Pour faire la tête quand on reçoit un cadeau, il faut une bonne raison, un mauvais caractère, ou alors le cadeau n’en est pas forcément un si tous les autres invités ont poliment décliné.
À peine nommé, le nouveau Premier Ministre a signé la lettre engageant la France à couvrir le déficit des JO Alpes 2030, condition sine qua non du CIO pour valider la candidature alpine. « Je confirme et prends l’engagement de garantir le financement de tout éventuel déficit budgétaire du Comité d’organisation des JO » a écrit Michel Barnier le 2 octobre (1). Depuis, les affiches pro JO Alpes 2030 ont fleuri sur les abribus, une campagne des deux régions Auvergne-Rhône-Alpes et PACA pour susciter l’adhésion des habitants.
ceux-là mêmes qui entonnent le couplet de la rigueur budgétaire sont ceux qui appellent les JO de leurs vœux
Un obscur mais influent cabinet privé a pondu une note aussitôt reprise par les élus (de droite) des régions promettant que les JO 2030 apporteraient « 48000 emplois » (2). Un chiffre qui ne repose que sur l’estimation d’un seul économiste. L’autre chiffre sur lequel personne ne semble s’accorder : le coût des JO de 2030, alors que le bilan de Paris 2024 et de son éventuelle dérive budgétaire ne sera connu qu’en 2025. Pour le projet Alpes 2030, entre 1.9 et 3 milliards, c’est la valse des chiffres. Une chose est sûre : chaque olympiade, à l’exception de Los Angeles en 1984, a vu son budget dépassé.
Le plus étrange est que la question environnementale des JO préoccupe tout le monde – il y a de quoi, puisqu’il est impossible de construire des lignes de trains en cinq ans. Mais la question économique, celle du coût, semble hors débat, à peu d’exceptions près.
« Malgré un déficit hors de contrôle et une gigantesque dette » publique (3), ceux-là mêmes qui entonnent le couplet de la rigueur budgétaire sont ceux qui appellent les JO de leurs vœux, et qui ont décidé seuls de leur tenue. Mais qui n’a pas rêvé devant les images d’un Léon Marchand à Paris ?
Montgenèvre. L’annonce du choix de la station haut-alpine pour les épreuves de half-pipe a été critiquée par des athlètes, qui remarquent que Tignes possède déjà l’infrastructure et l’expertise. ©JC
La semaine dernière, la région PACA a commencé à attribuer d’éblouissants budgets d’aménagements publics « JO » (4). S’il faut une olympiade pour que les trains poussifs des Hautes-Alpes soient modernisés et que l’on bouche les nids de poule sur les routes, alors bon courage aux trente cinq mille communes qui ne sont pas, et ne seront jamais olympiques.
Les ONG comme POW appellent de leurs voeux la création d’un espace de discussion pour des Jeux durables. Mais pour les décideurs, les élus, ne pas rester coincé entre les éventuels gains personnels qu’ils pourraient escompter des JO, et le fait de pouvoir critiquer ou amender les prochains JO va être un exercice de grand écart.
Dernier épisode en date (et pas le dernier) : le biathlète Martin Fourcade, le « Tony Estanguet des neiges » s’est porté candidat à la présidence du COJOP. Être soulagé d’apprendre que le boss du COJOP sera un vrai amoureux de la montagne (et du ski de rando) ne change pas le fond du problème, qui est démocratique. L’absence de choix ou de vote de la part de la population pour une deuxième olympiade en six ans témoigne du malaise démocratique actuel.
Paris 2024 a anesthésié la question du pourquoi des JO 2030. Il ne reste plus que la question du comment
Un espoir : le gouvernement vient de présenter un Plan National d’Adaptation au Changement Climatique, dans lequel on peut lire qu’à compter de 2025, «tout soutien public dans les stations, que ce soit en montagne ou sur le littoral, sera conditionné à la réalisation d’un plan d’adaptation au changement climatique » (5). Visiblement, le gouvernement Barnier a lu le rapport de la Cour des Comptes qui a fait jaser en février dernier. On espère que les futurs membres du COJOP s’en souviendront.
Paris 2024 a été ce moment de rêve et de trêve, un moment de fierté et d’union dans un pays qui a du mal à être fier et uni. Mais Paris 2024 a anesthésié la question du pourquoi des JO 2030. Il ne reste plus que la question du comment.
(1) La lettre du Premier Ministre.
(2) La brève étude du cabinet Asterès
(3) selon Le Monde du 30 septembre, JO d’hiver 2030, l’Etat prêt à apporter une première garantie de 520 millions d’euros
(4) Selon plusieurs médias haut-alpins, la Fédération du BTP 05 semble déjà s’en féliciter. « La perspective des JO 2030 débloque les dossiers routiers et ferroviaires »
(5) C’est dans la mesure 35 du PNACC publié le 25 octobre, pour « préparer la France à +4°C» en 2100.