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Jeff Mercier, esthète de la glace

Athlètes La Sportiva 3/3

Jeff Mercier ©Jocelyn Chavy

Quelle glace grimper dans le futur ? Secouriste au PGHM d’Ajaccio, guide, et amoureux de la cascade sous toutes ses formes, Jeff Mercier a son idée. Connu pour avoir popularisé le dry tooling jusqu’aux plus hautes parois chamoniardes, Jeff n’a cessé de repousser ses limites et celles, techniques, de la cascade de glace. Sans jamais oublier l’essentiel : l’esthétique d’une ligne, et l’éthique adaptée pour la parcourir. Des voies spitées en dry aux voies « trad » parcourues à vue coinceurs (et broches) au baudrier, Jeff Mercier s’explique. 

Comment vois-tu le futur pour le glaciériste ? On arrête la glace pour le dry ?

Jeff Mercier : Le futur pour moi, c’est à l’intérieur des glaciers ! Le futur c’est ce que tu vas aller chercher pour aller plus loin, ce qui te fait triper personnellement. Ce que j’ai saisi dans les glaciers, c’est que j’ai la combinaison parfaite de mes deux passions : le dry tooling et l’escalade de glace. Avec cette variété en plus de la glace où tu mets les pieds où tu veux. Tu te retrouves vraiment dans la structure glace, tes crampons te servent à quelque chose parce que t’es dans la glace. L’escalade se fait avec des techniques de glaciairistes, c’est-à-dire pas de trous forés, pas de broches préposées. Tu dois trouver la structure adéquate. Perso je veux trouver un moulin de cent mètres et grimper d’un seul jet les cent mètres. Cent mètres parce que ça reste la longueur mythique. Et c’est dur. Après, ce qui contrebalance, c’est que dans le glacier tu mets des broches qui sont tellement bonnes, que tu peux tomber sans problème. La glace est très solide en général.

Donc les glaciers, c’est le futur ? 

Il y a trois ans, à la Mer de Glace, on y était fin octobre, on est descendus à 70 mètres mais avec le froid c’était l’horreur, ça fissurait partout, on a vraiment eu peur. Du coup cette année j’y suis retourné en septembre, mais les moulins [grands puits dans lesquels l’eau du glacier s’engouffre] étaient tous noyés à 40 mètres. Là je sors de ma zone de confort et je force. Je ne vois que ça, sinon la glace va être trop éphémère… Grimper dans les glaciers, dans des moulins ou des porches de glacier, ça me fait vibrer, et c’est sans doute le futur pour les jeunes générations. Maintenant si l’Ensemble de Mandelbrot [mythique cascade grade 6+ de Gramusat] se reformait, je traverserais la méditerranée à la nage pour le faire !

 

Dans les grottes des glaciers, j’ai la combinaison parfaite de mes deux passions : le dry tooling et l’escalade de glace. ET sans trous ni broches, c’est nouveau !

Rassure-nous, il reste de quoi grimper mis à part l’intérieur des glaciers ?

Bien sûr, depuis quelque temps j’essaye de refaire sans spits des voies mixtes qui sont spitées, ou, toujours sans spits, des lignes qui sont perçues comme peut-être pas faisables sans. J’ai fait cela en Norvège l’année dernière, qu’avec des coinceurs, sans spits. C’est le jeu classique du mixte.
J’ai refait des voies en Suisse et au Canada (au fond du stanley) de cette façon, où sur les bords il y a quelques spits.  Tu dois choisir ton itinéraire et je me suis retrouvé quasiment sur la voie sur spits, le rocher est verglacé, tu mets un camalot, deux camalots, t’es surtendu ! Là j’apprends plus sur mon niveau que si je reste sur des spits. C’est ça qui me fait triper : essayer de pousser le bouchon. D’ailleurs, ce n’est jamais que du mixte écossais, avec plus de glace. C’est tout.

Faut-il que les grimpeurs de haut-niveau soient plus francs sur les moyens et les cotations utilisées ? 

N’importe quel grimlpeur qui a fait une fissure à Cham’ non équipée sait cela. Dès que tu dois mettre des points, tu n’es plus dans le même sport que clipper des spits. Mentalement et physiquement, tu n’es plus dans la même configuration parce que ça te prend du temps de trouver la bonne taille, de le mettre au bon endroit, et tu n’as pas cette sécurité mentale de te dire que tu es retenu si tu tombes. Donc quand on y va à vue on y va tous comme des chiens parce qu’on ne veut pas tomber, on veut faire la croix. Je veux dire que t’as pas cette peur. Le problème aujourd’hui, c’est que dans certaines classiques en dry d’il y a dix ans, les voies n’ont pas été cotées en « D » mais en « M » avec des spits. C’est sûr que c’est plus glorieux pour un alpiniste de dire “j’ai fait du M12” que “j’ai fait du D12”. Mais ce n’est pas la même chose. Il faut juste dire les choses comme elles sont, et comme on les fait.

Chercher le mouv’. Même pour le fun, trente centimètres au-dessus de l’eau. ©J. Chavy

Jeff Mercier, Aiguilles, janvier 2023. ©Jocelyn Chavy

Et le dry tooling dans les faces nord, ou ouest, comme a fait le GMHM aux Drus ? Sans parler d’artif, les piolets ne sont pas un peu un ajout, comme les genouillères dans les gros dévers ?

Moi qui suis un gros féru du dry tooling je me suis posé la question aux Drus. Avec mon compagnon de cordée [le regretté] Korra Pesce, quand on a attaqué une voie à gauche dans la face nord des Drus. Nous étions en février. Au bout d’un moment j’ai dit à Korra que cela n’avait pas de sens, c’était tout en rocher et ça aurait été plus rapide de grimper en chaussons. Au Yosemite les gars ne grimpent pas des fissures avec des piolets quand il fait moins quinze. Après, si tu vas aux Drus au mois d’août, tu sais que tu vas mourir, alors il faut quand même trouver une solution… Aux Drus, faire du dry dans un truc où il n’y avait pas du tout de glace, cela ne me disait rien, on a fait demi-tour.

Des projets ? retourner aux jorasses, pourquoi pas

Quelles sont les voies qui t’attirent – ou que tu n’as pas faites – en haute montagne ? 

Ce serait de retourner en face nord des Grandes Jorasses, j’avais fait No Siesta avec Korra, j’aimerais faire plutôt Rolling Stones, remasterisé. À la journée. Cela impose un style par contre. Cela me ferait carrément envie.  Après, je me suis toujours dit que je voulais faire l’Eiger, par contre il est hors de question que j’y passe 3 jours, dans la classique. J’ai un plaisir à avancer, pas à passer trois ans dans la longueur à nettoyer, etc… Quand j’ai un gros sac j’ai plus de plaisir. Cela me plairait de retourner là-dedans, ce sont des bons objectifs. 

À Freissinières, Jeff Mercier et Fabian Buhl échangent leurs expériences sur la nouvelle chaussure G-Tech de La Sportiva.

Jeff Mercier à Aiguilles, Queyras. ©Jocelyn Chavy

Test de la nouvelle G-Tech, la nouvelle chaussure ultra technique et légère de La Sportiva. ©Modica Visuals

La glace avec Jeff ? Beau placement, beau mouvement. ©J. Chavy

Tu es très présent sur instagram, il y a beaucoup de gens pour qui tu représentes la cascade. Quel est ton rapport perso à ça ? C’est un rendu pour les sponsors ?

Si je poste beaucoup, c’est parce que si tu n’occupes pas le terrain, tu en as plein qui vont prendre la place ! Mes images sont authentiques, je ne me pends pas à la broche pour faire comme si j’avais grimpé dans une grotte, quand je fais des trucs en mixtes, j’enchaine la voie par exemple. J’y vais pas pour la photo. Je ne suis pas le plus fort glaciairiste mais en tout cas je respire avec l’escalade de glace, et quand je fais des photos, elles sont faites par des vrais photographes : elles sont authentiques, et ce n’est pas juste une séance photo. Pour moi l’authenticité, c’est quelque chose de vital.

Ta position par rapport au sponsoring ?

J’ai fait ce choix-là de pas être une superstar mais de réussir à avoir assez d’argent de mes sponsors pour voyager pour mes projets alpins et de grimpe. J’ai ma solde de gendarme même si je n’y touche pas pour ces projets personnels, j’ai une famille. Je suis redevable de mes sponsors comme La Sportiva. Après il faut trouver l’équilibre, renouveler les contrats, de leur dire de nous faire confiance.

quand je fais mes photos, elles sont authentiques, ce n’est pas juste une séance photo.

L’année dernière tu es allé grimper au Maroc. En hiver. Tu as partagé ta passion de l’alpinisme en grimpant avec Faiçal Bourkiba, l’un des rares glaciairistes locaux. 

C’était une expérience fantastique. Aller chercher de la glace dans un endroit improbable, nous n’étions même pas sûrs de grimper. Et finalement on a grimpé, dans l’Atlas, dans la face nord du Tazarhart (3 450 m) avec deux couloirs goulottes de 300 mètres, et une ligne en M6 de deux longueurs, avec une caillante pas possible. Grimper avec d’autres gens, d’autres cultures, je trouve ça vraiment intéressant. Faiçal est venu en France récemment pour nous voir et partager la diffusion du film, Land of the Cold Sun. Côté projets, je repars en Norvège, et au Canada cette hiver, avec l’idée d’aller voir Helmcken Falls si les conditions le permettent.

 

La nouvelle La Sportiva G-Tech.

La chaussure de Jeff Mercier : la G-Tech de La Sportiva

Il est convaincu par la G-Tech, la nouvelle chaussure ultra légère de La Sportiva pour la cascade et l’alpinisme technique. Et pour cause, Jeff Mercier fait partie de ceux qui ont essayé les prototypes dès le mois de février dernier en Norvège. « Au début j’avais des doutes avec ce modèle très léger par rapport au froid arctique. En fait par rapport aux anciennes générations [telles les Trango Ice Cube] cette G-Tech change tout avec sa guêtre intégrée. Même au Canada cet automne en traçant dans la poudreuse je n’ai pas eu froid aux pieds » explique Jeff Mercier. Et pourtant, la G-Tech est encore plus légère, avec 1240 g par pied.

 » Quand tu as goûté au BOA, tu ne retournes pas en arrière. Le système permet de bloquer ton cou de pied, et le talon, et d’être hyper précis en grimpant tout en restant confortable ensuite : pour les approches ou la descente tu dessers le BOA en 2 secondes, avec les gants, sans t’embêter avec les lacets. C’est l’idéal pour avoir un serrage optimum en grimpant, et un serrage relâché ensuite « . Pointe précise, chaussant parfait, la G-Tech est le top de gamme de La Sportiva.

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