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L’ombre et la lumière

L'autobiographie d'Andy Cave

Andy Cave a accroché à son palmarès l’une des plus formidables ascensions de tous les temps : la première de la face nord du Changabang avec Brendan Murphy, qui se tua à la descente. Né en 1966, Cave a d’abord commencé comme mineur, fils de mineur du Yorkshire, et a vécu les grandes grèves engendrées par M. Thatcher. Son autobiographie passionnante est à ne pas manquer pour comprendre le caractère bien trempé de celui pour qui la montagne a été une porte vers la lumière.

Par Andy Cave, éditions Nevicata, 347 pages, 22 euros.

Quand il a seize ans, Andy Cave est bien loin des montagnes. Issu d’une famille de mineurs du Yorkshire, il abandonne l’école pour devenir mineur à son tour, pour un travail sale et harassant, où, au fond de la mine, on a les pieds dans l’eau jusqu’aux genoux. Au même moment, l’escalade sur les blocs de la région est une révélation. Mais il est rapidement pris dans la tourmente des grandes grèves contre Margaret Thatcher et sa politique ultra-libérale. « Il y a ceux qui ont fait grève jusqu’au bout et les autres. » Andy Cave fait partie de ceux qui l’ont faite jusqu’au bout – douze mois de grève – et sa famille a connu les fins de mois impossibles. Il finit par plaquer son job pour réaliser son rêve, réussir de grandes ascensions, qui va culminer avec l’expédition du Changabang, au Pakistan, en 1997.

Le Changabang a attiré le gotha de l’alpinisme comme nous l’avons raconté ici, mais à la fin des années 90, la face nord est vierge. Avec plusieurs compagnons Andy Cave se rend au Pakistan, et c’est avec Brendan Murphy qu’ils se lancent en style alpin dans cette face nord du Changabang incroyablement esthétique, et d’un niveau technique maximal, sur un sommet de 6864m. La descente est un long cauchemar que détaille Andy Cave : après la mort de Brendan Murphy, lui et ses compagnons qui l’ont rejoit vont mettre quatorze jours au total pour revenir au camp de base. La voie ne sera répété qu’en 2018 par le GMHM. Un film, Changabang, les miroirs d’une répétition, retrace cette seconde ascension et rend compte de cette première en avance sur son temps : plus de vingt ans plus tard, il faut une des meilleures cordées européennes (les trois du GMHM, Billon, Moatti, Ratel) pour réussir.

Après le Changabang, Andy Cave est marqué dans ses chairs, extrémités gelées, et dans son esprit. Mais sans doute son mental combatif, modelé par le fond de la mine comme face aux briseurs de grève, ce mental lui a permis de surmonter cette épreuve.

En 2005 pour l’édition anglaise (Learning to Breathe), 2013 pour la présente édition, il finit par coucher sur le papier son parcours, celui d’un gamin qui parti de rien (et parti de l’école) finit intellectuel universitaire diplômé. Il a en tous cas le talent de nous embarquer d’un monde à l’autre, de l’ombre à la lumière.

Une autobiographie passionnante, fouillée, d’un alpiniste à la destinée hors du commun, avec une préface du grand Pierre Mazeaud.

Changabang 1997. ©Cave/Murphy