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Je suis niçois

J’ai bien bossé cette semaine. Une chance. Car le travail, malgré son étymologie, peut faire envie en ce moment. J’ai bien bossé et je suis niçois (1). Et puis vendredi soir, je suis gentiment rentré à la maison, comme tous les soirs, à 18 heures. J’aurais bien fait un footing sur la promenade, mais il y a eu trop de monde. Le gouvernement a tranché, comme on dit. Il a tranché : tous les niçois seront reconfinés les week-ends à partir de vendredi 18 heures, et jusqu’à six heures du matin le lundi. Les sommets sont encore blancs, la mer est si bleue, mais qu’importe. Il est plus important d’interdire le sentier du littoral, et d’interdire toute balade de plus d’une heure que de prendre l’avion, c’est évident, non ? (2)

C’est hallucinant qu’un an après on en soit toujours au même stade, titre le Monde. Sans déc ?

Que chacun, justement, accepte son métro-boulot-dodo, c’est le lot de tous les français et pas que des niçois depuis début janvier : tous les jours vers 17 heures il faut s’entasser dans les supérettes ou dans les supermarchés pour remplir son frigo avant que ça ferme, s’entasser dans les transports en commun parce que pas grand-monde arrête de travailler à 15h30. Donc au lieu d’étaler tout ça, on concentre. Avant 18h. Heureusement il reste le week-end pour respirer, profiter de la nature qui plus que jamais nous inspire, nous intube du bonheur prêt à vivre. Mais là, non. Fini. « Les français sont résignés », entend-on sur les ondes. Seul le Monde s’est autorisé à titrer : « C’est hallucinant qu’un an après on en soit toujours au même stade », citant un habitant de Nice.

Au sommet du Baou de Saint-Jeannet, dans l’arrière-pays niçois. ©JC

Le weekend à Nice le sport même en extérieur est interdit, les sentiers aussi. Franchement, imaginer que l’homme pourrait rester dans sa bulle pour fabriquer du PIB, sans culture, sans rien, branché sur les écrans, il n’y a que Matrix (premier du nom) qui nous avait décrit ces humains à l’état larvaire, dont l’énergie vitale est sucée par la matrice. Nous sommes au fond de la caverne, pour de bon. J’ai convoqué les soeurs Wachowski et Platon, il faudrait à nouveau sortir la Boétie de la naphtaline de nos cerveaux anesthésiés. Le sport, et bien plus simplement, le grand air, est le meilleur moyen de rester en bonne santé, et d’éviter la déprime que suscite la période. 

Un an plus tard, les Niçois doivent signer un papier pour sortir le chien ou marcher une heure, et qui sait bientôt, à ce rythme, le reste du pays.

Je pensais que le gouvernement avait compris les conséquences des affres (3) dans lesquels il nous avait plongé lors du premier confinement. Un an plus tard, les Niçois doivent signer un papier pour sortir le chien ou marcher une heure, et qui sait bientôt, à ce rythme, Paris ou le reste du pays. De quoi la France est-elle le nom ? Un pays où travailler sans relâche et sans perspective, ou ne pas travailler et ne pas avoir d’avenir est devenu la norme. Un pays où une voix métallique délivre le message, par haut-parleur, de rester confiné pour votre santé, sous l’oeil des 3419 caméras de la ville, raconte le même article du Monde.

Les français ont une qualité, disait François Mitterrand, ils n’ont pas de mémoire. Ils ne se souviennent plus comment dire non.

(1) vous pouvez remplacer chaque niçois de ce texte par dunkerquois, antibois, etc.

(2) le maire de Nice, Christian Estrosi, se dit persuadé que la lutte contre l’épidémie passe par des « décisions locales efficaces » telles que le confinement. Le deuxième aéroport de France par son trafic passagers, celui de Nice, est resté grand ouvert.

(3) Le confinement aura des « dégâts collatéraux infinis » nous avertit cette psychologue dans le Figaro.