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Cascade de glace : les joyaux de l’Alpe d’Huez

Petite histoire d'un grand site

Jehan-Roland Guillot à l'Alpe d'Huez ©Jocelyn Chavy

Magique, la pratique de la cascade de glace est en partie née à l’Alpe d’Huez, en Oisans. A la fin des années 70, puis plus largement au début des années 80, une bande de guides de haute montagne grenoblois se lancent dans l’ascension de cascades gelées : Godefroy Perroux, François Damilano ou encore Paulo Grobel sont ceux qui popularisent l’activité en Oisans, et à l’Alpe d’Huez. Immanquable, le site est toujours un lieu idéal pour découvrir, ou redécouvrir la glace, avec des cascades souvent en condition tout l’hiver. Go !

Les falaises du lac Besson à l’Alpe d’Huez a été l’un des premiers secteurs au monde où la cascade de glace s’est développée. Vous comprendrez pourquoi en arrivant sur le site après seulement vingt minutes de marche depuis le téléphérique. Si l’altitude élevée, plus de deux mille cent mètres, garantit jusqu’à fin février la présence et la qualité de la glace, c’est aussi par sa situation extraordinaire que les cascades de l’Alpe d’Huez ont établi leur réputation. C’est en effet l’un des très rares secteurs en France où l’on peut grimper une cascade de glace au soleil ! L’après-midi, en janvier, on peut ancrer les piolets dans la glace tout en profitant de cette orientation ouest.

Dessous Dessus, la variante directe ouverte par François Damilano sous les caméras de Nicolas Hulot. ©Jocelyn Chavy

Impossible de manquer Symphonie d’automne, la grande classique ouverte par Godefroy Perroux et ses copains matheysins

Progresser le long de la glace comme un chat et non pas comme un bulldozer. Ce sera la meilleure façon de se lancer dans les cascades mythiques de l’Alpe d’Huez, qui comme les voies d’escalade de rocher l’été, portent des noms données par les ouvreurs. En l’occurence, impossible de manquer Symphonie d’automne, un rideau de glace haut de cent vingt mètres et large d’une quinzaine, qui se gravit en plusieurs longueurs. Couronné de piliers de glace appelés « tubes », ce grand pan de glace bleutée est un classique historique, depuis décembre 1979.

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Discipline exigeante, la glace « moderne » est née ici, l’hiver 1979, dans les Alpes, presque tard si on sait que des goulottes très raides étaient parcourues au Ben Nevis avec les antiques piolets Terrordactyl, premiers piolets tractions, dès la fin des fifties. Au début des années 70 la glace raide ne repousse plus les grimpeurs, que ce soit dans les Pyrénées avec les premiers parcours dans Gavarnie en hiver, ou dans les faces nord en été – oeuvres de Walter Cecchinel qui « invente » les premiers piolets traction « continentaux ». L’hiver 1978-79 voit une bande de Grenoblois menée par Pascal Sombardier s’intéresser aux cascades de la vallée de la Romanche, ils gravissent Caturgeas près de la Grave.

En novembre et décembre 1979, la bande des Matheysins, Bernard Miard, J-M. Télé et Godefroy Perroux ouvre les cascades les plus évidentes de l’Alpe d’Huez, dont Symphonie et Ice Bille. Par la suite Godefroy Perroux va devenir l’un des maîtres de la cascade. À partir de son fief de l’Alpe d’Huez, il va écumer l’Oisans, puis, après sa rencontre avec François Damilano, nombre de cascades mythiques, des Alpes aux Rocheuses en passant par l’Écosse. Comme il nous l’a raconté, François Damilano fait sa première cascade de glace ici, à l’Alpe d’Huez, et c’était Supercramp.

François Kern à la sortie de Symphonie, variante de gauche ©Jocelyn Chavy

A l’approche des cascades, sur fond de Ice bille. ©Jocelyn Chavy

Jehan-Roland Guillot dans Ice Bille ©JC

Dans une revue de l’époque, Godefroy Perroux lui-même raconte ses débuts en glace, et à l’Alpe d’Huez. « En mars 1979, Jean-Marc Troussier, alors un des rares initiés, me permit de goûter aux miroirs gelés. l’escalade était fascinante, difficile, inattendue, très raide et merveilleusement variée. (…) Dès l’hiver 1979-1980 l’Alpe d’Huez allait me permettre de renouer avec cette discipline qui m’avait profondément marqué. La découverte des cascades de l’Alpe d’Huez est liée à un mélange de hasard et de vague souvenir. J’avais aperçu de la glace depuis le télésiège des Plates. Une balade en ski de fond me montra combien la falaise cachait de chutes gelées.

Le soir même je rentrais à la Mure à 60km de là chercher tout mon matériel ; toujours un peu perturbé j’envisageais ces ascension en solitaire. Je commençais par Chacal bondissant (…). Nous nous retrouvions à l’Alpe d’Huez avec Bernard Miard, Jean-Marc Télé, Serge Koenig, Denis Marchand, et nous avons pu gravir un grand nombre de cascades ».

Auteur de moult nouvelles lignes, d’itinéraires d’ampleur dans le massif du Mont-Blanc, Godefroy Perroux disparaîtra dans l’effondrement d’une cascade aux Houches au début des années 2000.

Jocelyn Chavy dans Stalactus, L2 ©A. Lachat

Supercramp Directe ©Jocelyn Chavy

Dessous Dessus, variante directe ©Jocelyn Chavy

La goulotte de la Grotte, plus facile qu’il n’y paraît. ©JC

Guide, Godefroy Perroux organise les premiers stages de cascade de glace à l’Alpe d’Huez. Un franc succès, même si les glaciairistes font tâche au milieu des flots de skieurs. « Des trois premiers visiteurs de l’année de découverte [dont lui-même] on est passé à plus de 250 personnes en 1981, et même une journée il y eut 28 personnes dont une quinzaine dans une même cascade ». Le 17 janvier 1982, une partie de Symphonie s’effondre et fauche un groupe. Un dur rappel que ce milieu n’est pas aseptisé, malgré la proximité des pistes qui font qu’à l’Alpe d’Huez plus qu’ailleurs, la pratique de l’activité semble plus accessible, voire détendue.

Écoutons Godefroy Perroux : « La vue est très étendue, et tout au long de la saison l’après-midi, l’escalade se pratique au soleil, ce qui est rare en cascade ». S’il faut faire attention aux températures souvent trop clémentes après midi, qui indiquent de redescendre promptement, l’Alpe d’Huez reste un superbe site où découvrir la glace, où s’entraîner, à jouer avec cet élément magique qu’est la glace.

Au R1 d’Ice Bille ©Jocelyn Chavy

Glace au soleil, que demander de plus ? ©JC

Alpe d’Huez mode d’emploi

> les classiques à faire : de gauche à droite, Symphonie d’automne, 3 longueurs, 3+ à 4+ selon l’itinéraire choisi. Ice Bille, 3+/4, 2 longueurs. Stalactus, 4, 2 longueurs. Supercramp et Supercramp Direct (2 longueurs), 4. La Grotte, Super Misère, et la première de God, Chacal Bondissant. 

> Comme le conseillait Godefroy Perroux, les larges cascades de Symphonie et de Ice Bille permettent à plusieurs cordées d’évoluer en même temps. Néanmoins, gardez deux conseils à l’esprit : ne vous entassez pas dans une cascade où il y a déjà une, deux, ou trois cordées.
> Si vous êtes un groupe, ne trustez pas la cascade pendant toute la journée. Un peu d’ouverture (d’esprit) et partageons l’espace (on n’est pas des chasseurs) !
> A la mi-journée, grimper au soleil est l’un des délices de l’Alpe d’Huez, mais attention au risque d’effondrement, total ou partiel. La L3 de Symphonie et ses épées menace directement les deux premières longueurs. S’il est possible de grimper en février, voire plus tard à l’Alpe d’Huez, mieux vaut s’abstenir d’y rester une fois le soleil venu.
> Les relais sont en général très bien équipés, certains sont des relais d’été et/ou financés par l’ECI iséroise. Mais il traîne par-ci par là des relais antiques, à ne surtout pas prendre les yeux fermés.
> accès : depuis le haut de la station de l’Alpe d’Huez, le premier tronçon du téléphérique permet de réduire la marche d’approche à une vingtaine de minutes, en prenant un billet piéton.
>Accompagnement :

Jehan Roland Guillot, guide de haute montagne

Le bureau des guides de l’Alpe d’Huez

 

 

A lire : le récit de François Damilano

 

Ze topo. Tome 1 pour l’Alpe d’Huez.