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Cervin : sur l’incroyable arĂȘte du Lion

Les plus belles courses d'Alpine

C’est probablement l’une des plus belles montagnes du monde, pyramide reconnaissable entre toutes. C’est aussi un sommet chargĂ© d’histoire, de record et de drames. Du haut de ses 4478 mĂštres, le “Matterhorn” domine Zermatt sur son versant suisse, et Cervinia sur son versant italien. C’est de ce cĂŽtĂ© que nous vous emmenons grimper le “Cervino”, presque seuls au monde grĂące Ă  un pile ou face avec la mĂ©tĂ©o.

Notre destination de ce premier jour avec Greg est le refuge Carrel, situĂ© Ă  3825 mĂštres d’altitude, sur l’arĂȘte du Lion. Un refuge qui porte le nom du premier conquĂ©rant du Cervin par le versant Italien, Jean-Antoine Carrel, local de la vallĂ©e, qui fut devancĂ© de seulement quelques heures par Whymper et consorts, arrivĂ©s au sommet par le versant suisse. L’accĂšs Ă  cette “cabane” non gardĂ©e (rĂ©servation cependant obligatoire auprĂšs de la SociĂ©tĂ© des Guides de Cervinia), est dĂ©jĂ  en soi une petite course, pour se mettre en jambe pour le lendemain. 

TĂȘte et Col du Lion, fraĂźchement saupoudrĂ©s. ©Antoine Bouvier

Terrasse du refuge avec vue. ©Antoine Bouvier

Recherche d’itinĂ©raire Ă  la lueur de la frontale. ©Antoine Bouvier

Nous quittons Cervinia et avançons Ă  bon rythme pour rejoindre le refuge de l’OriondĂ© puis la Croix Carrel. Nous remplissons nos rĂ©serves d’eau Ă  hauteur des derniers nĂ©vĂ©s avant le col du Lion, puis rejoignons la cabane Carrel par quelques cordes fixes qui rendent l’escalade plus accessible. Nous sommes peu nombreux au refuge et pour cause : la mĂ©tĂ©o annoncĂ©e pour le lendemain est incertaine. “C’est du 50-50 pour demain” me dit Greg en regardant les derniĂšres prĂ©visions mĂ©tĂ©o du soir
 “Soit on passe Ă  travers, soit c’est la purĂ©e de pois toute la journĂ©e !”

 

“les cordes de l’éveil”
au-dessus du refuge,
portent bien leur nom

RĂ©veil Ă  4h du matin. Je m’empresse de sortir jeter un oeil dehors. J’aperçois les Ă©toiles et la lune qui Ă©clairent l’arĂȘte du Lion
 Pourvu que ça reste comme cela et que les nuages restent dans le fond de vallĂ©e ! Nous avalons difficilement quelques flocons d’avoine agrĂ©mentĂ©s de chocolat, et nous attaquons l’ascension. En guise d’échauffement, “les cordes de l’éveil”, Ă  peine au-dessus du refuge, portent bien leur nom ! Elles permettent de franchir un mur redressĂ© et un court ressaut surplombant. De nombreuses cordes fixes et traces de crampons jonchent la suite de l’itinĂ©raire et attirent le regard sur la route Ă  suivre.

AprĂšs quelques traversĂ©es entrecoupĂ©es de sections un peu plus grimpantes sur le versant sud de l’arĂȘte, nous rejoignons le fil aprĂšs le passage de “la corde Tyndall”. Le jour se lĂšve petit Ă  petit, les couleurs sont Ă©clatantes au-dessus de la mer de nuage, dĂ©voilant le sommet des montagnes voisines : Dent Blanche, Zinalrothorn, Weisshorn, Lyskamm… Quelle chance d’assister Ă  ce spectacle !

 

La Dent Blanche, le Zinalrothorn et le Weisshorn se dévoilent au Nord. ©Antoine Bouvier

Et Ă  l’Est les Lyskamm, Castor, Pollux, Breithorn. ©Antoine Bouvier

Nous ne tardons pas Ă  enfiler nos crampons : l’arĂȘte est partiellement recouverte de neige et le rocher versant Nord est givrĂ© en surface
 une vraie patinoire ! Nous gagnons ensuite par l’arĂȘte le pic Tyndall (4241m). Le froid et le vent de la nuit commencent gentiment Ă  s’adoucir. Nous poursuivons par une traversĂ©e Ă  plat puis lĂ©gĂšrement descendante jusqu’à une petite brĂšche. De lĂ , la montĂ©e finale nous emmĂšne vers “l’échelle Jordan” et “la corde Pirovano” qui permettent de grimper les derniers ressauts verticaux. Sans tous ces Ă©quipements en place, la difficultĂ© de la course serait tout autre.

Dans la face Ouest, austÚre. ©Antoine Bouvier

Proche du sommet. ©Antoine Bouvier

On mesure alors d’autant plus l’engagement des premiers ascensionnistes au 19Ăšme siĂšcle ! Le sommet avec sa croix mĂ©tallique n’est alors plus qu’à quelques enjambĂ©es devant nous, aprĂšs une derniĂšre arĂȘte neigeuse. Nous apprĂ©cions d’ĂȘtre lĂ , seuls, dans une atmosphĂšre apaisante, avec un vent calme et une mer de nuage Ă  perte de vue. Quelques graines avalĂ©es, et nous voilĂ  repartis dans la descente par le mĂȘme itinĂ©raire.

©Antoine Bouvier

 ©Antoine Bouvier

©Antoine Bouvier

Les cordes de l’Ă©veil, plus accueillantes de jour. ©Antoine Bouvier

Nous mettons sensiblement le mĂȘme temps qu’à la montĂ©e pour rejoindre la cabane Carrel : une descente concentrĂ©e, exposĂ©e, oĂč le faux-pas est interdit. Enfin, aprĂšs les derniers passages techniques, nous rejoignons avec joie le chemin qui nous ramĂšne au refuge de l’OriondĂ©, puis au village de Cervinia. On prend alors toute la dimension d’un autre exploit : celui de la fusĂ©e Kilian Jornet qui en 2013 a battu le record d’ascension : 1h56 pour rejoindre le sommet depuis Cervinia, et 56 minutes pour redescendre ! Une performance incroyable, pour enrichir encore un peu plus l’histoire de cette montagne unique en son genre


Massif du Valais, Cervin par l’arĂȘte du Lion, 4478m
2 jours

 

AccĂšs
DĂ©part Cervinia, rejoindre la Cabane Carrel (AD). RĂ©servation obligatoire Ă  la SociĂ©tĂ© des Guides alpins du Cervin – Cervinia.

Matériel
Corde Ă  simple 50m ou corde Ă  double de 30 m (rappels de 25m Ă  la descente)

Quelques friends, sangles, dĂ©gaines. L’équipement en place est consĂ©quent (spits, cordes, chaĂźnes) mais il est nĂ©cessaire de la complĂ©ter par endroit.

ItinĂ©raire connu et parcouru mais Ă  ne pas sous-estimer, par sa longueur et l’attention soutenue qu’il requiert, Ă  la montĂ©e comme Ă  la descente.