Deuxième épisode Rando-Photo, nous allons nous concentrer cette fois sur le Thabor. Bienvenue dans les Cerces pour une randonnée idéale à l’automne, car propice aux belles images, emmagasinées par le capteur ou sur la rétine.
Si ce Thabor là n’a rien de sacré, il n’en est pas moins un sommet mythique pour les randonneurs. Pour en faire le tour du mont, d’abord choisir le nombre de jours ou le décider au dé. Croiser les doigts ne pas faire 1. Avec un 3, on s’en est pas trop mal sorti pour faire les 3200 m de dénivelé sur 50 km. A Valmeinier, on enfile nos chaussures à La Saussette avant de remonter le torrent de la Neuvache, bucolique fil d’Ariane pour se mettre en patte. Le Pas des Griffes nous donne ensuite l’occasion de serrer une première fois les orteils. De là-haut, au loin et hautaines, les Aiguilles d’Arves nous tournent le dos. L’Aiguille Noire, au Sud, forcément, fait office de cap pour rejoindre le Col des Rochilles avec ses Lacs Rond et du Grand Ban. On s’assoit alors au bord. Ce plateau herbeux au-dessus duquel se dresse la Pointe des Banchets semble alors prendre les apparences du bivouac parfait. La nuit et le ciel ne nous donneront pas tort en nous offrant une voûte étoilée grandiose. Même les ronflements à bout portant ne bouderont pas ce plaisir céleste.
Le lendemain, la Clarée nous conduit au Refuge des Drayères d’Anne et Boris. Le temps de s’y gargariser d’un grand café avant d’aborder la montée à bâbord. Petit moment de doute en arrivant au… Lac Rond. Bug dans la matrice ? Moonwalk somnambule ? Jour de la marmotte ? Les lacs se suivent et les noms se ressemblent. Boris, un autre, a beau réitérer qu’il est plus simple de passer par dessus les montagnes que de les soulever, arrivé à la borie du Col des Muandes, une réflexion s’impose tout de même quant au choix de l’itinéraire. Si le trekking en montagne est bel et bien toujours une question de montées et de descentes, de points culminants et de combes, il s’agirait tout de même de ne pas surjouer le masochisme montagnard. Le chemin officiel du GR57 rajoute 400 mètres de négatif et nécessairement autant à remonter derrière. Se sentant de préserver la santé de nos genoux, on opte pour la sente plus sensationnelle qui suit une ligne de crête. L’ambiance change du tout au tout, quelque chose entre Mars et le Mordor. Seuls les versants nord offrent un peu d’hospitalité à quelques
encore vaillants névés émiettés sur le sol ocre et noir. Cette dernière partie assez raide met en évidence le poids du sac ainsi qu’un début de faim. Mais on n’est pas arrivés jusque là pour faire les Matamore. Dré !
Au sommet du mont et abords, les foules s’attroupent. La chapelle sommitale fait office de refuge où croyants et athées partagent la même quête d’ombre et de fraîcheur (et le saucisson aussi parce que ça fait toujours du bien une fois arrivé là-haut). Mais c’est ensuite de la vue dont on se délecte. Le promontoire de 3178 mètres est un belvédère panoramique (presque) imprenable. Les Ecrins, les Aiguilles d’Arves, Belledonne, la Vanoise figurent au paysage nord-alpin. Seul le Mont Blanc manque à l’appel, caché derrière le Pic du Thabor légèrement plus haut.
Face aux hautes alpes du Briançonnais, on aborde la descente avec les rétines qui brillent et les rotules qui crient. Les chaussures bien serrées, on suit les lacets passant au pied du Grand Séru et menant jusqu’au Lac du Peyron. Puis, son parvis, un vaste plat, légèrement faux pour finir les cuisses et conduisant linéairement au Col de la Vallée Étroite. Puis, le Refuge du Mont Thabor et le… Lac Rond, ter. On savait bien qu’on le faisait en boucle, mais à ce point-là… On ne se formalise pas pour ça (tant que les idées ne sont pas trop carrées), on commence à se faire au concept circulaire des Cerces. Et puis c’est comme “la mer noire”, en cas de doute sur le nom du lac, on est sûr ici qu’on finira par donner la bonne réponse. C’est une question de patience (et de confiance en son destin).
Au réveil, la vue est saisissante. Le Cheval Blanc se reflète dans le miroir lacustre et nous salue (à moins qu’il ne s’agisse d’une injure majeure). Les marmottons joueurs finissent d’égayer le paysage et renforcent la première hypothèse sur l’hédonisme du lieu. Ca met de bon poil et ça tombe bien, j’ai rien dormi de la nuit. Pourtant bien ultra-bordé dans mon duvet, la 2cv avec qui je partageais la tente a eu raison de mon sommeil. Bon, t’as beau redire que c’est ton pote, tu finis par devenir dingue. Ah “bordel, où c’est que j’ai mis mon flingue ?” De l’autre côté, le Lac Long (fut un temps où on ne s’embêtait décidément pas pour nommer les lacs, formes et couleurs suffisaient amplement à différencier la dizaine qu’on fréquentait) avant d’attaquer la montée vers le Col des Bataillères. Les linaigrettes et les doronics contrastent avec les obus qui ponctuent le chemin. Le sens de la déco mauriennaise est parfois douteux et j’avoue encore lui préférer “l'esthétique cadran solaire” locale. Au sommet, un champ de ruines minérales. Le corps sinue entre les rochers épandus tandis les premières nostalgies du trek s’insinuent dans l’esprit. Un dernier casse-croûte au bord du Lac de Bissorte avant qu’on rejoigne la voiture à Valmeinier et monte à bord.