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Morgan Salmon, Symon Welfringer ©Jocelyn Chavy

Du 9a à la Pierra Menta : Symon Welfringer au départ de la course de ski-alpinisme

Du Symon alpiniste au Symon grimpeur il n’y a qu’un pas d’escalade. Pour passer au skieur, comptez une conversion, en collant s’il vous plait. Converti au ski léger Welfringer ? Peut-être bien. C’est qu’il y a une Pierra Menta dans l’air. Pour y voir clair, on a accompagné Symon en montagne, d’une goulotte classique dans le Mont-Blanc, à un entraînement à ski en Belledonne, son quotidien de ces dernières semaines, avec son coéquipier Morgan Salmon. C’est que Symon a plus d’un costume dans son sac ultra-light. Le dernier en date : une combinaison rose fuchsia spécialement conçue pour briller et surtout s’amuser sur la course reine du ski-alpinisme, dès mercredi à Arêches-Beaufort. 

Polymorphe : qui peut se présenter sous des formes différentes. Cette définition du Robert convient plutôt bien à Symon Welfringer. Tous azimuts comme nous l’écrivions, le Lorrain prend un malin plaisir à toucher à toutes les facettes de la montagne. Quand il ne nous explique pas les affres de la météo de montagne en ce moment, Symon y est au coeur en grimpant de diverses manières. Pour résumer, disons que Symon fait partie des meilleurs alpinistes du moment et des meilleurs grimpeurs du moment. Pour illustrer, souvenez-vous de cette aventure hivernale dans les Grandes Jorasses, avec Clovis Paulin et Charles Dubouloz, dans la Directissime Walker en hiver. Ou encore de cette rare répétition de cascade de glace à Crolles dans la Muse. De l’autre côté du spectre, souvenez-vous qu’il a déjà coché deux 9a et ouvrait dernièrement une voie dure depuis le bas en Sardaigne. 

Symon Welfringer dans la Chéré au Triangle du Tacul, en février 2024. ©Ulysse Lefebvre

Mercredi 21 février, alpiniste 

Bref, n’en jetez plus. Tout cela ne l’empêche pas de faire une petite virée avec nous dans une voie classique du Mont-Blanc, la Chéré au Triangle du Tacul. « Je n’y suis allé qu’une fois ! Mais là, ça ne ressemble pas du tout à mes souvenirs. C’est hyper sec, avec du caillou partout et surtout, il n’y a personne ! ». En ce jour de mauvais temps annoncé de février, une lumière laiteuse parvient encore à percer entre les nuages lissés par les vents d’altitude. Il ne faut pas traîner. Ça tombe bien, Symon n’est pas venu acheter du terrain. C’est à croire que le manque de glace l’amuse. Même si des trous jalonnent les sections glacées, Symon ne peut s’empêcher de crocheter avec la lame de ses piolets.

Au relais, on cause de notre présent partagé. « Passe ta corde ici » dit le guide. On évoque aussi ses projets pour le futur. « J’irais bien grimper dans la région du Cho Oyu » dit l’alpiniste de haut-niveau. Parmi ses nombreuses idées, l’une d’entre-elles est pour le moins originale. « Demain le mauvais temps s’installe. Je vais pouvoir aller me faire quelques petites montées à la Pierre à Ric » me dit-il. « Quelle idée » lui répondis-je. « Pour la Pierra Menta ! » précise t-il. De retour au Poco Loco, devant un double burger au bleu et frites-mayo, je me demande comment Welfringer va rentrer dans son collant-pipette. « Allons-prendre un dessert ailleurs ! » conclue t-il. 

Dans la Chéré. ©UL

©UL

Jeudi 7 mars, skieur-alpiniste

Symon a de bons bras. Voilà qu’il veut nous prouver qu’il a de bonnes jambes. On prend rendez-vous pour voir ça de nos propres yeux, à Chamrousse, le plus proche de son camp de base grenoblois. Symon arrive avec Morgan Salmon, son coéquipier pour cette Pierra Menta 2024. « L’idée vient de « Momo ». C’est un ancien compétiteur en équipe de France et ça fait dix ans qu’il n’avait plus fait de course de ski-alpinisme. Il hésitait à refaire une course alors on a trouvé que ce serait marrant de s’y essayer à deux. »

Surtout, Symon est un gars curieux. Découvrir un nouveau sport le motive. « Ma première fois en ski-alpi, sur la Transvanoise, je me suis rendu compte que quand tu recommences un sport à zéro, tu te vois progresser. C’est par exemple plus dur pour moi en escalade parce que pour progresser, pour passer de 9a à 9a+, ça demande d’énormes efforts et de gros sacrifices. »

On pourrait prendre ça pour de la désinvolture si on ne savait pas que le binôme s’entraîne très sérieusement. « On est sur un rythme de 17 000m de dénivelé positif les grosses semaines, au moins 10 000m les plus petites. » 

Symon Welfringer et Morgan Salmon à l’entraînement sur les hauteurs de Chamrousse, début mars 2024. ©Jocelyn Chavy

En collant pipette
les cartes du dénivelé sont rebattues

Cela fait déjà quelques temps que Symon se plait à l’endurance. On l’a vu rallier des évènements à l’autre bout de la France au guidon de son vélo de course ou rejoindre des parois sur deux roues, avant de les grimper puis revenir au bercail en roulant. Il plonge cette fois dans la cour des grands mais relativise cet entraînement : « En collant pipette, les cartes du dénivelé sont rebattues parce que t’es léger. Il faut oublier le référentiel de la sortie de ski habituelle, à 1200m de déniv’. Avec des petits skis ça se fait bien. Et puis on suit le plan d’entraînement de Momo, avec ses conseils, ses doses d’effort à mettre dans les différents intensités. Parce que finalement, « se buter » à l’entrainement, tout le monde sait le faire. Mais il faut s’organiser. »

©JC

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Vers la Pierra Menta et au-delà

L’entraînement est une chose, mais il reste un paquet de paramètres à gérer sur une course aussi exigeante que la Pierra Menta. Avec ses quatre étapes en binôme, à plus de 2000m de dénivelé chaque jour, sur un parcours technique, parfois encordés, souvent à bout de souffle : de multiples compétences sont mises à rude épreuve.

À commencer par le matériel « Je ne suis pas un geek du matos. Momo m’a montré comment entretenir mes skis ».
Les techniques spécifiques ? « Le dépeautage n’est pas ce qui m’intéresse le plus mais me je me suis entrainé. »
Et cette tenue rose flashy ? « Pour apporter du fun et casser un peu les codes ! ».
La diététique ? « Je dois surtout lutter contre les excès d’alcool. Mais pas de graines au menu ! ».
Et l’organisation dans la course ? « Je suis celui qui bourrine à la montée. Momo aura l’expérience de la gestion de course. Mais globalement, on fera au feeling ».
Une crainte ? « Ne pas tenir les quatre jours évidement ! ».

©JC

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un entraînement pour
les futures expés en Himalaya

Quand on voit le temps passé pour l’entraînement à une course si spécifique, on se demande si Welfringer ne va pas y prendre goût : « Je le vois aussi comme un entraînement pour les futures expés en Himalaya. C’est un excellent moyen d’avoir la caisse et l’endurance. »

Un dernier risque tout de même, et pas des moindres :  « Skier avec des allumettes c’est bizarre. C’est une technique très différente de ce que j’ai l’habitude de faire. Mais je crois que j’y prends goût. Aujourd’hui, j’apprécie même de skier en poudreuse avec mes allumettes ! ». Rendez-vous mercredi 13 mars 2024 sur la ligne de départ de la 38e Pierra Menta, à Arêches-Beaufort, pour suivre la course et les exploits de ce duo inattendu.