
L’Everest est tombé. Il a été littéralement pris d’assaut par quatre soldats vêtus de noir, dans leur tentative de speed ascent : Garth Miller, Alastair Carns, Anthony Stazicker, et Kev Godlington.
Dans la course à l’Everest et à la nouveauté, Lukas Furtenbach a placé la barre très haut. Il y a quelques semaines, nous vous expliquons comment le guide autrichien projetait d’amener quatre clients au sommet de l’Everest (8848 m) en sept jours, porte à porte. Ni plus, ni moins.
Le principe ? Une préparation, avant l’expédition, basée sur l’inhalation de xenon, un gaz rare qui stimule la fabrication de globules rouges, et limite donc les risques d’oedème ou de mal aigu des montagnes (MAM). Un complément de pointe, faut-il le rappeler, à une préparation de plusieurs semaines sous tente hypoxique, l’utilisation de l’oxygène supplémentaire, des cordes fixes, de l’aide indispensable des Sherpas, de la trace, des camps pré-installés et du confort VIP du camp de base. Fast but not light donc. Rapide mais pas léger, chargés qu’ils sont de logistique et de produits.
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Après un ultime shot de xénon à l’hôpital de Katmandou, les quatre clients, anciens soldats de l’armée britannique, ont rejoint le camp de base en hélicoptère avant d’atteindre le sommet de l’Everest le 21 mai 2025, à 7h15 heure locale. Le site internet, tout droit sorti d’un épisode de Mission Impossible, indique qu’ils sont actuellement dans la descente.
Cette expédition est un jalon dans le tourisme de luxe pour clients VIP. Après l’Antarctique à la journée (oui ça existe), offrez-vous l’Everest à la semaine, calé dans votre agenda de ministre. D’ailleurs, Alistair Carns, l’un des membres de l’expé est justement l’actuel ministre des Anciens combattants britannique mais aussi colonel des Royal Marines. CQFD.

Affiche promotionnelle de l’expédition Mission Everest.
Parmi cette débauche de superlatifs, de vitesse et d’efficacité, le plus détonnant est peut-être l’esthétique et le narratif qui teintent cette expédition. Une teinte très sombre. Sponsorisée par une marque de vêtements dont le nom « Thrudark » signifie « à travers l’obscurité/les ténèbres » avec leurs combinaisons intégralement noires, leurs masques et lunettes noires, cette expédition reprend tous les codes de l’esthétique guerrière. Elle utilise aussi une imagerie bourrée de testostérone, les logos rappellent les insignes de l’armée, les mots parlent de conquête.
Alors quoi ? Il faudrait être un mec, baraqué, tatoué et pas-là-pour-enfiler-des-perles pour atteindre les sommets ? Ok boomer, Rambo à 8000 ? Les plus inquiets trouveront que cette fascination pour l’obscurité est un peu trop dans l’air du temps, celui des conflits et des guerres. Ne faut-il pas en finir avec l’idée de conquérir ou vaincre une montagne ?
vu leur CV, ils savent parfaitement
ce qu’est la guerre
Je suis certain que ces montagnes méritent mieux que des alpinistes déguisés en forces spéciales, qui plus est à la petite-semaine (facile). D’autant que vu leur CV, ils savent parfaitement ce qu’est la guerre. Qu’ils tâchent de l’oublier cinq minutes pour ouvrir les yeux sur l’Himalaya lumineux.
Dans l’immédiat, leur course continue plus que jamais. Si les quatre soldats ont atteint le sommet en cinq jours seulement depuis leur dernière cup of tea à l’aéroport de Londres, il leur faut maintenant rallier la capitale britannique dans les deux jours restant avant que ne sonne le gong des sept jours. Contrairement à Phileas Fogg, les quatre soldats pressés ne pourront pas prétendre aux 24h de décalage horaire favorable en cas de retard d’avion. Leur décalage à eux est bien plus important, une cinquantaine d’année bien tassée.