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Mont Pourri, par le col des Roches

Les plus belles courses d'Alpine (et les moins pires)

Près du sommet du mont Pourri ©Ulysse Lefebvre

Reprendre la montagne et le ski après une longue période d’abstinence, c’est comme revivre une première fois, avec le risque d’avoir les yeux plus gros que le ventre. En partant au mont Pourri, fleur au fusil, on savait que le plaisir serait à la hauteur de l’altitude. Au prix de quelques souffles coupés et autres objets égarés… Une histoire post-confinement qui peut se rejouer de temps à autre. 

Qui n’a jamais pensé monter au sommet du mont Pourri ? Si le nom de cette belle montagne peut laisser à désirer, ou lasser de désirer, le mont Pourri attire forcément l’oeil un jour ou l’autre. Du haut de ses 3779m, deuxième sommet de Vanoise, il fait partie des grosses montagnes reconnaissables de loin, de celles dont les épaules sont encore ornées de glaciers. C’est cette ambiance alpine que notre cordée « Alpine » avait hâte de retrouver.

Même si deux mois de restrictions nous ont prouvé que l’on pouvait vivre la montagne par procuration, au travers de récits, de littérature, de points de vues ou de films, force est de constater que le jour venu où les portes se réouvrent, on fonce comme au premier jour. Avec ses joies simples et ses petites erreurs d’inattention…

Entre le Grand Col et le col des Roches ©Jocelyn Chavy

On retrouve donc les questions dans le tableau à double entrée de nos esprits fatigués : comment trouver un sommet haut qui conserve la neige, d’orientation nord ou ouest pour échapper à la soupe printanière, tout en évitant de trop longues approches à pied et chausser au plus vite… Ah oui, et un sommet éventuellement beau et à l’ambiance haute montagne. On ressort les cartes et les topos, les listes de noms consignés dans un carnet de courses « à faire »… Pourri !

Arc 2000, 5h. La crainte de la neige molle nous motive à partir tôt. Trop tôt peut-être. Mais nous émettons de gros doutes sur notre forme physique et préférons anticiper un éventuel rythme escargotien. Les tutos Youtube sur le gainage des abdos profonds et autres séances de méditation positive proposés à foison durant les deux mois de confinement ne nous ont pas convaincus pour garder le pied alpin.

 

En sortant du Grand Col. ©Ulysse Lefebvre

Sous le col des Roches (à gauche). ©Jocelyn Chavy

Si le rythme se gère en modérant l’allure (pas trop vite) et les efforts (ne pas trop pousser sur les cuisses), il faut croire que les reflexes et les équilibres prennent plus de temps à revenir. Après une heure de course, on déplorait un bâton cassé pour cause de zipette sur un talus glacé de ratrack. Une heure plus tard, un capuchon d’objectif photo ouvrait une directissime descendante vers le glacier du Geay.
Et que dire de ce dialogue, assis au sommet, aussi puissant que nonchalant, alors que les esprits se perdent dans le paysage :
– Tiens c’est quoi ce truc bleu qui roule ?
– Ah bein c’est ma doudoune en boule.
– Elle va vite dis-donc.
– C’est vrai.
– Oh mais regarde elle va peut-être s’arrêter… ah non elle repart de plus belle.
– Elle va faire un sacré saut depuis le sérac.
– Dommage qu’on puisse pas le voir d’ici.
– Bon bein faudra que je me rachète une doudoune.

Mais aussi une frontale oubliée près de la voiture et une paire de baton, le second ayant cassé lui aussi à la descente…

 

Coup d’oeil sur les 150 derniers mètres, sous le sommet. ©Ulysse Lefebvre

La foule des grands jours au sommet. À qui la faute ? ©Ulysse Lefebvre

Il faut dire que passer de 400m de dénivelé positif en moyenne, dans un cercle d’un kilomètre de rayon, à 1750m en altitude, sans transition, demande quelques efforts qui alourdissent les jambes et ralentissent l’esprit. Malgré tout, l’ascension est plutôt aisée, avec une neige dure tout du long qui permet de monter au choix à skis avec les couteaux ou avec les crampons. La traversée du glacier du Geay, sous le col des Roches, est pour l’heure encore bien bouchée et ne décaille que vers 10h30/11h par une belle journée ensoleillée. En revanche, les pentes amont sous le sommet restent en neige dure et offrent un ski disons, utilitaire.

En ce 20 mai, beaucoup de monde avait eu la même idée. On a beau être « le jour d’après » et vanter le vivre ensemble, on ronchonne en arrivant au sommet et en voyant 8 personnes devant et 15 derrière. Mais à qui la faute ? Ne peut-on pas en revenir à la simple satisfaction d’être de retour là-haut ? Se dire qu’on avait qu’à trouver un objectif plus confidentiel ? Ou tout simplement attendre un peu pour se retrouver finalement à trois au sommet, sans vent, à reprendre encore et encore de cet air raréfié en oxygène qui à la fois nous asphyxie et nous regonfle ? Au loin, elles sont toutes toujours là, au même endroit, ces montagnes qui nous ont tant manqué : Grande Casse, Grande Motte, mont Blanc, Pierra Menta, et plus loin grand Combin, Cervin… Et même la Dent Parrachée là derrière, purée que c’est bon de te retrouver ma vielle !

Dans les 100 derniers mètres sous le sommet, la Grande Casse en arrière-plan. ©Ulysse Lefebvre

Sur la petite crête esthétique qui prolonge le sommet au nord. ©Ulysse Lefebvre

 

Une fois de plus, on ne sait pas trop pourquoi mais la montagne nous redonnne autant d’énergie qu’elle nous en prend, le temps d’une journée d’ascension. Alors certes les appuis sur les skis à la montée sont parfois hésitants, les poumons chauffent et les cuisses fument, la position en descente n’est pas du tout photogénique, et quelques objets nous échappent des mains. Mais on sent que quelque chose est de retour, comme une première fois.

 

Article publié originellement le 10 mai 2020.

Conseils

  • La durée d’ascension dépend du rythme de chacun mais il semble inutile de partir avant 5h en ce moment car là-haut, ça ne décaille pas au-delà de 3100m avant 11h30. C’est surtout au niveau du glacier du Geay, qui prend le soleil plus tôt, qu’il faudra prendre garde aux éventuels ponts de neige ramollie.
  • N’oubliez pas les couteaux si vous voulez prolonger sereinement l’ascension à skis. Sinon, sortez les crampons avant d’être dans le (trop) dur.

Skieur moyen, neige moyenne, cuisses molassonnes… Pas photogénique mais hautement réjouissant pour le principal intéressé !  ©Jocelyn Chavy

Massif de la Vanoise, mont Pourri, 3779 m,
face ouest par le grand Col et le col des Roches
(3.3, D+ 1750m, AD+)

Gravi à l’origine le hameau des Lanches et le refuge du mont Pourri (2374m) vers le glacier du Geay, l’ascension se fait aujourd’hui le plus souvent au départ des Arcs 2000 via le col des Roches, pour ensuite prendre pied sur le glacier du Geay. Ce départ a l’avantage d’être situé plus haut et d’offrir un sommet à la journée.

Accès 
Bourg-Saint-Maurice, les Arcs 2000, stationnement au pied du télesigège Arcabulle (2190m) ou plus haut, au Plan de l’Homme (2366m) selon l’état de la piste d’accès.

Topos 
Toponeige Vanoise, Leila et Volodia Shahshahani.
Le topo de la Vanoise, Philippe Deslandes, James Merel.

Matériel
Skis, couteaux, piolet léger, brin de 30m si encordement nécessaire pour la traversée du glacier du Geay et des les dernières pentes plus soutenues sous le sommet. Kit glacier. DVA+pelle+sonde.

Cabane
La cabane du Grand Col (2935m) était ouverte ce 20 mai 2020. Rappelons que le décret prefectoral de Savoie oblige à une pratique de la montagne à la journée jusqu’au 2 juin 2020….

Grande Casse. ©Ulysse Lefebvre

Massif du Mont-Blanc. ©Ulysse Lefebvre

Pierra-Menta. ©Ulysse Lefebvre