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La ligne du lac de Gary Ozeray, une traversée sur le fil des sommets d’Annecy à Faverges

Gary Ozeray ©Mammut

Il a 33 ans, est guide de haute montagne. Gary Ozeray aime plutôt aller vite en montagne, en sécurité. Son idée ? Traverser l’intégralité des sommets par les crêtes au-dessus du lac d’Annecy, d’Annecy jusqu’à Faverges. La ligne du lac, c’est le nom de cette chevauchée, un long marathon (ou un ultra) de douze heures à base de trail, mais aussi d’escalade et de terrain à chamois imaginée et réalisé par Gary Ozeray. Voici son interview, et le film de l’aventure !

Le paysage lui a donné l’idée, comme à d’autres. La beauté des montagnes qui entourent Annecy, les crêtes sur lesquelles il est si agréable de trottiner ou grimper, au choix. Alors Gary Ozeray, guide établi sur Annecy depuis six ans, a franchi le pas. Il a imaginé la Ligne du Lac, relier les sommets, un par un, d’Annecy à Faverges, en restant le plus possible sur le fil. Il s’est entouré d’une équipe de copains pour sécuriser certains passages, et gravir, encordé, une voie au passage. Le reste ? beaucoup de terrain délicat, à chamois, notamment dans la longue crête finale qui mène au Crêt des Mouches depuis la Beccaz, où il faut avoir le pied sûr pour dérouler… et savoir où mettre les mains pour passer. Ce qui donne au total quinze sommets, 43,5 kilomètres d’arêtes bouclées en 12h03. À la clé, 4700 mètres de dénivelé positif !

Voici le récit de cette belle aventure à deux pas du lac d’Annecy, où comment un traileur ascendant skieur, spécialité guide de haute montagne, a trouvé sa ligne. Ne ratez pas le chouette film produit par Mammut, le sponsor de Gary, en fin d’article. À voir sur grand écran pour profiter des paysages haut-savoyards !

Gary Ozeray sur sa ligne dans le ciel. ©Tom Apeloig – Mammut

Alpine Mag : Gary, tu es guide de haute montagne, passionné de ski, de trail et de sports d’endurance. Comment es-tu venu à la montagne ?

Gary Ozeray : j’ai 33 ans. Dans mon activité pro, je suis guide et moniteur de ski. Je suis originaire de Normandie donc je n’ai pas forcément grandi avec la montagne. En 2009, je suis d’abord devenu moniteur de ski. Je passais beaucoup de temps dehors en hiver. Être guide a toujours été un métier qui me faisait rêver. Au début, cela me paraissait inaccessible. De fil en aiguille, je me suis mis à grimper et faire de l’alpinisme l’été, jusqu’à remplir ma liste de course, entouré d’un cercle d’amis montagnards qui allaient tous au probatoire, l’examen qui permet de démarrer le cursus. C’est là que je me suis rendu compte que c’était possible. J’ai passé le probatoire il y a cinq ans. Je suis guide de haute montagne diplômé depuis maintenant deux ans.

En parallèle, tu aimes la course à pied, le trail running ?

À la base, ce sont les sports d’endurance qui m’ont amené à la montagne. J’ai fait du ski alpinisme en compétition, en mode collant pipette, pendant quelques années. J’ai aussi fait du trail. Ces derniers temps, j’avais délaissé un peu tout ça pour passer le diplôme de guide et me mettre sérieusement à grimper. Pour autant, ces activités m’ont toujours plu.

Gary Ozeray in situ, lac d’Annecy. ©Tom Apeloig – Mammut

Je voulais tester ma capacité à rester concentré pendant longtemps sur des arêtes en solo

Comment t’es venue l’idée du projet de la Ligne du Lac ?

Gary Ozeray : Ce projet consiste à relier à Annecy et Faverges en suivant uniquement la ligne de crêtes. En fait, cétait le moyen de revenir à ce qui m’anime depuis que je suis gamin. C’est-à-dire mixer un peu toutes les activités que j’aime : escalade, alpinisme et course à pied. J’ai toujours aimé ce genre de projet où l’idée est d’essayer d’être le plus efficace possible. Par exemple, en 2016 j’avais déjà fait un record du Mont Pourri en ski alpinisme avec un chrono de 3h08 pour faire l’aller-retour entre le village de Peisey, où j’habitais, et le sommet.

Alors je ne me compare pas à Kilian Jornet ou ces personnes là que je considère comme des mutants, mais c’est tout de même ces gens et ce style de projet qui m’inspirent. Là où cette fois ci c’était un peu nouveau, c’est que, sans être extrême, le terrain était plus technique. Je voulais tester ma capacité à rester concentré pendant longtemps sur des arêtes en solo.

Jeu d’équilibre et de fluidité au-dessus du lac d’Annecy. ©Tom Apeloig – Mammut

 j’ai voulu trouver des connexions pour rester uniquement sur le fil, ce qui n’avait jamais été fait.

Comment as-tu dessiné le parcours ?

Gary Ozeray : J’habite Annecy depuis maintenant six ans. Dans cette ligne, il y a trois arêtes rocheuses qui sont parmi les classiques du coin : la traversée des Dents de Lanfon (PD+), l’arête Pierre Chatelard à la Tournette (AD+) et la traversée Beccaz-Mouches (AD). Je les parcours régulièrement avec des clients ou mon entourage, c’est un terrain que je connais bien. L’enchaînement des trois classiques avait déjà été fait, notamment par Paul Bonhomme. Là où j’ai cherché à aller plus loin, c’est en essayant de trouver des connexions pour rester uniquement sur le fil, ce qui n’avait jamais été fait. J’avais vu que ces connexions étaient possibles mais elles ne sont pas forcément fréquentées et connues. Il a fallu faire un travail de défrichage dans ma tête et sur le terrain pour tracer le parcours.

Gary Ozeray ©Tom Apeloig – Mammut

ne pas sortir les chaussons pour être le plus efficace possible

Une fois qu’on a le parcours en tête, qu’est ce qu’on met dans son sac pour se lancer dans un tel projet  ?

Avant de me lancer, j’avais déjà fait une dépose de matériel à certains endroits pour être le plus léger possible.Je n’ai pas pris de corde sur moi, les cordes pour les rappels avaient été installées au préalable par les copains sur place. Ils  étaient aussi postés pour me ravitailler. Après, j’avais un baudrier aux fesses, le casque sur la tête et un gilet de trail sur le dos . Dedans je n’avais pas grand chose. Deux flasques de 150 ml, un assureur pour faire les rappels,  un petit coupe vent, la gopro et une perche pour filmer. Grâce aux nombreux ravitos et au coup de main des copains, j’ai vraiment pu optimiser pour être le plus light possible.

Dans l’ensemble quel est le niveau général de difficulté de cet enchaînement ? As tu tiré des longueurs, sorti les chaussons ?

L’idée, c’était de ne pas sortir les chaussons pour rester efficace ! Les longueurs les plus dures sont cotées 5b. Dans le parcours, il y a une grande voie de 250 mètres qui est située en face nord des rochers du Varo. Pour cette partie-là, j’ai choisi de m’encorder avec une copine qui est monitrice d’escalade. Nous avons progressé en corde tendue avec une trentaine de dégaines au baudrier et des poulies micro-traxion pour se sécuriser à chaque relais. On va dire qu’on a tiré une grande longueur. [rires, ndlr]

J’ai aussi fait une autre partie escalade avec mon beau-frère au niveau des Dents de Lanfon, on a partagé un bon moment ensemble. Il est ensuite redescendu de son côté pour récupérer le matos laissé en place. Après, le reste c’était surtout du solo.

Section technique sur les arêtes, cherchez Gary ! ©Tom Apeloig – Mammut

sur la dernière arête j’allais moins vite pour garder de la marge et de la lucidité

En grimpant en solo avec la fatigue accumulée, est-ce qu’à un moment tu t’es senti en danger ?

Gary Ozeray : Non, pas vraiment. Tu es tellement concentré sur ce que tu fais. Puis, tu as le niveau aussi pour être sur ces endroits en solo, c’est des terrains faciles..C’est sûr qu’avec la fatigue sur la dernière arête j’étais de plus en plus concentré. J’ai senti que j’allais moins vite pour garder de la marge et de la lucidité. Mais je n’ai jamais eu de peur ou d’appréhension.

Finalement, tu mets 12h pour réaliser la traversée. Le chrono, c’était quelque chose auquel tu pensais pendant que tu avançais  ?

L’idée ce n’était pas de faire un record. Je voulais être le plus efficace possible mais je voulais garder un esprit de partage avec les gens qui m’ont accompagné.. Il y a eu des moments où j’aurais pu aller plus vite, c’est sûr. Dans certains passages en solo, il y a un copain que j’ai un peu aidé. J’ai pris le temps de rester avec lui, de l’aider, qu’on partage ce bout d’arête ensemble correctement quoi. Si j’avais vraiment voulu tirer un chrono, je pense que j’aurais pu mettre une heure de moins. Ce n’était pas l’objectif.

À la Tournette ©T. Apeloig – Mammut

Au total, le projet à mobilisé une sacrée logistique et une quinzaine de personnes qui t’ont bien entouré. Était-ce nécessaire pour toi de partager ça en équipe ?

Gary Ozeray : J’ai essayé de ne pas faire un projet égocentrique. J’aime effectivement faire de la montagne efficace, rapide, mais j’aime aussi beaucoup l’esprit de cordée, le partage avec les copains et la famille. C’est d’ailleurs ce que j’essaye de faire ressentir dans le film. Malgré tout, tu as toujours cette appréhension en te disant que tous ces gens-là sont là pour toi. Même s’ils ont les compétences pour être là, ils sont aussi sur l’arête avec moi. Forcément, j’ai envie que ça se passe bien pour eux, qu’ils ne se mettent pas en danger pour moi et qu’il n’y ait pas de souci, ça c’est sûr.

Quand on voit ton film, on pense forcément à un autre athlète, Michel Lanne et son Mont-Blanc depuis le lac d’Annecy. Est ce que ce genre d’exploits sont des sources d’inspirations pour tes futurs projets ?

C’est sûr, c’est ce genre de projets qui me font rêver depuis que je suis gamin. Et puis Michel Lanne est un athlète local, tout comme Paul Bonhomme qui court aussi. Donc on les croise régulièrement dans le coin et ça inspire encore plus. Après j’essaye aussi d’avoir ma propre personnalité dans les projets que j’entreprend. L’idée ce n’est pas non plus de faire du copier-coller de ce qu’ils proposent. Sinon mes futurs projets ?  Et bien, je me marie en septembre !