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Grand ski sur le glacier d’Arolla et cabane des Bouquetins

Test ski de rando Scott Proguide

Il y a autant de façons de faire du ski de rando que de skieurs, autant de façons de guider que de guides. Yann Borgnet nous emmène découvrir la haute vallée d’Arolla, en Valais, un paradis du ski en haute montagne. L’occasion de tester à fond les nouveaux skis Scott Proguide. Et aussi l’occasion de penser autrement la passion qui nous anime, comme penser au refuge plutôt qu’au sommet. Parce que de toutes façons, des sommets, il y en a plein, autour de la cabane des Bouquetins !

Évolène, Valais. Un village magnifique, une vallée qui l’est tout autant, un paradis pour le freeride, le ski de fond, avec des vieux chalets en bois où relire Christian Bobin. Encore quelques kilomètres et Arolla (2009 m.) se dévoile. Carte postale suisse, la haute vallée d’Arolla dévoile les cimes enneigées et altières de ce coin resté sauvage. À main gauche les parois raides de la Dent de Perroc et la corne fantastique de l’Aiguille de la Tsa, canine plantée sur l’arête entre Arolla et Ferpècle. Austère quoique lumineuse, l’imposante face nord du Mont Collon barre l’horizon.

« C’est là que nous n’allons pas ! » plaisante Yann Borgnet, qui précise : « selon la carte il faut passer à gauche du Mont Collon, et remonter le glacier d’Arolla, pour atteindre la cabane des Bouquetins ». Le nom laisse rêveur. Et c’est l’une des raisons pour lesquelles Yann a choisi ce secteur, lui qui écume d’habitude le versant italien de ces montagnes. 

Au pied du mont Collon, l’arche du glacier d’Arolla. ©Jocelyn Chavy

Yann Borgnet, guide de haute montagne. ©JC

Glacier d’Arolla, la Vierge et l’antécime du Mont Brûlé. ©Jocelyn Chavy

Guide de notre groupe de six skieurs, Yann Borgnet a passé quelques années à aiguiser son appétit pour les courses engagées. En 2015, il a imaginé avec Yoann Joly une traversée des Alpes qui leur a pris cinq mois, sans moyens motorisés. L’itinérance, il a appris à connaître. Il en a tiré une philosophie qu’il met en application dans son métier de guide. « Quand je prépare une course à skis, je cible un massif. Puis je cherche un ou des hébergements, refuges, bivouacs. Ensuite j’essaie de connecter ces hébergements, les dénivelées raisonnables, les pentes et leur inclinaison ». Pour ce trip, nous avons mission de tester les nouveau skis Scott Proguide 89 et Proguide 96. Un plaisir à la montée avec seulement 2340 g la paire en 169, le Proguide 89 s’inscrit clairement dans un programme léger pour cette largeur autour de 90mm au patin, qui est idéale pour un ski de montagne. 

J’ai renoncé à la notion d’objectif. Il s’agit de penser l’itinérance à skis ou à pied sans objectif contraignant. Inventer un autre rapport à la montagne. yann Borgnet

Laissant derrière nous le Mont Collon, nous poussons les skis dans cette neige fraîche de la veille, alourdie par le soleil. Les ombres s’allongent quand nous parvenons sur le haut glacier d’Arolla. Quelques moraines plus tard, le glacier présente son tapis blanc immaculé. Immense beauté.

« J’ai renoncé à la notion d’objectif. Ce qui est important, c’est de penser l’itinérance à skis ou à pied sans objectif contraignant, cadré. Inventer un autre rapport à la montagne » précise Yann Borgnet. Comment ? En visant le massif, d’abord, pour l’enneigement. « Je bosse tout l’hiver comme ça, en ski de rando, de janvier à avril, en basant mes séjours sur l’expérience plutôt que la consommation, sur ce qu’on vit plutôt que sur un sommet. Le massif, puis l’hébergement, puis le choix des pentes, si possible moins de 30° pour ne pas être trop contraint par le risque d’avalanche ». Yann imagine même de ne plus donner un massif à ces clients jusqu’à quinze jours avant le départ, histoire de choisir celui à l’enneigement le plus propice, le plus safe aussi. 

Sur le majestueux glacier d’Arolla. ©Jocelyn Chavy

À partir du massif, ici le secteur valaisan d’Arolla, l’idée est d’aller dormir à la cabane des Bouquetins, octogone de bois perché en haut du glacier d’Arolla à presque 3000 mètres. « L’idée est d’avoir un beau bivouac ou nuit en montagne. Le reste découle. A partir de là, j’ai un kaléidoscope de possibilités : faire un col en aller-retour, ou bien tenter une boucle, une traversée… l’étude des cartes et des conditions en amont permet ce que j’appelle l’improvisation, notion d’autant plus essentielle avec le changement climatique ».

Pilier de sa pratique professionnelle, l’improvisation n’est pas celle, péjorative, qui est le résultat de l’impréparation, mais à l’inverse, celle qu’on retrouve dans le jazz, fruit de travail et d’expérience, qui produit un éventail de possibilités qui ont été pensées et imaginées en amont. « C’est une inversion de la notion de projet, puisque si le projet n’est plus le sommet, mais comme ici, monter à une belle cabane, le projet est toujours idéal. C’est revoir un certain héritage de la montagne qui reste obsédé par l’objectif, la performance. »

Le projet n’est plus le sommet, mais comme ici, passer la soirée et la nuit dans une belle cabane.

L’heure dorée à la Cabane des Bouquetins. Au fond à gauche, dorée également, la Pointe d’Oren. ©Jocelyn Chavy

La cabane des Bouquetins n’est pas seule : la petite cabane voisine est animée par sa gardienne et ses enfants, ravie de voir des skieurs venus ici – et nous autant à l’idée d’acheter des bières. Rapidement étoilé de pompes en train de sécher, le poêle tourne au milieu de cet octogone en bois, belvédère sur la banquise des grands glaciers alentour, devant la face nord du mont Brûlé. Chaque chose a sa place, chacun finit par retrouver sa chaussette ou son saucisson. L’improvisation ne s’improvise pas. « Oui, je prépare très en amont un parcours de base, autour duquel j’improvise. L’improvisation est au coeur de l’itinérance, et se situe entre deux extrêmes, l’extrême planification genre J1 sommet n°1, J2 sommet n°2, et l’extrême improvisation, forcément néfaste ».

L’improvisation ne s’improvise pas.

Yann Borgnet plaide auprès de ses collègues et de l’ENSA pour expliquer comment l’itinérance est un outil pour sortir de la notion de planification à outrance, et habiliter la notion d’improvisation. « Je cherchais avant tout une belle cabane, pour les photos mais aussi pour le plaisir, de faire en sorte que l’expérience soit mémorable. D’habitude, je pars plutôt trois jours et deux nuits, mais je reviendrais sûrement ici ! » dit Yann, qui a le sourire comme nous le matin en montant au col de l’Evêque. La neige poudreuse, mais tombée raisonnablement, donne la banane. « Après, quand on est engagé dans une boucle, on peut changer le sens, mais une fois dedans, il faut trouver la sortie, et avoir bien étudié les possibilités ». Mais une fois en haut, pourquoi ne pas s’offrir un peu de bonheur en plus ? C’est aussi l’occasion des premiers beaux virages : alors forcément, la poudreuse aide, mais un poil réchauffée, il nous faut constater que les Scott Proguide permettent de déjauger sans se planter, avec une belle faculté à alterner petits virages et grandes courbes dans ce décor valaisan majestueux.

Poudre sur le glacier du Mont Collon. ©JC

En montant au col de l’Evêque 3380 m. ©Jocelyn Chavy

Pointes d’Oren (3520 m) au-dessus du col de l’Evêque. La Valpelline et l’Italie en toile de fond. ©JC

Depuis le col de l’Evêque, les jolies pointes pyramidales d’Oren offrent deux versants poudreux, et un versant en glace bleue ! Le choix est vite fait. Yann en profite pour tracer quelques courbes à vitesse grand V. « J’ai longtemps utilisé des skis fins au patin, 80 mm, pour une question de légèreté », explique Yann, qui, en 2016, a signé l’une des rares répétitions du Linceul aux Jorasses, skié récemment. « Question ski, j’ai changé d’avis avec ces nouveaux Scott Proguide 89, le gap de skiabilité est quand même important et le compromis légèreté et skiabilité est bon. D’ailleurs, je conseille à mes clients un patin autour de 90 mm., et des skis pas trop longs. » En l’occurence, la fin de la descente technique comme souvent en rando, avec débris de moraine, racines et croûte nous demandera de la concentration, et c’est là sans doute qu’on apprécie le plus les skis Proguide qu’on a aux pieds : fatigué et avec un bon sac à dos, ça passe crème, et ça pardonne beaucoup, tout en restant absolument précis pour éviter les obstacles à bonne allure. 

Et les pointes d’Oren ? Le panorama va de l’impressionnante Dent d’Hérens – et son arête de Tiefmatten – à tous les sommets de la Valpelline italienne. Après une poudreuse excellente sur le glacier du Mont Collon, le grand plat du glacier d’Otemma et la remontée au col des Vignettes calment les discussions, en ayant le plaisir d’aller à contre-sens de Cham’-Zematt sur cette portion.

Une grande et longue descente nous fait naviguer et rentrer au port, nous, marins d’Arolla. Je reviendrai aux Bouquetins. Une fois le poêle allumé, j’ouvrirai un livre de Bobin, qui s’y connaissait : « Si éclairants soient les grands textes, ils donnent moins de lumière que les premiers flocons de neige ». 

Le calme après une bonne bière aux Bouquetins ©JC

Une pente tentante pour les uns ne l’est pas forcément pour les autres. Yann Borgnet slashe les séracs au-dessus des Vignettes. ©JC

Bon ski pour Vincent dans la descente du col des Vignettes ©JC

Don’t try this at home ; )

Itinéraires autour de la cabane des Bouquetins : tour de l’Evêque, Pointes d’Oren, col des Vignettes, 2 jours

 

Accès Arolla, Valais, Suisse.

Refuge Approche assez longue mais dénivelé très raisonnable jusqu’au refuge des Bouquetins, 2980 m.

Itinéraires Nous sommes montés au col de l’Evêque, 3380 m, puis aux pointes d’Oren, 3520 m. De là, soit revenir sur ses traces, soit poursuivre la boucle en traversant les glaciers au nord-ouest jusqu’au grand replat du col de Charmotane 3016 m. Une pente courte mais assez raide, sous le Pigne d’Arolla, permet d’atteindre le col des Vignettes près du refuge du même nom. Descente par le glacier de Pièce sur Arolla.

Autres itinéraires classiques : l’antécime (3499 m) du mont Brûlé ; col et cabane de Bertol ; Tête Blanche et glacier de Tsa de Tsa ; traversée sur la Valpelline…

Matériel
Corde (30m), crampons, matériel de sécurité sur glacier. Triptyque DVA pelle sonde.

Skis

Nous avons utilisé les Scott Proguide 89 et Scott Proguide 96

Le nouveau Scott Proguide 89 est ski hyper maniable, il est peu exigeant en descente mais précis en conduite de courbe. On a l’impression d’avoir un ski plus large sous le pied. Un plaisir donc à la descente, et un plaisir à la montée avec seulement 2340 g la paire en 169. En raid, ce Proguide 89 est impeccable, de même que ses finitions, toujours superbes chez Scott, et son design sobre et élégant.  Cotes : 113-89-124. Poids : 1170 g le ski en 169.

Le nouveau Scott Proguide 96 remplace le Speedguide 95. Par rapport au Superguide 95, le Proguide 96 a des lignes de cotes plus tendues, le programme du ski – pente raide incluse – l’y oblige. A moins de 2.6 kg la paire, ce Scott Proguide a été allégé – tout en restant apte aux neiges profondes. Noyau bois paulownia et fibres d’aramide et de carbone.  Cotes : 117-96-128. Poids : 1280g le ski en 178.

Merci à Corentin, Vincent, Arthur, Iris et Yann pour ce beau trip avec les skis de rando Scott aux pieds.