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L’ère des népalais

L'anniversaire du K2 en hiver

C’était il y a un an, le 16 janvier 2021. En pleine pandémie, avec ses restrictions, et après une année bien difficile pour le business des expéditions, une équipe de dix népalais, menée par Mingma G. Sherpa et Nirmal Purja venaient à bout du dernier 8000 jusqu’alors jamais gravi en hiver. Ce que ni les Polonais, ni les Russes, ni personne n’avait réussi à faire jusque là : gravir le 8000 le plus difficile en hiver.  Les Népalais ont réussi ce jour-là, et Mingma G. de poster ce message : « nous avons finalement réussi [le K2 en hiver]. Nous avons écrit l’Histoire. » 

« nous avons finalement réussi [le K2 en hiver]. Nous avons écrit l’Histoire. » Mingma G.

Fiers, les Népalais pouvaient l’être : après des décennies à être les artisans des ascensions historiques des 8000, puis à être les ouvreurs, équipeurs, traceurs des voies utilisées par des occidentaux pressés, ils récoltent enfin la mise *. Comme Ulysse l’écrivait il y a un an, « le fait d’être les premiers au K2 en hiver n’est certainement pas aussi important que la nationalité de l’équipe et sa manière [collective] d’y parvenir ». Dans le sens où le K2 en hiver n’est pas la fin de l’Histoire : il reste la face nord du Masherbrum, ou celle du Jannu by fair means… et quelques autres.

Nirmal Purja. ©Netflix

Ce K2 marque bel et bien une nouvelle ère : 8 mois plus tard, Mingma G. Sherpa remettait les pendules à l’heure au Manaslu, en atteignant le véritable point culminant, établissant un nouveau standard en jettant une pierre dans le jardin des expés (et des occidentaux) habitués à cocher l’antécime à la place du sommet. Que les motivations de Mingma soient éventuellement commerciales, pour prouver que sa boîte est à même de guider plus haut que les autres ne change rien à l’affaire : on observera sans doute au printemps, comme l’automne dernier, les contorsions de ceux qui n’atteindront pas le sommet du Manaslu mais tenteront de le justifier.

en termes d’influence, le premier himalayiste actuel c’est lui : Nims Purja.

L’autre leader du K2 hivernal, Nirmal Purja, a quant à lui inondé les dizaines de millions d’abonnés à Netflix (7 millions en France) avec 14 Peaks, son film relatant son ascension express des quatorze 8000. Sans parler de son prochain film (sur le K2 évidemment), en termes d’influence, le premier himalayiste actuel c’est lui : Nims Purja. Que faisait-il ces dernières semaines ? Avec sa propre agence, il a guidé au Mont Vinson, en Antarctique, avant de s’envoler pour l’Aconcagua. Comme les occidentaux avant lui, Nims Purja a compris qu’il fallait travailler avec une clientèle qui veut cocher les « Seven summits », à la différence que sa clientèle n’est pas qu’occidentale, mais globalisée. Quitte à parfois bosser pour des clients au passif chargé.

Certains diront que vanter les mérites de Purja ou Mingma G. revient à mélanger culture woke et ultra-libéralisme. Je dirais juste ceci : 2021 marque l’avènement des népalais en tant qu’acteurs de premier plan, tant dans le business que sur le plan de l’himalayisme, et au-delà, dans la sphère culturelle au sens large. Bienvenue dans un monde post-colonialiste, un peu moins blanc, où de flamboyants anciens serfs deviennent des stars à la force du piolet.

* Purja qui écrit sur son facebook hier : « Ensemble, notre équipe de dix alpinistes népalais a marché bras dessus, bras dessous jusqu’au sommet en chantant l’hymne national népalais, s’assurant ainsi que les prouesses de l’alpinisme népalais restent dans les livres d’histoire. »