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Gravir pour grandir, des montagnes pour apprendre

L'équipe Gravir pour grandir au sommet ©JC

Découvrir la haute montagne pour évoluer soi-même, apprendre à faire des choix, prendre confiance en soi et dans la cordée, mais aussi échanger avec le milieu professionnel : ce sont les objectifs de Gravir pour Grandir. Pour la deuxième année, une vingtaine de jeunes adultes issus de quartiers défavorisés ont pu gravir leur premier sommet, avec des guides, après quatre weekends de partage. Reportage.

La dernière fois que j’ai vu des larmes au sommet d’une montagne, ce n’était pas à la fin d’une rude ascension, dans un film de grimpeurs doués mais pas forcément nés en Seine-Saint-Denis. Non, la dernière fois que j’ai vu des larmes en montagne, c’est à la Pointe de la Réchasse, en Vanoise, après que toute une équipe de jeunes adultes issus de quartiers difficiles en aient atteint le sommet. Voici comment des néophytes ont découvert, appris la montagne, et sans doute, appris sur eux. Voici comment ils sont arrivés là, au bout de l’effort, ayant vécu de multiples expériences, dont la plus belle : se sentir bien, être à sa place, fut-ce après être monté à plus de trois mille mètres, avoir frissonné le matin, et avoir eu un peu peur là-haut. Le fruit de quatre week-ends de formation à la montagne, et malgré beaucoup de doutes enfin balayés.

Un train de banlieue pas comme les autres ©JC

Au Montenvers. ©JC

Randonnée alpine sous l’oeil de la République. ©Christophe Angot / Linka Productions

Le rythme est paisible, pour que tout le monde atteigne le col. 

« Et bien moi, je suis un peu fier de toi ! » s’exclame Philippe, guide. « Comment ? Un peu seulement ? » lui répond Balbine, hilare, qui arrive au troisième et dernier relais d’une grande voie aux Gaillands. Balbine peut être contente d’elle-même : la voici au sommet de sa première grande voie, elle qui n’avait jamais grimpé avant. En face, les Aiguilles de Chamonix encore plâtrées de neige, Balbine se retourne pour contempler le mont Blanc et ses glaciers qui scintillent au soleil. Hier elle y était, avec toute l’équipe de la promotion 2023 de Gravir pour Grandir. GPG pour les intimes, c’est un programme de mentorat : des salariés de grandes entreprises (AXA, Décathlon..) forment des cordées avec des personnes issus de quartiers défavorisés ou en insertion, avec l’aide d’associations, à la fois locales (du 93) et de En passant par la montagne, qui recrute les guides et fournit l’équipement.

Une vingtaine de jeunes, une demi-douzaine de guides, et un double objectif : d’une part, que la montagne soit une passerelle entre le monde professionnel et des jeunes qui cherchent à y entrer. D’autre part, que la montagne soit un (beau) prétexte pour prendre confiance en soi, et dans la relation aux autres. Gravir pour Grandir est un projet social et solidaire qui se poursuit désormais chaque année. « L’objectif, c’est de transmettre des enseignements clés et utiles pour toute la vie grâce à la pratique de l’alpinisme. Comme apprendre à faire des choix face à un nouvel environnement, savoir s’écouter, prendre confiance en soi », précise Tristan Mathon, responsable du programme.

Balbine, première grande voie.. ©JC

L’équipe aux Gaillands ©Chris Angot / Linka Productions

Adrien, première voie en tête en falaise. ©JC

La cordée de Philippe au sommet de la falaise ©JC

De la falaise à la haute montagne

Aux Gaillands, la joie illumine les visages pendant ce deuxième jour chamoniard, passé à découvrir l’escalade. La veille, c’était la découverte du cramponnage, au Signal Forbes encore complètement enneigé à cette période. À la gare du Montenvers, à Chamonix, c’est l’effervescence après l’arrivée tardive de la veille depuis la région parisienne. Il a fallu que chacun s’équipe. Quand on vient de Saint-Denis, il ne manque pas seulement les crampons, casques, harnais, piolets. Mais également les vêtements adaptés, fournis par l’association. Ce n’est pas le premier week-end où les jeunes de Gravir pour Grandir et leurs mentors voient la montagne. Mais c’est la première « école de neige et glace. »

Kosseila ne mâche pas ses mots : « Paris c’est tellement nul que dès que tu pars de la ville, tu es content ! » Et ajoute, déjà  : « Plus tard je me vois bien habiter à la montagne. J’ai regardé les prix des apparts à Chamonix, mais c’est super cher ! »

Au pied de la falaise, l’un d’eux, Ethan, 26 ans, avoue qu’il est difficile de concevoir de grimper en haut de cette longueur de trente mètres. Et pourtant. Une petite heure plus tard, Ethan repose les pieds sur terre : « Je suis monté jusque là-haut ! J’adore, je n’ai même pas eu peur comparé à hier ! C’était du pur plaisir », raconte-il à ses copains et son mentor, Pap, qui a suivi toute son ascension. Sourire aux lèvres, ce dernier le félicite.

« Dès que tu pars de la ville, tu es content. » Kosseila

Un peu plus loin, c’est Adrien qui explique à Ali comment placer la corde dans l’assureur. Adrien fait de l’escalade en salle, mais c’est une première en extérieur pour lui. Il prend le temps de rassurer son compagnon de cordée et de lui partager ses connaissances : « Tu vois, il y a des petits dessins sur l’assureur. Un pour montrer le grimpeur, l’autre pour montrer la main avec la corde. Et ensuite on va passer ça à l’intérieur du mousqueton, on le fixe là et c’est ça qui fait que ça freine si jamais tu tombes ! »  Explications sous l’oeil d’un guide, tandis qu’un autre, Kim, traduit le concept de cordée en escalade : « il faut faire confiance à la personne en bas, à la corde qu’elle tient. » Dire qu’on a peur, c’est déjà, parfois, la première étape. « Je n’ai pas peur de l’escalade. J’ai peur de tomber, oui, comme tout le monde, non ? » lance Belkacem, un grand gars jovial qui est arrivé d’Algérie il y a une huitaine d’années.

Sans doute l’un des lieux magiques (et rares) où l’on se sent vraiment en montagne dans la bruyante vallée de Chamonix, le chalet alpin du Tour a accueilli l’équipe Gravir pour Grandir. Tôt le matin se lève un petit groupe emmené par Benoît, qui est l’un des mentors des jeunes, de l’association Tirelires d’avenir. Ils vont se tremper dans le torrent, issu du glacier ! « On n’allait pas rater une occasion pareille ! » s’exclame Benoît, avant de rentrer à Paris. Le prochain objectif est à plus de trois mille mètres.

Djenaba heureuse en Vanoise. ©JC

Belkacem apprend à régler les crampons. ©JC

La Vanoise pour tous

Le week-end suivant est en Vanoise, l’objectif est plus haut, plus grand. Mais il y a des nouveautés : « c’est la première fois que je prends un télésiège » dit Belkacem. Même en la raccourcissant, la montée au refuge du col de la Vanoise peut paraître simple, mais entre la fatigue du voyage depuis la région parisienne et la neige abondante de juin, certains participants arrivent au refuge rincés. La Pointe de la Réchasse semble bien lointaine. Comment convaincre les jeunes que là-haut, ils trouveront la confiance qui fait défaut en bas ? Cinq heures plus tard, la joie éclate. Des larmes jaillissent, aussi. Tout le monde est au sommet. Toutes les cordées exultent. La plupart n’avait jamais fait de montagne avant cette année, et encore moins de sommet.

« On est tous égaux devant l’effort. J’espère que cela leur apporte le sentiment suivant : si ils ont un objectif, quel qu’il soit, ils peuvent réussir. » Grégory, mentor

Pour Fabien, l’un des guides responsables de l’encadrement, c’est aussi beau qu’inattendu. « Je ne pensais pas que tout le monde irait au sommet aujourd’hui. c’est une belle leçon car finalement, tout s’est joué au mental. Quand on est partis, Ethan et Pape, ont dit « on va au sommet. », ils voulaient à tout prix réussir. Dans la neige à Chamonix ils n’étaient pas à l’aise, et là ça s’est bien passé. Ils ont progressé. Ils découvrent comment mieux se mouvoir, de la confiance, dans la neige. C’est riche pour le corps et pour le mental. »

En tant que guide, Fabien le constate : « à titre personnel, la montagne m’a beaucoup apporté niveau confiance en soi, parcours de vie, relation avec les autres… Je pense que quand on accompagne les jeunes  comme cela, c’est ce qu’ils vivent aussi. Le rapport qu’ils ont avec nous, le rapport qu’ils ont entre eux et qui d’ailleurs est différent « d’en bas », tout cela leur fait prendre de la confiance en eux. »

Pour Grégory, un mentor d’AXA, c’est le plus important : « quelque soit le statut professionnel, on est tous égaux devant l’effort, j’espère que cela leur apporte la croyance en eux que si ils ont un objectif quel qu’il soit, ils peuvent réussir… aussi bien en montagne qu’au niveau professionnel. De notre côté on essaie d’amener une vision, comme promouvoir l’autonomie, et le partage avec la cordée ».

9. En montant au col de la Vanoise. ©JC

À droite, Pap écoute le briefing de Fabien, guide, au centre ©JC

11. La cordée de Balbine, avec Benoît. ©JC

La cordée d’Ali (en rouge) arrive au sommet. ©JC

 ©JC

J’ai une certaine fierté d’être allé là-haut, alors que j’ai du mal à être fier de moi. Ethan

Ethan raconte son expérience alpine : « au début j’avais mon rythme. Mais en montant j’avais un peu mal à la tête à cause de l’altitude. Mes jambes me criaient d’arrêter. Je réalise pas d’avoir pu grimper là-haut. Ça me fait remonter plein de choses psychologiques. J’ai une certaine fierté de l’avoir fait, alors que j’ai du mal à être fier de moi en général. Ce matin j’ai démarré l’ascension et je ne pensais pas y arriver. » L’émotion que chacun peut connaître sur un sommet, les participants l’ont connue, décuplée par leur irruption dans un univers encore étranger il y a peu.

Djenaba a 23 ans, elle est mère d’un bébé de dix-sept mois, en Seine-Saint-Denis. Son mari n’était pas complètement convaincu par l’idée qu’elle aille en montagne. Et pourtant. Aujourd’hui Djenaba témoigne : « Il y a quatre week-ends de cela c’était ma première fois en montagne et j’aimerais y revenir. Au sommet c’était merveilleux, toute cette beauté autour de nous, c’était vraiment incroyable. Je ne sais pas comment exprimer mes sentiments, mais j’étais fière de moi, c’est comme un rêve pour moi. Je n’arrive pas à croire que j’ai fait tout ce chemin-là. »

Une voie rendue possible pour les jeunes par l’aide des associations, mais aussi, source de fierté, par leur propre volonté. Le meilleur moment ? Et bien ce fut la descente, en ramasse sur les nombreuses pentes encore enneigées, à fond pour certains. Source inépuisable de rigolade, de fonds de pantalons trempés, et de bons délires : l’alpinisme source de plaisir ? On l’oublie quand on a la chance de l’avoir déjà expérimenté. Les jeunes, eux, ne risquent pas d’oublier.

Reportage : Jocelyn Chavy et Zoé Charef.

Retrouvez les aventures de Gravir pour grandir dans une série de podcasts à écouter ici.

Kosseila et Belkacem. ©JC

L’équipe prend le frais devant la Grande Casse. ©JC

Ethan guidé par Fabien, avec Pap. ©Chris Angot / Linka Production

Gravir pour Grandir et AXA Atout Coeur

Créée en 1991, AXA ATOUT COEUR est une association loi 1901 ayant pour but d’engager les collaborateurs et Agents Généraux d’AXA au service de la société autour d’actions solidaires. AXA ATOUT COEUR agit principalement dans les domaines de l’inclusion, de la prévention des risques et de la protection de l’environnement, en France et 37 autres pays. Les collaborateurs d’AXA, peuvent s’engager sous différentes formes : participer aux actions de bénévolat, lors de team-building solidaires, ou par le mécénat de compétences. Avec Gravir Pour Grandir, des salariés s’engagent dans une démarche de mentorat, chaque mentor accompagnant un jeune dans sa découverte de l’univers de la montagne – et de ses propres capacités. Vous pouvez vous aussi participer. Le programme est reconduit et se développe en 2024.

À lire, le reportage Gravir pour grandir 2022.