fbpx

L’obstination de l’Everest en solo et en hiver de Jost Kobusch

Parmi la foule d’ascensions de l’Everest et une liste de records de plus en plus capillo-tractés, il reste une ascension jamais réalisée et qui mérite l’attention. Celle-ci réunit quatre critères que l’on peut qualifier d’ultimes : en solo, en hiver, sans oxygène complémentaire et par une voie différente de la voie normale. Si des ascensions ont déjà été réalisées dans chacune des catégories, la combinaison des quatre critères reste unique.

Une telle ascension parait tellement osée que les regards portés sur le prétendant à une telle prouesse, l’Allemand Jost Kobusch, sont souvent perplexes, pour ne pas dire condescendants. Comment le jeune alpiniste de 32 ans pourrait-il réaliser un tel exploit ?
S’il a déjà réalisé quelques ascensions notables, notamment la première du Nangpaï Gossum II (7296 m, Népal), celle de l’Annapurna (8091 m) sans oxygène complémentaire ou plus récemment le Denali en solitaire et en hiver, Kobusch ne fait pas partie de ces alpinistes hyper-actifs dont on peut suivre les nombreuses aventures très régulièrement. Il n’est pas non plus guide de haute montagne.

Capture d’écran du suivi GPS en temps réel de Jost Kobusch, le 26 décembre 2024, depuis son site internet.

D’ailleurs, les plus aguerris des himalayistes n’y vont pas de main morte. Dans un documentaire de la chaine Arte, tourné en 2019, David Goettler répond à Kobusch qu’il le trouve très présomptueux vu sa maigre expérience himalayenne et lui donne, grand seigneur, 0,1% de chances d’atteindre les 6000 m. Pire, Reinhold Messner lui-même considère Kobusch comme un communiquant tout juste bon pour les « relations publiques ». Cruel est le combat des Anciens et des Modernes, même en alpinisme. Pourtant, un fidèle compagnon de cordée de Goettler, Hervé Barmasse, ne disait-il pas que « le style est plus important que le sommet » ? 

À l’heure où j’écris ces lignes, Kobusch est de retour au camp de base déserté de l’Everest pour la 3e fois, accompagné d’une poignée de Sherpas pour le portage jusqu’au camp de base et la cuisine, mais sans cordes fixes ou bouteilles d’oxygène au-delà. L’alpiniste se trouve même déjà à 7000 m d’altitude, au-dessus du Lho La, en route vers l’arête ouest de l’Everest. 

espère t-il vraiment atteindre le sommet ?

Depuis sa première tentative à l’hiver 2019-2020, Kobusch n’a eu de cesse de vouloir encore progresser sur cette arête. Pourtant, espère t-il vraiment atteindre le sommet ? Croit-il sincèrement pouvoir réussir ? Allez savoir. Fouler le couloir Hornbein, qui doit le mener vers le sommet serait déjà une sacrée performance seul et en hiver. Mais la base du couloir est à 8000 m. Et cette année, Kobush annonce vouloir déjà atteindre les 7500 m et dépasser ainsi son point le plus haut atteint précédemment, mais aussi le plus élevé jamais atteint en hiver sur cette arête (par les Français Benoit Chamoux et Vincent Fine, 7500 m en 1985).

le jeune Allemand dénote
dans le monde très codifié de l’himalayisme

Si le jeune Allemand dénote dans le monde très codifié de l’himalayisme, on ne peut qu’éprouver du respect face à sa détermination. Il déclarait en 2019 vouloir « plonger dans l’inconnu », « pratiquer le vrai alpinisme » et tenter l’Everest « parce que c’est le plus haut sommet de la terre ». Ce qui est finalement une bonne définition de l’exploration, du style alpin, et qui assume avec audace l’immuable fascination pour le plus haut sommet de la terre.
Par les temps qui courent, un homme seul sur l’Everest, même de retour bredouille, en vaut bien cent autres dans le Guiness book des records, non ?