 340 m).

Matériel : casque, bonnes chaussures suffisament rigides pour les sections grimpantes, bâtons télescopiques, crampons par prudence, vêtements suffisants (le vent peut-être important sur la crête, penser au coupe-vent), frontale et vivres de course, petite pharmacie et téléphone.

Durée indicative (pauses incluses) : approche à la Cime de la Jasse (randonnée), 2h. Cime de la Jasse – Pic des Cabottes, 4h. Descente des Cabottes et retour à Prabert, 3 à 4h.

En solo ou à plusieurs ? À plusieurs, c’est mieux.

 

Note : au 20 juin, la crête Jasse-Cabottes et ses alentours, notamment les accès et retours au-delà de 2200 mètres d’altitude, étaient encore très enneigés. Crampons indispensables, horaire plus long et difficultés supérieures probables sur la crête en conséquences. Ou patience.

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