Nous sommes redescendus à Pralognan.
C’était peut-être la dernière fois qu’il voyait le refuge du Col de la Vanoise.
– Félix Faure !
C’est vrai, Jean a 86 ans. C’est ce nom là qui colle à sa génération d’alpiniste.
J’aime la compagnie de Jean plus que beaucoup d’autres choses. Son vieil âge resplendit de sagesse et de douceur. Il est l’ancien que j’aimerais, plus tard, devenir. Un jalon. Il a fait le choix de l’honnêteté lucide, reconnaissant ses torts comme ses talents et ce que les autres ont fait mieux que lui. Il me fait gagner un temps fou et m’épargne bien des surtensions en ce qu’il a classé les choses en essentielles ou superflues. Jean s’est peu à peu débarrassé de l’inutile, on ne va pas si aisément à Félix Faure s’en s’être affranchi des vaines lourdeurs de l’existence.
Nous sommes entrés dans un bar. Jean a pris un Porto, de ces apéritifs délicieusement désuets.
L’autre était là aussi. Je le craignais, pas lui mais qu’il soit là . Je le connais. Anselme. C’est un conscrit de Jean mais il fait partie de l’autre camp des vieux. De ceux dont le mieux est toujours eux. De ceux qui s’agrippent encore à paraître.
Une fois déjà , nous nous étions croisés dans ce bistrot, c’est le seul endroit sur Terre qui mérite qu’Anselme s’éloigne de chez lui. Il avait parlé de lui, beaucoup, m’utilisant comme un miroir à son prestige. Beaucoup font ça, ils font mine de s’intéresser à votre vie
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