Luc et Antoine se croisent au pont des Envers presque par hasard. L’un revient de montagne, l’autre s’y rend.
– C’était bon ?
– On a vu mieux.
Luc a la mine des mauvais jours. Une neige moyenne, décevante. Antoine se dit sans le dire que si l’on commence à se lamenter pour de si minimes soustractions du bonheur, on n’en a pas fini. Il met cet angélisme sur l’enthousiasme du départ.
C’est la sentence suivante qui l’ébranle davantage.
– Au moins, j’ai pris l’air…
Ils sont en décalage les deux garçons. Lot de consolation pour l’un, prendre l’air est pour l’autre la plus belle des invitations. En s’éloignant de copain grincheux, Antoine pense que c’est même et avant tout pour cela qu’il va en montagne. Pour prendre l’air. Il est là l’appel, le reste n’est que décoration.
Il colle ses peaux de phoques et se met en mouvement. Son ski droit dépasse le gauche puis le gauche dépasse le droit et ainsi de suite, c’est un peu le principe de la glisse et on n’a rien inventé de mieux pour que l’esprit ondoie, divague et chuchote les vérités. Alors il compte. Trois. Ils sont trois les airs qu’il prend là-haut.
L’air du temps. Il n’y a que là-haut qu’Antoine y parvient. À fixer ce temps qui file entre les doigts. C’est sans doute pour cela qu’on se dresse sur les sommets, les bras en l’air. Ce n’est pas en signe de victoire, c’est une demande au temps
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