Bout des Alpes discret, blotti quelque part entre ses voisins plus populaires du Queyras et du Mercantour, la vallée de l’Ubaye est un coin de paradis pour le ski. Dans ce large corridor hérissé de sommets aux profils variés, le paysage est marqué par sa minéralité. Un séjour hivernal en Ubaye est forcément riche de contrastes. Entre l’azur profond de son ciel presque méditerranéen et cette neige des Alpes qui se maintient longtemps après la dernière chute, même sous le soleil de la Provence où l’on entre ici, il faudra prendre son temps pour profiter pleinement des grandes étendues sauvages de cette vallée préservée.
Comme souvent, le baptême de la vallée de l’Ubaye s’est fait par les eaux de sa veine principale. Solution de facilité, les montagnards pragmatiques sont allés pécher un nom dans le torrent qui draine leur montagne.
Du petit lac de Longet, perché à plus de 2 600 m aux confins de la haute vallée, l’Ubaye prend son élan sur près de 80 km pour finalement se perdre dans les eaux du lac de Serre-Ponçon. C’est là que sont scellées ses retrouvailles avec la Durance, son ainée septentrionale, avant un autre voyage vers le géant Rhône puis la libération en Méditerranée.
Serre-Ponçon est le repère géographique le plus évident pour considérer l’entrée dans la vallée de l’Ubaye, au sud de la grande parenthèse ouverte dessinée par le lac. L’identité de ses massifs est bien moins flagrante et le visiteur aura tôt fait d’y utiliser lui aussi ce nom d’eau particulier pour désigner le roc en général.
Un coup d’œil sur la carte géologique du coin révèle que la longue muraille du massif du Parpaillon repousse au nord l’Embrunais. Plus haut dans la vallée, le massif d’Escreins, dominé en Ubaye par la Font-Sancte, chevauche également le Queyras. Au sud, le massif de l’Orrenaye, incluant celui de Chambeyron, se joue de la frontière italienne.
Cet entralac d’ensembles rocheux donne toutes ses teintes au paysage de la vallée, du pastel calcaire au jaune cristallin de la quartzite en passant par les couleurs plus sombres des schistes et autres flyschs torrentiels.
Bout du monde alpin
L’hiver, la vallée ouverte aux quatre vents ferme les écoutilles et seuls trois de ses sept cols laissent encore le montagnard motorisé s’échapper par d’autres vaux. Il aurait bien tort de quitter cette charnière entre Dauphiné et Provence où l’on revendique 300 jours de soleil par an. Sous le soleil du sud, les 7 600 ubayens sont loin de se bousculer dans la longue et large vallée.
Concentré dans le pôle qu’est Barcelonnette, la densité s’effiloche au fur et à mesure que l’on remonte vers la haute-vallée. C’est là-haut, passé Jausiers et plus encore après St-Paul-sur-Ubaye, que le caractère sauvage de l’Ubaye prend tout son sens. Brec de Chambeyron (3 389 m), Aiguille de Chambeyron (3 411 m), Font-Sancte (3 385 m), Bric de Rubren (3 340 m), Péouvéou (3 232 m) ou encore Tête des Toillies (3 175 m) y sont les plus hauts représentants de cette foule de 3 000, à faire saliver un skieur blasé. Autre bout de France, la Corse pointe le bout de son cap par temps clair depuis le sommet de la tête de l’Enchastrayes (2 954 m), sur les hauteurs de Larche. Parole de guide.
Au-delà du village de Maljasset, qui clôt le chapitre anthropique de la vallée, plus de cols routiers ou d’habitations. La place est réservée à tout ce qui tient sur plus de deux pattes, dans un paysage saisissant de pics et flèches émergeants de belles pentes blanches. Les lignes à skier se déchiffrent facilement dans ce paysage contrasté. Quant aux berges de l’Ubaye, elles prêtent volontiers leurs flancs au randonneur en raquettes.
en basse vallée
la glacière reprend ses droits et gèle toujours les doigts
Plus bas dans la vallée, de longs et étroits vallons affluents emmènent le grimpeur sur glace dans de profonds ubacs peu fréquentés. Dans ces gorges, telles que celles du Bachelard ou du Laverq, l’eau se fige et procure de belles cascades de glace.
Signe de l’omnipotence de la nature ubayenne, la cascade du Gros Rognon (30m. I, 4+) persiste plein soleil durant 3 h de la journée. Le confort de grimpe, sans grelotter, y est excellent et ne fera qu’inciter l’apprenti grimpeur à continuer, en gardant en tête le caractère exceptionnel de cette configuration. Au pied de la barre du Vautreuil, en basse vallée, la glacière reprend ses droits et gèle toujours les doigts.
La Banane, fruit descendu
Il suffit parfois d’une petite virgule pour avoir le sourire. Le couloir en banane (4.2/E1), en face sud de la Font-Sancte, fait partie de ces agréables ponctuations. Il est toujours difficile de choisir un sommet en privilégiant les critères esthétiques. L’altitude est rarement déterminante, pas plus que la dénivelée, la beauté d’une montagne ne souffrant pas la mesure.
C’est là que la carte topographique peut livrer quelques clés. Des courbes de niveau qui convergent et se confondent en de petites taches brunes symbolisent souvent un relief découpé. Leur répartition dans l’espace indique un paysage à part entière.
La lecture de nombreux sommets alentours ouvre la perspective d’une profondeur de champ riche de cimes. Plus loin, sur l’autre versant, un point culminant offrira un repère au skieur hésitant. Et lorsqu’un couloir évident se dessine en une belle courbe, c’est du grand ski qui s’annonce.
Le couloir en Banane réunit peu ou prou l’ensemble de ces ingrédients, recette d’un plaisir des yeux et des jambes annoncé. Si le couloir en lui-même se mérite (près de 1 200 m de dénivelée pour atteindre sa base), ses 400 m de beau ski donnent une seconde jeunesse aux jambes fatiguées.
Dans la pente large et modérée du fruit descendu, n’atteignant que ponctuellement les 40°, le virage sauté est vite oublié, laissant place aux grandes courbes lorsque la neige le permet.
Au loin, à l’ubac, l’Aiguille de Chambeyron impose sa supériorité numérique. Le Brec de Chambeyron quant à lui, se démarque plutôt par son profil de pyramide tronquée. Une fois redescendu, sourire aux lèvres, une bonne bière locale est du meilleur effet au refuge de Maljasset (à réserver ici), moins de deux kilomètres plus loin.
Pesos mexicains et or blanc
Sans aller jusqu’à dire que la tequila remplaça un jour le génépi dans la vallée, il fut un temps où cette dernière vibra au son d’une musique mexicaine.
Commerçants du textiles habitués à se déplacer pour vendre leur marchandise, les barcelonnettes sont amenés à se lancer dans la grande aventure américaine au début du XIXe siècle, d’abord en Louisiane puis au Mexique. Là-bas ils vont s’établir progressivement, fondant d’abord de petits commerces textiles, les cajones de ropa, jusqu’à créer une industrie à part entière.
La dernière vague d’émigration date des années 50 et les retours dans la vallée se font alors plus rares, les Barcelonnettes s’intégrant de mieux en mieux à la société mexicaine. L’industrie textile ayant depuis muté et migré vers d’autres cieux asiatiques, ce sont là bas de beaux bâtiments haussmanniens dessinés par des architectes français qui témoignent de cette incursion tricolore dans le pays, notamment dans la capitale, Mexico, où le « style français » est bien présent.
De l’autre côté de l’Atlantique, entre Barcelonnette et Jausiers, la villa mexicaine devient le symbole visible de la réussite de négociants locaux sur le nouveau continent. Ces résidences d’été donnent au cœur de vallée des airs de ville thermale. Demeures imposantes de style colonial, elles sont toujours très prisées et valent aujourd’hui une fortune.
Depuis, la vallée a négocié le virage du tourisme et son économie en est aujourd’hui intimement dépendante. Pra-Loup, qui naquit en 1961 avec le concours d’Honoré Bonnet, entraineur de l’équipe de France de ski alpin, et Emile Allais, en est le fer de lance en hiver. Avec près de 50 000 lits touristiques en 2019, cette station intégrée attire la grande majorité des skieurs. Celui qui voudra s’écarter des remontées mécaniques aura tôt fait de trouver de beaux hors-piste sauvages, quitte à revenir par la route enneigée du col d’Allos, porte fermée de l’Ubaye ramenant à elle le visiteur curieux.
Et le parc national du Mercantour dans tout ça ?
La zone centrale du parc national du Mercantour concerne depuis sa création en 1979, une petite partie méridionale de la vallée de l’Ubaye, intégrant les communes de Larche, Meyronnes, Jausiers et Uvernet-Fours. Cette limite nord du parc est globalement représentée par un axe col de Larche (1 991 m) – col de Restefond (2 680 m) – gorges du Bachelard – col d’Allos (2 248 m).
Même si cette zone réglementée est réduite, deux règles concernent le randonneur à ski dans le cadre d’un raid de plusieurs jours. En premier lieu, le bivouac n’est autorisé qu’entre 19h et 9h et seulement à plus d’une heure de marche à l’intérieur des limites du Parc ou du dernier accès automobile.
Deuxième règle, les feux sont interdits. Dans le cadre d’un bivouac les réchauds sont tout de même autorisés à plus de 200 m des limites des bois et forêts.
Sur ce point, la Maison du parc, située avenue de la libération à Barcelonnette, donne toutes les informations nécessaires.
Infos pratiques
Ski alpin
Pra Loup (1 500/2 600 m.)
www.praloup.com
Forfait journée adulte : 32,50€
La station présente de beaux hors pistes, pour grandes courbes en pentes dégagées ou petits virages entre les mélèzes.
Ski de randonnée
Le bas de la vallée est ponctué de nombreux sommets relativement abordables, là où la haute vallée est un bout du monde très sauvage et esthétique avec ses pointes rocheuses qui émergent, au fur et à mesure que le skieur remonte la longue route D900. Globalement, avant d’aller tâter ces belles pentes , il faudra s’assurer de l’état d’enneigement et s’informer des risques nivologiques. En voilà une sélection.
Tête de l’Aupet, versant sud-est (2870 m.)
La vaste face sud-est de la Tête de l’Aupet offre un ski relativement facile et des options diverses une fois au pied des pentes terminales.
D+ : 1 540 m. Orientation : sud-est Difficulté : 3.3 / E1 (150 m. à 40° max.)
Accès : de Barcelonnette, prendre la D9 en direction de Saint Pons puis monter par la D609 vers le parking de Tréou (1 330 m.).
Itinéraire : suivre le sentier qui mène au refuge de la Pare (1 832 m.). Peu avant d’y arriver, au niveau des ruines des Gendrasses (1 792 m.), partir vers le nord-ouest et gagner les pentes qui mènent au sommet bien visible.
Font-Sancte, couloir en banane (3 385 m.)
Sous ce nom exotique se cache un couloir très esthétique et abordable techniquement, sur l’un des points culminants de la Haute-Ubaye. Côté dénivelée, cela reste une belle bambée, avec 1 200 m. pour atteindre la base du couloir puis 400 m. jusqu’au sommet. Par bonne neige, la pente modérée et la largeur du couloir permettent de belles courbes, sur fond d’aiguille de Chambeyron (3 411 m.) et de mont Viso (3 841 m.).
D+ : 1 600 m. Orientation : sud Difficulté : 4.2 / E1 (150 m. à 42° max.)
Accès : de Barcelonnette, remonter la vallée vers Saint-Paul-sur-Ubaye. Continuer ensuite vers Maljasset et se garer 1,5 kilomètre avant, au lieu-dit La Barge (1 877 m.).
Itinéraire : remonter le vallon de Panestrel dans l’axe, vers nord-ouest. Le couloir en banane, caractéristique, apparaît clairement à partir de 2 350 m. Gagner le pied du couloir puis le remonter. En bonne neige, on atteint une antécime du pic Nord à skis. Les derniers mètres jusqu’au sommet, souvent soufflés se parcourent à pied. Ce couloir se fait le plus souvent au printemps, dans une neige transformée.
Autres itinéraires : juste à l’est, un autre couloir de difficulté comparable représente une bonne alternative lorsque le couloir en banane n’est pas en condition (4.2). De l’autre côté, à l’ouest, le couloir est de Panestrel (3 254 m.) est plus technique et exposé (5.3 / E3). L’approche est la même que pour le couloir en banane. Arrivé au point côté 2 350 m., gagner le grand cône de neige en bas de couloir, à l’ouest de ce sommet bien individualisé. Le couloir se redresse progressivement jusqu’à atteindre 50° environ. Une corniche peut obliger à emprunter une section mixte pour sortir au lieu-dit la conque, une pente douce menant aux pentes terminales vers le sommet, rarement skiable.
Aiguille de Chambeyron, par le fond de Chauvet (3 412 m.)
Le point culminant du massif n’est pas skiable jusqu’à son sommet. Cette course longue mais peu difficile est une très belle plongée au cœur de la Haute-Ubaye. Le col du fond de Chauvet est à lui seul un objectif à part entière. Les plus expérimentés poursuivront jusqu’au sommet par un itinéraire alpin côté D-.
D+ : 1 750 m. Orientation : nord Difficulté : 3.3 / E3 (passages à 40° max.) Accès : de Barcelonnette, remonter la vallée vers Saint-Paul-sur-Ubaye. Continuer ensuite vers Maljasset et se garer 5,5 kilomètres avant, au lieu-dit Pont Vouté (1 657 m.).
Itinéraire : remonter au mieux le vallon de Chauvet, plutôt en rive droite. Du plan de Chauvet, un couloir sud mène au pas de Chauvet. Continuer plein est vers le col de Chauvet (3 321 m.).
Autres itinéraires : du même départ de pont Vouté, plusieurs options sont possibles selon les conditions : face nord de Chauvet est (3 311 m., D+ 1650 m. 4.1/E2) que l’on atteint en remontant le glacier ouest de Chauvet ; tour de l’aiguille Grande (2 884 m.), par le pas de Chauvet (D+1 220 m.,4.2 /E2) à la dénivelée positive moindre mais un peu plus difficile techniquement.
Tour du Brec de Chambeyron (3 389 m.)
Ce sommet tronqué caractéristique est difficilement skiable jusqu’à son sommet (5.4/E4). Une belle randonnée autour de ses flancs constitue une randonnée aussi facile que panoramique.
D+ : 1 350 m. Orientation : toutes Difficulté : 2.3 / E1 (passages à 35° max.) Accès : de Barcelonnette, remonter la vallée vers Saint-Paul-sur-Ubaye puis Fouillouse (1 900 m.)
Itinéraire : suivre le vallon et les chemins d’été GR5 et GR56. Au point côté 2 266 m., remonter nord-est vers le vallon des Aoupets puis gagner le pas de la Coulette (2 752 m.). Continuer nord-est en traversée peu ascendante sous le Brec de Chambeyron et rejoindre le col de la Gypière (2 927 m.). Les plus entrainés monteront au passage au sommet de la Tête de la Frema (3 151 m., D+750 m. 1.3/E1) avant de retrouver l’itinéraire initial en descente plein sud versant italien, jusqu’à retrouver le col de Stroppia (2 865 m.) et le vallon ramenant vers Fouillouse.
Autres itinéraires : une foule de sommets sont accessibles au départ de Fouillouse. Par ordre de difficulté croissant, citons entre autres le col du Vallonnet (2 550 m., D+650 m., 1.1/E1), la face sud-ouest d’Eyssilloun (2 896 m., D+1000 m., 3.2/E2), sa face nord (D+ 1 000m., 4.1/E2), la face sud-ouest de la Rocca-Blanca (3 193 m., D+1 400 m., 4.1/E2) ou encore la face ouest du Massour (3 219 m., D+1 340 m., 4.3/E3).
Cascade de glace
Cascades du Rognon (30m. I, 4+)
Une petite cascade, de 30 m. de hauteur mais qui a l’énorme avantage de passer au soleil entre 10h30 et 13h au mois de février. Grade 4+, c’est une belle couenne pour s’initier sans grelotter.
Accès : se garer juste avant le hameau de pont-Vouté, sur la route de Maljasset en haute-Ubaye. Marcher plein nord pendant 5 mn.vers la cascade visible depuis la route.
Accès
Route : l’hiver, la vallée de l’Ubaye voit l’essentiel de ses nombreux cols fermés. Seuls les cols de Larche et de Vars sont ouvert de manière quasi-permanente.
Du nord, suivre l’axe Lyon/Grenoble/Gap soit par la N85 et le col Bayard ou la D1075 et le col de Lus-la-Croix-Haute. De Gap, D900B puis D900 vers Barcelonnette.
Du sud, Aix-en-Provence/Sisteron/Tallard par A51 puis D900B et D900 vers Barcelonnette.
Train : gare TGV d’Aix-en-Provence ou gare TER de Gap puis liaison en taxi ou car vers Barcelonnette.
Contacts utiles
Communauté de communes de la vallée de l’Ubaye : www.ubaye.com
Maison du Parc National du Mercantour : www.mercantour.eu
Hébergement
Liste complète des hébergements (hôtels, chambres d’hôtes, gîtes…) et réservation en ligne sur les sites www.ubaye.com
On conseillera le gite L’Eterlou à Barcelonnette pour le charme de la vieille bâtisse, l’accueil de ses hôtes et sa situation stratégique à la sortie de Barcelonnette, en direction de Jausiers. https://www.ubaye-gite-hote-barcelonnette.fr/fr/
De même, le refuge de Maljasset (1 900 m.) à l’extrême bout de la vallée, est un point de départ idéal pour rayonner en Haute-Ubaye. Gardé en hiver et situé dans le hameau éponyme, sur la commune de Saint-Paul-sur Ubaye, dispose de 50 places ; https://chaletmaljasset.ffcam.fr/ 04 92 31 55 42
Encadrement
Bureau des guides de la vallée de l’Ubaye. https://www.guide-montagne-ubaye.com/
Topos
Hervé Foucher, Toponeige Ubaye. Emmanuel Cabeau et Hervé Galley, Guide Olizane Alpes du sud.