Malgré un contexte géopolitique tendu, la Géorgie est un lieu unique pour les amoureux du ski. Dans le Caucase géorgien, le guide de haute montagne Yann Borgnet et ses clients se sont aventurés sur la Haute Route de la Haute-Svanétie pour aller à la rencontre des habitants et des pentes à dévaler. Entre villages isolés, sommets enneigés et dijo à tous les repas, Yann Borgnet nous raconte son périple dans ce territoire exigeant.
La Mingrélie-Haute-Svanétie est l’une des douze régions de Géorgie. Elle se déploie de la Mer Noire aux hautes cimes du Caucase, qui marque la frontière russo-géorgienne. Plusieurs hauts sommets composent cette frontière naturelle : le Chkhara (5193m) et ses neufs cimes, point culminant de la Géorgie et troisième plus haut sommet du Caucase ; le Djangha (5059m) ; le pic Tetnuldi (4858m), qui pourrait culturellement être comparé au mont Blanc ; et enfin le mont Oushba et ses deux imposants sommets (4710m).
Les guides Yann Borgnet et Shako Margiani et leurs 9 clients se sont aventurés sur la haute route de la Haute-Svanétie en ski de randonnée début avril 2024, traversant d’Ouchgouli, au pied du Chkhara, à Iskari, au sud-ouest de l’Ouchba. Récit.
Le melting-pot des rencontres
Gérer un voyage commercial, c’est aussi tenter de rassembler des gens qui seront susceptibles de trouver des points de convergence. Pour cela, rien de mieux qu’un trajet de plus de 24h, de Paris/Genève à Oushgouli, au fin fond de la Haute-Svanétie. Après une nuit de voyage aérien et d’escale, nous voilà à Tbilissi, où Guladi nous attend déjà pour nous conduire à travers la Géorgie à bord de son vieux bus Mercedes. Ceinture derrière le dos, sa conduite souple n’est étrangement pas modifiée par ses très nombreux coups de fil, le téléphone à l’oreille. Guladi a ses adresses, et les pauses ne sont probablement pas hasardeuses. Lors de l’une d’elles, nous mangeons notre premier khachapuri, marquant pour moi le véritable retour en Géorgie.
Une vieille Lada 1600, et notre chauffeur, Guladi, au volant de notre vieux bus Mercedes. Ici en quittant Tbilissi à l’aube après une nuit dans les airs et en escale. ©Coll. Yann Borgnet
L’imposante muraille du Chkhara se dégage par bribes
et nous procure des frissons par son caractère alpin
À Mestia, nous retrouvons Shako, qui vit ici avec sa femme et ses deux enfants. Il est guide UIAGM, comme moi, et très bon skieur. Vainqueur de l’étape locale du Freeride World Tour Qualifier en 2023, il aime le ski et préfère ne pas concéder la skiabilité au poids du matériel. C’est ce qui me surprend lorsque je tends sa paire de ski au chauffeur posté sur le toit de son “Delica”, ces petits camions 4×4 qui sont légions ici, indispensables pour notre transfert jusqu’à Oushgouli.
Nous arrivons juste à l’heure pour apprécier les fantastiques lumières du couchant sur les nombreuses tours du village, à l’époque utilisées comme bunker de protection par chaque famille en cas d’attaques et devenues symboles de la région. L’imposante muraille du Chkhara se dégage par bribes et nous procure des frissons par son caractère alpin.
À peine le dîner commencé, Shako nous propose un verre de l’amitié. Il passe derrière le comptoir du bar, sort une bouteille au contenu translucide et sert copieusement des petits verres. Selon lui, la “chacha” s’apprécie pendant le repas. Ici, le dijo commence tôt ! Elle est “strong” la chacha, et en cette veille de départ pour 7 jours d’itinérance, personne n’ose se resservir ! Sauf Shako, bien sûr, qui partage volontiers quelques verres supplémentaires avec les chauffeurs des Delica. Eux ne comptent pas les coups avant de reprendre la route escarpée pour Mestia !
Le guide Shako Margiani, en bout de table, nous explique ce qu’est « le verre de l’amitié géorgien ». En Svanétie, le digeo commence tôt… ! La « chacha », cette grappa géorgienne, nous challengera jusqu’au dernier jour de l’aventure. ©Coll. Borgnet
Oushgouli-Adishi : trois jours en cabanes à l’ombre du Chkhara
Ce premier jour de ski en Géorgie va teinter la suite du périple. Comme les jours précédents, il a neigé et venté cette nuit. Le paysage est immaculé, grandiose. Mais piégeux, aussi. Alors que nous marchons à trois de front sur le flanc d’une longue crête, nous ressentons un wouf suivi d’un bruit continu. Mon réflexe porte mon regard sur le versant d’en face. Il y a bien eu une avalanche, et elle est partie juste en-dessous de nous. Une cassure de 40 cm… première alerte.
La couche fragile est sensible et elle propage très facilement. Quelques centaines de mètres plus loin, on assiste à une seconde alerte, bien plus sérieuse. Le scénario est le même, mais au point le plus haut, la cassure avoisine cette fois-ci le mètre… Après une descente qui restera dans les annales, nous rejoignons les deux petites cabanes dans lesquelles nous dormirons ce soir.
Peu de pente mais une sacrée ambiance
pour rejoindre nos deux petites cabanes de berger
Encore en cours de construction, celle que nous occupons abrite une bonne vingtaine de rouleaux de laine de verre. La table et les bancs ont été bricolés rapidement avec des matériaux de récupération. Comme à son habitude, Etienne vante les qualités de son nouveau matelas gonflable. Jusqu’au moment fatidique où, à force de le faire bouger sur le plancher en bois, il constate que celui-ci ramolli… On a bien ri, lui moins. Le Chkhara se dégage enfin avec les lumières du couchant, c’est à la fois incroyable et effrayant. Même davantage lorsque, à l’heure du coucher, son sérac décharge copieusement et qu’une avalanche balaie toute la face. Le Caucase, ce n’est pas les Alpes, voilà le principal enseignement de cette première journée de ski.
Le créneau météo bouge tout le temps. Bientôt un rayon de soleil pour ce deuxième jour de ski. Puis avec une vitesse fulgurante, un front nuageux envahit le ciel par l’ouest. Fidèle aux prévisions, le plafond reste cependant autour de 4000m, nous laissant la perspective d’une descente par le glacier. Peu de pente mais une sacrée ambiance pour rejoindre nos deux petites cabanes de berger, les “Khalde mountain farms”. L’une est aménagée d’un vieux poêle à bois et de trois sommiers à ressorts, l’autre est vide.
La nuit a été fraîche. La neige a immaculé les versants qui nous surplombent, couvrant les zones dégarnies par de précédentes avalanches de fond. La chaîne frontalière, cette haute muraille, continue de nous écraser par son ampleur. Le sommet atteint ce matin nous offre une nuit saisissante, notamment sur le Tetnuldi. Neige de cinéma. C’est fluide sur un petit fond dur qui permet d’impulser les virages. Un délice. On se languit. Sauf peut-être Robin. Il envoie un peu fort, jump et atterrit en tête-pied. Un de ses skis rompt le leash. D’en bas, je le vois arriver à pleine vitesse, sauter une bosse et se planter dans la neige à mon niveau. C’était moins une… Ici, les conséquences peuvent être problématiques.
La descente du glacier Zaresho-Khalde, peu de pente mais une sacrée ambiance ! La neige devient rapidement croutée, signe des gradients importants de température entre le jour et la nuit. ©Coll. Borgnet
Shako et « Kai » notre chien provisoire devant l’une des deux petites cabanes rejointes après la descente du glacier Zaresho-Khalde. La perturbation s’est installée l’après-midi, nous offrant une neige de cinéma le lendemain… ©Coll. Borgnet
Aurélien, le vigneron du groupe,
ne peut s’empêcher d’aller acheter
du vin local dans l’épicerie du village
Au loin, nous voyons les tours caractéristiques du petit village d’Adishi. Nous y arrivons presque à ski, au milieu des vaches, et par des chemins boueux nous rejoignons notre guest-house. Natia ne tarde pas à nous apporter onze grandes bières, il ne nous en fallait pas moins pour apprécier cette journée. Adishi est un village en partie en ruine, abandonné par sa population en 1978 à la suite d’un hiver meurtrier. En 2009, il n’y avait plus que 3 familles. Elles sont aujourd’hui une vingtaine grâce au développement rapide du tourisme.
Aurélien, le vigneron du groupe, ne peut s’empêcher d’aller acheter du vin local dans l’épicerie du village, revenant très fièrement de sa quête avec deux bouteilles en plastique, l’une rouge, l’autre orangée. Des vins sans défauts selon lui, mais visiblement pas au goût de tous… Ils accompagnent à merveille les nombreux mets qui couvrent le moindre centimètre carré de la table : salade de carottes râpées à la coriandre, tranches d’aubergines grillées et fourrées au fromage frais, khatchapouri au fromage et à la viande, poulet en sauce, choux fleur poêlée. Un vrai festin !
Cette ville subit une mutation touristique
où se côtoient des hôtels de luxe et des bâtiments faits de bric et de broc
Adishi-Mestia, bambée et traquenard
Pour cette dernière journée de la première section de la Haute-Route, je propose de ne pas prendre le taxi depuis Zhabeshi, sous la station de ski Tetnuldi, pour rejoindre Mestia, mais de faire cette jonction à pied/ski. Sur le papier, près de 30 km et un peu plus de 2000m de D+. Une bonne partie de l’équipe me suit dans ce projet. Après l’ascension d’un sommet sans nom (3500m) qui surplombe l’imposant glacier du Tetnuldi, nous descendons en direction de la station de ski, en construction lors de ma première visite en Géorgie en 2014.
C’est ici que “Kai”, le chien qui nous suivait depuis le départ du deuxième jour, nous a abandonnés pour un autre groupe de skieurs. On rejoint facilement Zhabeshi où 3 équipes se forment : la team taxi, la team basket&running et la team marche&ski. Nous rejoignons Mestia à la tombée de la nuit. Cette ville subit une mutation touristique et se compose de constructions à l’architecture très hétérogène, où se côtoient des hôtels de luxe et des bâtiments faits de bric et de broc. Dans les rues, les gens nous observent comme si nous sortions d’un ailleurs. Sans transition, le repas est gargantuesque, et comme d’habitude, la table se remplit de mets jusqu’à ce que disparaisse la nappe. Je raffole notamment de ces patates frites dans le gras et des salades où la coriandre règne en maîtresse du goût.
La descente quelque peu fastidieuse de la longue vallée qui nous permet de rejoindre le petit voyage d’Adishi. Deux techniques optées par le groupe : la team peaux et la team glisse. ©Coll. Borgnet
Il ne fallait pas trop le chauffer. Ayant eu le malheur de parler de chacha à Shako, celui-ci s’éclipse un moment, revenant avec une bouteille du breuvage distillé artisanalement en Svanétie. Ça a beau être artisanal, on le sent passer ! Et pour l’honneur, on termine la bouteille. Mais vient bientôt la proposition d’un traquenard typiquement géorgien : Shako nous propose de faire un “petit tour en ville”, autrement dit, faire excès de chacha…
Il nous conduit dans un petit bar de la ville, plutôt branché, qui se trouve être également le repère des guides de Mestia. L’un d’eux, qui n’a pourtant pas vraiment le morphotype du guide, nous est rapidement présenté. Le “bear”, comme nous le nommerons pour son physique et son regard de nounours, tient dans sa main une petite corne de biquette qu’il distribue à qui se présente à lui, ayant préalablement pris le soin de la remplir à ras bord du précieux remède translucide. Cette chacha est de sa propre production, elle est aussi chargée que la précédente mais ne fait pas vraiment sourciller les géorgiens.
Nous ne sommes pas dotés des mêmes capacités. La voiture de la police locale, gyro allumés, campe devant le bar, mais cela n’empêche pas un petit groupe de fumer des grandes tiges de marijuana, ou de prendre la voiture garée en face du bar, a priori au-delà de la limite légale des 0g/L.
Le lever de soleil face à l’imposante face Est de l’Ushba est fantastique,
mais un peu plus tard,
la descente du Chaalali glacier est décevante
Mestia – Iskari : à l’ombre de l’Oushba
La “Cloud base hut” est une cabane non-gardée appartenant à Nick, un guide de Mestia. En Svanétie, à partir du moment où l’on possède un terrain, que l’on est “d’ici” depuis plusieurs générations et que l’on respecte le style architectural local grâce à l’usage de bois, il est admis de construire sa propre cabane. Il y a 8 ans, Nick avait organisé une grande beuverie d’inauguration. Ils avaient alors rejoint la cabane en 4×4 sur une piste sèche. Il neigea 50 cm dans la nuit et ils mirent une journée entière pour parvenir à redescendre les voitures… Des aventuriers de la chacha de la veille, seul Shako semble ne rien subir. Et pourtant, la corne l’a rassasié bien plus souvent que nous ! Il s’affaire à organiser la vie de la cabane et bientôt, à cuisiner un festin sur le poêle. La pasta n’est certes pas al dente, mais subtilement relevée à la géorgienne. Ce soir, le cognac local qu’a monté Shako ne rencontre pas beaucoup de succès…
5h, le réveil met en branle la maisonnée. À peine sortie de la cabane, dans l’obscurité de l’aube, nous distinguons une bestiole courir au loin, la première du voyage. Nous suspectons un loup. Le lever de soleil face à l’imposante face Est de l’Ushba est fantastique, mais un peu plus tard, la descente du Chaalali glacier est décevante : depuis les premiers jours, la neige a commencé sa métamorphose avec une petite croûte de regel assez déstabilisante. On se rattrape sur la moquette de la face SE, particulièrement bonne et propice aux grandes courbes à pleine vitesse !
Le temps du déjeuner, la neige est devenue collante et profonde. À Mazeri, nous croisons des bœufs tirant un petite remorque remplie de fumier, un couple s’affaire à dresser les bestiaux tout en répartissant équitablement le contenu dans des sillons préalablement creusés. Nous passons également devant la “Mazeri ski resort”, un petit téléski pour les gamins du village. Le grand hôtel Ushba, notre lieu de repos pour la nuit, a été dessiné par Shako dans le cadre de son projet de fin d’étude : avant d’être guide UIAGM, Shako a été ingénieur en génie civil.
Il faut s’y résoudre, nous arrivons au terme de cette incroyable aventure. Il nous reste une étape pour rejoindre notre ultime village, Iskari, et achever un bel itinéraire traversant presque de part en part la Haute-Svanétie. Dans la forêt au-dessus de Mazeri, nous suivons d’anciennes traces de ski, et bientôt d’énormes marques dans la neige : cette fois-ci, pas de doute sur l’animal qui est passé par là, nous sommes nez à nez avec des traces d’ours.
Shako en a déjà vu plusieurs fois, dont récemment au camp de base du Leïla Peak, sommet phare de la chaîne de montagne qui dresse le décor du sud de la vallée que nous “descendons” depuis 7 jours. D’ailleurs, cette chaîne, je la reluque depuis que l’on est parti, avec la folle envie de la traverser à ski un jour. Nous sortons bientôt du bois. Ça y est, c’est le printemps. Je remplace le pantalon de ski par le short.
L’accès au col puis un mont Bok est bien plus long que ce que j’imaginais. Une photo collective au sommet puis nous engageons de grandes courbes dans ses larges pentes sud. La neige devient de plus en plus molle, et nous devons bientôt batailler avec les buissons avant de nous retrouver dans des prés parsemés de tâches de neige. Les plus téméraires se préparent au “ski de demain”, parfois fatal pour les carres.
Ce sont des totems de l’accueil svanetienne
et pour aucune raison ils ne se refuseraient
Après avoir descendu la rue en terre battue traversant le petit village d’Iskari, nous arrivons dans une cour intérieure où l’on vient de faire usage d’une scierie mobile qui n’est pas de la première jeunesse. Il manque des dents à la lame et il n’y a évidemment aucune protection. D’ailleurs, notre hôte a un doigt enveloppé d’un gros pansements, et lorsque je lui demande la cause de cette blessure, son regard se tourne vers la scie.
Les vaches sont ensuite rentrées dans une étable particulièrement bien tenue. Au cours de l’arpentage des lieux, nous tombons sur une pièce en terre battue réchauffée par le ronronnement d’une petite dizaine de serveurs. Notre hôte, paysan comme tout le monde dans ces petits villages reculés, mine des bitcoins.
Merci à Shako pour sa connaissance parfaite du massif
Ces gens n’auront pas fini de nous surprendre dans leur ingéniosité et leur débrouillardise, derrière une image que l’on pourrait trop rapidement leur coller. Ici, tout est bien propre et bien tenu. L’unique douche est bien chaude. Les femmes sont très discrètes et peu souriantes. En revanche, la malice se lit dans les yeux de notre hôte, qui ne tarde pas à nous ramener une première bouteille de chacha arrangée, mi cognac mi chacha, à la suite du déjeuner de bienvenue. Ce sont des totems de l’accueil svanetienne et pour aucune raison ils ne se refuseraient.
Sauf qu’il n’est que 15h, et qu’au rythme où les verres se vident puis se remplissent à nouveau, soit la chacha va arriver rapidement à cours de stock, soit c’est notre capacité à éponger l’alcool qui va faire défaut. Évidemment, il n’y a jamais de pénurie de chacha… Notre hôte, qui a récemment subi une opération, est (soit disant) interdit d’alcool. Mais il semble éprouver un malin plaisir à nous faire boire par procuration !
Après sept jours à partager le quotidien de cette folle aventure et à découvrir progressivement cet homme à l’abord discret, il faut nous rendre à l’évidence que nous devons saluer notre guide local, fin connaisseur de ses montagnes et des traditions. L’émotion est palpable et elle est partagée.
Mais rapidement, l’appel de la chacha reprend le dessus : la bouteille de chacha arrangée est terminée, place à présent aux pichets de chacha pure. L’état de mes compagnons flanche vite, quant à moi, qui n’ai pas envie de récidiver l’expérience de Mestia, je n’honore qu’avec mesure la générosité, sans mesure, de notre hôte. À table, l’ambiance est joyeuse, et Arthur en bon capitaine de soirée nous anime le repas d’un one man show dont lui seul a le secret…
Merci à Quentin, Francis, Aurélien, Jérôme, Robin, Arthur, Etienne, Pascal et Anna pour cette belle aventure, et à Shako pour sa connaissance parfaite du massif.
Le contexte historique et géopolitique
« Je suis déjà allé deux fois en Géorgie, dans la Haute-Svanétie. La première fois en 2014, alors que le pays sortait à peine d’une escalade des tensions encore perceptible avec son voisin russe, déjà engagé dans des velléités impériales. Dans cette guerre éclaire de six jours d’août 2008, elle a perdu le contrôle de deux régions “pro-russes”, l’Ossétie du sud et l’Abkhasie, devenues des protectorats russes après que la Russie en reconnaisse officiellement l’indépendance en 2008. Après deux heures d’intense “bartasse”, au milieu des broussailles et des fougères qui encombraient un ancien sentier, et avec une totale stupéfaction, nous nous étions fait cueillir par des militaires postés là pour surveiller la frontière distante d’une dizaine de kilomètres à vol d’oiseau.
En 2019, le poste était encore en place (mais vide) et nous avons eu le loisir de retourner arpenter les immenses glaciers caucasiens, à quelques encablures de la frontières russo-géorgienne. Le contexte lié à la guerre en Ukraine bouleverse le destin géorgien, qui a un temps opté pour l’intégration européenne et qui est aujourd’hui balloté entre deux voies. Sa présidente, Salomé Zourabichvili, ancienne ambassadrice de France en Géorgie, parfaitement francophone et pro-européenne, occupe un poste majoritairement symbolique. Le parti au pouvoir depuis 2012, Rêve géorgien, fondé par l’oligarque milliardaire Bidzina Ivanichvili, se réclamait initialement du centre-gauche et a été décrit comme favorable à l’économie de marché et pour un rapprochement avec l’Occident. Il est devenu ouvertement pro-russe à partir de 2021-2022. Les élections législatives du 26 octobre 2024, considérées comme existentielles pour l’avenir du pays, ont permis à ce parti de renforcer encore son pouvoir, sur fond d’irrégularités et de dérives autoritaires.
Ce contexte a menacé la faisabilité de ce voyage en Géorgie : sur le site du ministère des Affaires étrangères, la frontière est à présent soulignée d’un liseré rouge, identifiant les zones “formellement déconseillées”. Autrement dit, un “no go” dans le contexte d’organisation d’un voyage commercial. Il m’a fallu déployer (un peu) d’énergie pour recevoir enfin l’assentiment du ministère et de l’ambassade.
Retrouvez les prochains voyages et raids à ski organisés par Yann Borgnet pour l’hiver 2025. Et pour les futures années, rendez-vous sur ce groupe Whatsapp.