Jāavoue. Le fat bike, je nāy croyais pas trop. Et puis le temps a manquĆ© pour aller skier aprĆØs le boulot. La neige aussi. La nuit est tombĆ©e et le copain à « gros vĆ©loĀ Ā» sāest pointĆ©. On va roulerĀ ? VoilĆ donc lāautre « after-tafĀ Ā» de lāurbain pressĆ©, option Vercors nocturne, histoire de contrecarrer le redoux de fin fĆ©vrier. Jāai alors pu mener lāenquĆŖteĀ : pourquoi faire du vĆ©lo dans la neigeĀ ? Pourquoi dĆ©gonfler les pneusĀ ? Mais aussi pourquoi sortir la nuit quand certains montagnards sont grisĀ ?Ā Attention, enquĆŖte choc au cÅur des fat-bikers.
Comme souvent, Ƨa commence par un mĆ©lange de curiositĆ© mĆŖlĆ©e dāincrĆ©dulité : mais pourquoi diable aller rouler quand on peut skierĀ ?! Ć ces mots quelque peu provocateurs aux oreilles de Julien Rebuffet (avec un E, pas comme Gaston), le copain moniteur et directeur du syndicatĀ Moniteur Cycliste FranƧais (MCF), la rĆ©ponse ne tarde pas Ć fuserĀ : « Parce quāon aime Ƨa pardiĀ !Ā Ā» Ok, ok. Il me fait le coup du gars passionnĆ© qui roule toute lāannĆ©e et nāhĆ©site pas Ć fendre la neige sur son fat-destrier. Ć la limite, je veux bien. Il nāy quāĆ voir le nombre de skieurs tout autant passionnĆ©s par leurs planches qui nāhĆ©sitent pas Ć occuper les extrĆ©mitĆ©s des trop courtes journĆ©es dāhiverĀ : avant-taf express Ć Chamechaude, midi-deux Ć la dent de Crolles, after-taf Ć la frontale Ć la Croix de Chamrousse. Quand on aime, on ne bosse pasĀ on trouve les crĆ©neauxĀ ! Alors pourquoi un amoureux du vĆ©lo ne trouverait-il pas un moyen de continuer Ć rouler lāhiver, quand ses chers sentiers sont recouverts de neigeĀ ? Cāest lĆ quāarrive le fat et ses solutions techniques pour dompter lāhiver.
ThĆ©orie de lāĆ©volution
Mais cāest quoi un fat-bikeĀ ? Ce qui saute aux yeux dāemblĆ©e, ce sont ses gros pneus, surdimensionnĆ©s par rapport Ć un vtt classique. Si la taille est identique (26ā), la largeur passe Ć 4ā voire 4,8ā. « Avec ces pneus larges et un gonflage trĆØs faible, entre 300g et 500g, on gagne en adhĆ©rence sur la neige et en confort de pilotageĀ Ā» explique Julien. Effectivement, pour adhĆ©rer sur la neige durcie, sans patiner ni enfoncer, ces roues de mountain-tracteur sont plutĆ“t efficaces. Idem lors de franchissements plus techniques (souches, racines, pierresā¦) absorbĆ©s voire avalĆ©s par les pneus sans difficultĆ©. Pour lutter contre le froid, certains vĆ©los ont mĆŖme les poignĆ©es chauffantes svp. En plus de lāĆ©volution du vĆ©lo, il faut compter sur lāadaptation du cycliste au milieu. Fin fĆ©vrier, en ces temps de changement climatique, il ne fait pas bon rouler plein soleil, lorsque la neige rappelle plus la soupe de tata Jeanine que la glace roulante (et dĆ©rapante) du trophĆ©e Andros. Alors rouler la nuit, cāest sāassurer un petit regel parfait pour les vĆ©los, lorsque la neige craquelle sous les crampons, ni trop dure, ni trop molle. Un peu comme Ć skis finalement.
Cette nuit, alors que lāon franchit le 45eĀ parallĆØle dans le bois des Essartaux, cāest presque trop facile. Le fat, sport de flemmards ? Regard noir de JulienĀ : « Cāest parce que tu ne roules pas assez viteĀ !Ā». Ok, on se taquine. Passons donc Ć la vitesse supĆ©rieure. Pour Ƨa, le choix du terrain adĆ©quat reste primordial.
rouler la nuit,
cāest sāassurer un petit regel parfait pour les vĆ©los
VƩlo (presque) tous terrains
On aurait tort de croire que le fat-bike permet dāenvoyer du gros partout en montagne. Pour le freeride, mieux vaut revenir sur les skis (ou avoir un sacrĆ© petit vĆ©lo dans la tĆŖte comme Alexis Righetti). Dans la poudreuse, le fat-bike Ƨa ne roule pas bien, idem en neige trop traffolĆ©e ou durcie, tout comme dans les montĆ©es trop raides. Alors quoiĀ ? On roule où en montagneĀ ? Et bien pour Ƨa, le Vercors est un bon exemple de lieu de pratique idĆ©al. C’est d’ailleurs lĆ que travaillent rĆ©guliĆØrement les moniteurs du coin. Le fat-bike est aujourd’hui un nouveau produit touristique dont les vacanciers sont friands, Ć l’heure où le ski n’occupe plus 100% du temps des touristes. Au dĆ©part de CorrenƧon, les sentiers de raquettes permettent de rouler sur une neige plutĆ“t homogĆØne et durcie, sur des dĆ©nivelĆ©es douces, sans raidillons. « Cāest dans les montĆ©es en fat quāon apprend Ć Ā rouler-rondĀ !Ā Ā» dixit Cyril, adepte du gros vĆ©lo.Ā Rouler rondĀ ? Mmm, les vĆ©tĆ©tistes seraient comme certains montagnards la nuitĀ ?… Ce que veut dire Cyril nāa pourtant rien Ć voir avec la gnĆ“le et la biĆØre que lāon prendra Ć la cabane de Carrette (1355m), en prenant bien soin de ne pas faire dĆ©passer les roues Ć la limite de la rĆ©serve naturelle des Hauts-Plateaux toute proche. Non, la question du pĆ©daler rond signifie que les coups de pĆ©dales doivent rester fluides, sans Ć -coups, pour Ć©viter les patinages intempestifs qui ruinent une montĆ©e et font poser le pied, sans espoir de redĆ©marrer. Technique et pilotage restent de mise, mĆŖme avec ces gros engins. Mais le confort reste lāargument principal, dāautant que sans fourche ni amortisseur arriĆØre (les pneus basse pression font lāamorti), les vĆ©los ne pĆØsent pas plus lourd que des vĆ©los classiques. Au point que certains roulent toute lāannĆ©e avec leur fatĀ : « Jāai basculĆ© du cĆ“tĆ© fat du vĆ©lo. Jāai revendu mon enduro et maintenant je roule en toutes saisons et sur tous terrains avec mon fat-bike.Ā Ā» confie Cyril. Le terrain de jeu semble mĆŖme pouvoir sāĆ©tendre Ć dāautres horizons plus lointains. JulienĀ : Ā« C’est le vĆ©lo de voyage en tout terrain et en autonomie par excellence, un Land Rover du vĆ©lo.Ā C’est fiable, les crevaisons sont rares, c’est confortable et polyvalent pour les trips. LeĀ fat permet d’ĆŖtre extrĆŖmement chargĆ© tout en conservant des possibilitĆ©s de pilotage et de franchissement intĆ©ressantes sur des terrains cassants ou compliquĆ©s. Ā» Dāun coup, on quitte le Vercors et lāon se prĆŖte Ć rĆŖver dāexpĆ©ditions Ć vĆ©lo, skis ou piolets dans la remorque, les sommets dressĆ©s dans lāaxe de la roue. Certains l’ont dĆ©jĆ dit : le fat, c’est la vie.Ā