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Les mots de passage

Ils marchaient sur un chemin en balcon, à mi-hauteur.
C’était la première fois qu’ils mettaient un pied, puis un autre, en montagne, la vie ne leur avait jusqu’alors pas permis. Ils regardaient timidement vers le bas, vers la vallée. Ils n’avaient jamais vu de maisons par le toit ni de voitures si miniatures ; chez eux, au pays du plain-pied, on découvre le loin de près. Observer le monde depuis le haut, à soixante-dix ans fourbus, ce fut leur baptême.
On dirait qu’on vole des pieds.
C’était une belle phrase. Instinctive, naïve. Une merveille de profane.
Qui dit cela chez nous ? Nous, les gens de la montagne. Personne.
Car nous avons nos habitudes.
Nous parlons la même langue, vocables semblables, formules partagées et codes communs.
Il n’y a rien de tragique à réciter en chœur, c’est le lot de tous les univers ; il est des éléments de langage propres à une pratique et dont on s’éloigne peu car ils œuvrent à ce doux sentiment d’appartenance. Les mots sont l’amer de toute confrérie, repères identifiables, immuables qui nous rassurent et nous rassemblent. La fidélité aux racines n’est pas une maladie honteuse. Alors nous communions, nous chantons les antiennes, nous faisons partie. Assistez à trois discussions entre ses pratiquants et vous aurez une liste tout à fait exhaustive des mots pour dire la montagne. Les nouvelles générations apprennent les mots de leurs aînés qui les avaient déjà appris des leurs, fraiche illusion d’un renouvellement qui n’est en somme qu’un