26 juin 2023 : Sophie Lavaud atteint le Nanga Parbat, 8126 m., le dernier de ses quatorze 8000. Elle devient la première Française, tous genres confondus, à réussir ce défi, sous l’oeil des caméras de François Damilano et Ulysse Lefebvre. Réalisé par François, le film, Sophie Lavaud, le dernier sommet, sort le 23 mai sur Canal+Docs. Un documentaire de 90 minutes pour comprendre un peu mieux l’univers rude des expéditions, et le parcours singulier de Sophie Lavaud.
« P ourquoi réussirait-elle là où les meilleurs français ont échoué ? Pourquoi elle ? » s’interroge François Damilano au début du film. En gravissant le Nanga Parbat, Sophie Lavaud est celle qui a mis fin à la malédiction des français qui visaient les quatorze sommets de plus de 8000 mètres, Beghin, Chamoux, Mauduit, Lafaille, Challéat, et d’autres. Tous disparus dans cette quête insensée, devenue à la mode depuis que Nirmal Purja et Kristin Harila y ont établi des records de rapidité. Mais pourquoi Sophie Lavaud a t-elle réussi là où les autres ont échoué ?
C’est la question, et tout l’enjeu du film. Qui va piocher d’autant plus facilement dans les archives de ses expés précédant le Nanga qu’une partie d’entre elle a été, déjà, l’objet de films de François Damilano. Après son premier 8000, le Shishapangma en 2012, Sophie lâche, face caméra « à l’origine, les 8000 c’est inaccessible pour moi, c’est réservé à une élite, à des pros ». Et pourtant. Il y aura l’Everest en 2014, filmé par François, un « basculement » puisque Sophie démissionne de son job pour faire des 8000, « sans filet » à plein temps. Les 8000, elle ne s’en sentait pas capable, disait-elle. Au Nanga Parbat, en mai dernier, tout est différent.
Vétéran des 8000, Sophie a roulé sa bosse dans tout l’Himalaya. Elle a passé 1500 nuits, soit quatre ans de sa vie, dans les camps de base et au-dessus, nous raconte le film. L’attente commence, pendant que des avalanches de deux ou trois mille mètres balayent la pointe Mazenod, sur les flancs du Nanga.
Après les années Covid, après la chienlit du Dhaulagiri (pas moins de quatre expés pour en venir à bout), Sophie Lavaud a repris le chemin du Nanga Parbat, son dernier 8000. Avec François Damilano comme réalisateur, et Ulysse Lefebvre, d’Alpine mag, comme caméraman, qui a raconté ici cette expédition. Pas simple de filmer en haute altitude. Encore moins au Nanga, avec ce camp de base si bas et ce mur Kinshofer si haut. Un couloir de près de mille mètres au total coiffé par un mur en rocher. « On peut pas m’aider au lieu de filmer ? » peste-t-elle au milieu du mur, dans le fatras de cordes fixes. Pensée émue pour François et Ulysse qui filment à cet instant, chargés de caméras et de ne pas trembler pour ramener ces images montrant la dureté de cet univers.
On croise Kristin Harila, arrivée au Nanga au milieu de sa quête des 14 en 3 mois, complètement épuisée. Comme les travailleurs de l’altitude – népalais et pakistanais dont le film montre l’implication. Ils sont surchargés, prennent des risques considérables, restent bienveillants : tel Sangay – le sherpa de Sophie aux petits soins pour elle. Contraste avec elle qui se plaint au camp de base du retard d’une partie des sherpas pas encore arrivés au camp de base, en raison d’un problème de visa.
plus Sophie monte plus elle semble dans son élément, comme habituée aux mille difficultés de la haute altitude
« Je doute souvent de mes capacités », dit Sophie Lavaud à la caméra. Elle doute mais ne renonce jamais. Elle n’a pas renoncé au Dhaulagiri malgré trois échecs. Elle n’a pas renoncé au K2 malgré l’avalanche qui a failli l’engloutir. Malade au camp de base, plus elle monte plus elle semble dans son élément, comme habituée aux mille difficultés de la haute altitude, se nourrir, digérer, tapoter sur l’écran du GPS sans geler ses doigts.
Sophie Lavaud est douée pour ça : l’opiniâtreté, l’obsession. Jusqu’à monter au sommet un jour venteux, gris, où s’achève sa quête. Si l’Himalaya revêt parfois les oripeaux (naïfs) du merveilleux avec les photos de conquérants adoubés par le marketing qui inondent les réseaux sociaux chaque printemps, le grand mérite du film de François Damilano est de nous montrer cet univers sans fard et sous un angle documentaire. Avec les ressorts de cette passion qui l’a conduit, comme Sophie, à monter là-haut, où « c’est putain de dangereux ». Et nous questionne, aussi, sur la place que l’on s’accorde, ou pas, à la passion pour la montagne.
Sophie Lavaud, Le Dernier Sommet, Nilaya Productions et Caravan Productions, un film à voir sur Canal+Docs le 23 mai, puis sur MyCanal.