fbpx

Aventure : les plus beaux canyons de Jordanie

Wadi Hasa ©JC

En Jordanie, sous la surface craquelée des grands plateaux de grès et de poussière coulent des rivières exubérantes jusqu’à la mer Morte. De Madaba à Pétra, ces canyons conduisent au cœur intime du désert, au pays de Moab. Un versant secret de la Jordanie dont on a parcouru les plus beaux itinéraires, des aventures avec ou sans corde. On vous livre également notre sélection canyons en fin d’article.

Comme si on avait fendu d’un coup de sabre la masse compacte et chaotique de la montagne – tranches de grès de dix, vingt, cent mètres de haut empilées les uns sur les autres, bousculées par les forces telluriques -, les eaux puissantes du Wadi Mujib s’engouffrent dans le défilé, écartant des parois hautes de deux cents mètres. La lumière blanche du désert s’évapore, la poussière de la piste s’évanouit dans l’eau laiteuse, chargée d’alluvions qui la teintent d’une couleur turquoise. Seuls la fin du printemps ou l’automne permettent le parcours du Wadi Mujib, où le courant est trop fort en hiver. Une cascade descendue en rappel et quelques vasques profondes corsent le tout, sous l’oeil d’un guide de la réserve naturelle du Mujib. Impressionnante, l’entrée du canyon l’est tout autant que sa sortie, encaissée entre des parois de plus de deux cents mètres.

 

Wadi Mujib. ©JC

Le pays de Moab. ©JC

Le rappel très arrosé du Wadi Mujib, au fort débit. ©JC

L’étroitesse du canyon tout autant que sa longueur marque les esprits depuis la nuit des temps, en témoigne son évocation – sous le nom d’Arnon – dans la Torah et la Bible : voir le livre d’Isaïe, chapitre 16, ou encore le livre des Nombres, chapitre 21. Sous l’Antiquité, franchir l’Arnon n’avait rien d’anodin puisque le canyon était censé marquer la frontière entre les royaumes d’Edom et de Moab, rivaux d’Israël, ses eaux se jetant dans la mer Morte. Moïse lui-même, face au refus des Edomites de lui laisser emprunter le passage sur les rives salées de la mer Morte, a dû remonter au sommet des montagnes pour faire le tour par le désert, à l’Orient. Les dernières centaines de mètres, l’Arnon s’étale et les parois immenses s’écartent de quelques mètres, délivrant ses passagers sur les rives de la mer Morte, à deux pas de la route goudronnées, étourdis par le bruit et la fureur de ces lieux immémoriaux.

La majesté du Wadi Mujib marque les esprits depuis la nuit des temps, en témoigne son évocation, sous le nom d’Arnon, dans la Bible

Wadi Hasa, 2ème jour. ©JC

Wadi Ghuweir. ©JC

Sauvage Wadi Ghuweir

La King’s Highway serpente sur le plateau où s’égrènent les villes antiques comme Madaba, désert habité, mais aride, éclaté de chaleur. Les crêtes environnantes ne laissent pas penser que se niche, dans les plis des montagnes, le bien le plus précieux : l’eau. Des centaines de mètres de pentes sous le plateau du Kerak, l’eau coule en abondance, crée d’exubérants jardins de lauriers-roses. Pour descendre dans le lit du Wadi Ghuweir, il faut chercher d’anciennes pistes bédouines ravinées par les pluies violentes de l’hiver et aujourd’hui délaissées. Les étroits flancs du canyon sont ornés d’enluminures d’oxydes de fer, traçant d’étranges arabesques sur le rocher.

L’exiguïté des lieux dissimule le soleil implacable. L’eau suit son chemin parfois secret et disparaît sous les blocs, pour mieux réapparaître au détour d’un défilé. Sa destination, elle, n’est pas un mystère : c’est la mer Morte qui, ponctionnée en amont d’une partie de l’eau du Jourdain, perd un mètre par an. L’endroit le plus bas de terre – 418 mètres sous le niveau des océans, devient de plus en plus bas. Mais, après avoir parcouru en deux voyages une douzaine de canyons, le Wadi Ghuweir garde une place à part…

Wadi Hasa. ©JC

L’heure du thé. ©JC

Wadi Hasa. ©JC

Bivouac dans le Wadi Hasa

Il faudrait des pages pour dire les émotions rencontrées dans le Wadi Hasa. Une errance de deux jours au cœur des montagnes, bivouac de bois mort et longue marche toujours plus loin dans les entrailles du désert. La première journée commencera par un solide petit-déjeuner, avec le houmous – la purée de pois chiches à l’ail – étalé sur des galettes de pain trempé dans l’huile, du fromage, quelques olives et peut-être un œuf. On quittera ensuite les crêtes pelées du plateau jordanien pour se glisser dans l’un des versants magistraux du Wadi Hasa. Les sacs sont lourds, et le soleil déjà haut tape dur.

Seule issue, la mer Morte, quelque part à l’ouest, après un énième méandre, plutôt à l’ombre de jardins suspendus ou de parois fantasmagoriques. Il reste le souvenir d’un bivouac sublime, dans un repli de sable sous une sculpture naturelle, les yeux éblouis d’une journée passée à les écarquiller. Le lendemain, l’eau s’encaisse toujours plus entre les parois de grès, dessinant un improbable cheminement. Comment être rassasié de tant de beauté ?

Seule issue, la Mer Morte, plusieurs kilomètres à l’ouest.

Le gardien de la tombe d’Aaron, frère de Moïse, au sommet du Djebel Haroun. ©JC

Petra. ©JC

Dana

Je pourrais raconter ici les sources d’eau chaude du Wadi Ibn Hammad, la belle cascade du Wadi Mukheiris, les rappels du Wadi Karak, dont l’un sur une pierre coincée qui a eu le bon goût de ne pas bouger. Sans oublier évidemment le canyon de Little Petra, près de la cité nabatéenne. Mais je terminerais avec une vallée haut perchée qui abrite 190 espèces d’oiseaux, des zones typiques du désert, des forêts méditerranéennes : la réserve de Dana, au cœur du pays, qui s’étire entre mille six cent mètres d’altitude et… moins cent cinquante, en s’approchant du désert. Dana, c’est d’abord un village : un nid d’aigle, entouré de falaises, mais aussi de terrasses cultivées, de l’eau en quantité bien sûr, et une vue incroyable, quasi infinie, à l’ouest, qui commande le désert justement. Les premiers hommes s’y sont installés il y a quatre mille ans. Aujourd’hui, Dana est une réserve naturelle de 320 km2 où les sentiers sont nombreux. Le pays de Moab est décidément incroyable.

Canyon et randos en Jordanie, nos conseils

Les montagnes du Rift jordanien recèlent d’itinéraires incroyables, des canyons qui descendent jusqu’aux rives de la mer Morte, 300 mètres sous le niveau de la mer et sur plus de 25 kilomètres. Du trek sur un ou deux jours, une aventure où l’itinéraire, dicté par les rivières, réserve bien des surprises. Enfin, Pétra et la Wadi Rum sont deux pôles où tout est à faire en rando, canyon et escalade. 

Quand y aller ?
La Jordanie constitue une destination de choix d’octobre à fin avril. Il peut faire froid dans le désert même en hiver. Pour la réserve de Dana, optez pour l’automne ou le printemps en raison de l’altitude (il y neige parfois en hiver). Les canyons sont en général à l’ombre, et assez frais grâce à l’eau qui y coule, un microclimat qui est agréable dans les mois encore chauds (octobre et mars/avril). Visa sur place à l’aéroport.

Conseils
En canyon, l’eau est chaude, pas besoin de combinaison. Oubliez les sandales (les grains de sable s’immiscent entre la plante des pieds et la semelle), et optez, au choix, pour :
a) une vieille paire de chaussures montantes b) une paire “spéciale” canyoning, avec chaussette néoprène (Adidas Terrex).
Prévoir beaucoup d’eau (2 à 3 litres par personne) et des cachets pour traiter l’eau des canyons. Un sac étanche type Ortlieb permet de garder ses affaires au sec. 

Topo

Trekking and Canyoning in the Jordanian Dead Sea Rift – de Itai Haviv, à trouver d’occasion.

 

Wadi Ibn Hammad ©JC

Wadi Karak. ©JC

Les plus beaux canyons de Jordanie, notre sélection

Wadi Hasa

Itinéraire majeur. Le Wadi Hasa peut se parcourir en aller-retour mais seulement la moitié inférieure en 7h. On ne peut donc que conseiller son parcours intégral, en 2 jours, avec bivouac au milieu du canyon. Dans l’ordre d’importance, le bassin versant important du Wadi Hasa en fait le second après le Wadi Mujib : même si ce canyon se parcourt sans rappel, le débit important peut obliger à se méfier ou à contourner certains obstacles hors de l’eau.
Canyon varié : des longs passages tranquilles dans les hautes herbes, des jardins luxuriants aux palmiers accrochés aux falaises, des encaissements spectaculaires.
Accès : pour la version aller-retour, il faut se rendre à l’aval, au bord de la mer Morte, au village de Sai (route d’Aqaba, entre Mazra et Mamura Junction). Se garer au bout de la route, près d’un aqueduc et remonter le Wadi. Passé le premier kilomètre, l’encaissement entre les parois de grès rose devient impressionnant. La version intégrale en deux jours avec un bivouac permet de descendre la totalité du Wadi en partant en taxi du plateau au sud de Karak (15 km), ou au nord de Tafila. Accès par le Wadi Afra.

Wadi Ibn Hammad

Canyon facile, rando aquatique : accès rapide, faisable en aller-retour depuis l’amont et donc sans navette, aucune difficulté et un niveau d’eau assez faible. L’itinéraire est simple : depuis le hammam, suivez le cours d’eau qui s’encaisse gentiment sans jamais présenter d’obstacle. Des jardins luxuriants tombent des petites falaises de part et d’autre. Faisable en 1h30 A/R. 
Accès : depuis Karak, suivre la King’s Highway au nord sur moins de 10km avant de bifurquer à l’ouest au village de Batir. De là, une piste descend dans le Wadi : 10 km environ, carrossable sans 4 x 4. On rejoint le Wadi Ibn Hammad au fond, fin de la piste et parking. Quelques bâtiments abritent un hammam et des bains d’eau thermale (et encore plus chaude que le Wadi). En général, si vous voulez goûter aux eaux thermales, il vous sera réservé une partie des bains, rive gauche.

Wadi Mujib

Situé dans la réserve naturelle du Mujib, le canyon – ou plutôt sa dernière section, appelée “Wadi Mujib’s lower gorge” -, se parcourt uniquement accompagné d’un guide RSCN (Royal Society for the Conservation of Nature). Une cascade de quinze mètres ne se franchit qu’en rappel, matériel et technique fournis par la RSCN. L’obstacle est difficile, et le niveau d’eau parfois (très) impressionnant. Le guide RSCN est également là pour aider à franchir les quelques passages où le courant peut être menaçant. Le Wadi Mujib n’est ouvert que du 1er avril au 31 octobre. Il est aussi possible de remonter le Mujib jusqu’à la cascade depuis l’aval.

Accès : prendre la route en rive de la mer Morte. soit depuis le nord (Er Rama Junction), suivre la route plein sud jusqu’au Mujib Bridge, où se trouvent le pont et les bureaux de la Mujib Nature Reserve. Le départ du sentier d’accès est 2 km plus au sud : une piste s’élève et revient au nord-est pour descendre dans le lit du Wadi Mujib (mais en principe, vous serez avec le guide pour l’approche). 

Wadi Ghuweir

Peut-être le plus beau, le Wadi Ghuweir n’en est pas moins accessible puisque doté d’un débit assez faible : l’eau disparaît parfois sur certaines sections, pour réapparaître trois cent ou cinq cents mètres plus loin. Des jardins suspendus succèdent à de magnifiques sections de grès rose, aux parois ornées de motifs créés par la nature. Le Wadi est sauvage, très peu fréquenté. En un mot : exceptionnel. L’approche est un peu plus longue et la logistique un peu plus compliquée que pour d’autres itinéraires, mais passe à la journée, avec une navette. Dans l’ensemble, la progression est assez facile, pas d’obstacles et peu d’eau.

Conseils : beau bivouac sur le rebord du plateau, avant de plonger dans les méandres des montagnes, le lendemain matin, Compter six ou sept heures de marche minimum, huit heures au total.
Accès : depuis Shawbak sur la King’s Highway, se rendre dans le village de Mansura. De là, une piste bédouine descend au nord dans le Wadi Ghuweir, et se perd à mi-chemin de la descente. Continuer sur le chemin dégradé pour atteindre le lit du Wadi. Prévoir 4 x 4 ou longue marche pour le retour sur Qureiqira et la route d’Aqaba.

Wadi Mukheiris
Si vous avez une demi-journée en remontant à Amman, le Wadi Mukheiris offre une balade en face de… l’hôtel Mövenpick. En 1h30, on remonte le large Wadi jusqu’à une grosse cascade de 25 mètres. Nous avons croisé un serpent dodu sur le trajet. Retour 1 heure.

Wadi Daba
Entre Er Rama et Mazra Junction, entre le wadi Zarka Ma’in et le Wadi Mujib, ce canyon offre une petite balade (2h A/R) avec des sources thermales : eau à 45°C… minimum ! A faire après avoir piqué une tête dans l’eau très salée de la mer Morte.

Wadi Zarqa Ma’In
Effectué en A/R depuis la route de la mer Morte en 2017, ce canyon offre après un départ pollué un peu glauque, au-delà d’un barrage, une magnifique balade jusqu’à une cascade de quatre mètres équipée d’une corde fixe. Au-delà, passages dans de très gros blocs. Eau chaude.

Wadi Karak
Canyon technique (5 rappels, amarrages, parfois uniques et/ou absents), mais magnifique, pour experts. Parcouru en 2009 en 5 heures (cordes 2 x 30 m).