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Noirs sur blanc

« Comment dois-je vous appeler les gars ? Vous préférez afro-américains, ou Noirs ? »
C’est Conrad Anker qui pose poliment la question à la bande de copains qui débarquent dans le Montana pour faire de la cascade de glace. Parrain au sens noble du terme, Conrad Anker accueille un groupe venu de Memphis, Tennessee, USA. Un groupe de noirs, donc : socialement (très) défavorisés, ils ont trouvé dans une salle d’escalade de Memphis une nouvelle passion – l’escalade – et surtout une communauté soudée qui les aide : Memphis Rox, c’est une famille, et c’est le point de départ du film Black Ice projeté pour la première fois en France aux Rencontres du Cinéma de montagne de Grenoble. Black Ice, ce sont les Noirs qui débarquent en montagne, à Bozeman, où vit un seul Noir, « serveur la nuit, grimpeur de glace le jour », Manoah Ainuu.

©Black Ice

Les jeunes de Memphis Rox ne sont pas tous des enfants de coeur, comme Slacio qui a pris plusieurs balles lors d’un règlement de compte : une balle lui a emporté toutes les dents du bas, une autre a rendu son bras gauche impossible à lever, ce qui ne l’empêche pas de grimper, même ici, sur la glace du Montana. Il y a aussi cette étudiante en thèse pour qui l’escalade fait partie de la vie. Dans ce quartier de Memphis la population est noire à 99%, c’est l’inverse à Bozeman.

Filmé par un Noir, Black Ice rappelle les préjugés dont nous respirons l’air sans en avoir (mauvaise) conscience : l’escalade est un sport de blancs, et la cascade de glace, son avatar qui coûte cher en matériel et en essence, plus encore. Black Ice démonte tout ça avec humour, avec des grimpeurs noirs qui n’avaient évidemment jamais vu la neige ni la glace, et pour qui, comme pour n’importe qui, c’est une révélation, un plaisir immense et renouvelé au fil des jours, comme n’importe quel humain au mois de novembre.

des initiatives publiques existent
pour amener d’autres publics à la montagne

Les choses changent pourtant autour de moi (le blanc) : des initiatives publiques existent pour amener d’autres publics, justement, à la montagne.* Docu drôle et vibrant, Black Ice prouve que les salles d’escalade communautaires – le prix de l’entrée à la salle de Memphis est à discrétion – sont une porte d’entrée formidable sur les sports de montagne, jouant un rôle qui va bien au-delà du sport. Que quelqu’un qui découvre la joie de grimper sur des prises roses peut aussi apprécier la nature par la suite. 

Au-delà de sa portée universelle, Black Ice s’attaque aux derniers bastions du racisme que sont les stations huppées comme Bozeman. D’ailleurs, la dernière fois que j’ai vu un Noir à Chamonix, il n’avait pas de piolets aux mains, mais une toque de cuisinier sur la tête.

 

*Jeunes en Montagne à Grenoble
** Piti Diharr au Spiti