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Inoxtag et l’indicible sommet

Quelle que soit l’issue de son histoire à l’Everest, Inoxtag aura de toutes façons réalisé une grande première, du jamais vu dans le milieu de l’alpinisme : tenter de gravir une montagne – puis revenir sans rien dire. 

C’est d’autant plus flagrant qu’il a tenté le sommet le plus haut de la planète, l’a annoncé en grande pompe au monde entier (du moins à ses millions de followers), avant de revenir sans un mot. Silence radio.

Au retour d’expédition, il transmet à son guide et photographe Mathis Dumas, lui même instagrammeur, le rôle de porte-parole. Dans un unique post sibyllin, il écrit : « Inox a besoin de prendre du recul sur ce qu’il s’est passé durant cette aventure en restant à l’écart des réseaux pour le moment. » C’est également le dernier post de Mathis Dumas depuis une semaine, lui qui est pourtant très actif sur les réseaux.

Bingo, le suspens monte. Dans la communauté des followers et au-delà, tout le monde se demande si le sommet a été coché, les théories se montent et se démontent. Même de grands médias tels que le Figaro ou l’Equipe se prennent au jeu et publient sur le sujet. Plus malin encore, la fin du post de Dumas lui-même « En attendant méfiez-vous de ce que vous voyez sur les réseaux » ne fait qu’attiser les spéculations. Bien vu.

inoxtag filtre l’information
d’une main de maître

Tout cela n’est que l’écume d’une mise en scène ultra huilée. Puisque cette année encore, des centaines de prétendants au sommet de l’Everest y sont parvenus en même temps, puisque cette ascension n’a plus rien de spectaculaire dans le milieu de la montagne (à part dans ses dérives) et puisque qu’elle se banalise même aux yeux du grand public, le jeune Inès Benazzouz, de son vrai nom, filtre l’information d’une main de maître pour garder le secret de la réussite ou de l’échec. N’est-ce pas le ressort le plus simple et le plus efficace de n’importe quel spectacle ? De n’importe quel film ? 

Car c’est bien de ça qu’il s’agit : la production d’un film relatant son ascension est annoncé pour septembre. Mieux vaut donc garder le suspens pour contenter les spectateurs. Et tant pis si son agence de voyage a annoncé sur les réseaux pendant quelques heures que « tout le monde était parvenu au sommet » avant de retirer son post : erreur ou teasing volontaire, la mèche était allumée. 

il prend ses distances 
avec la coutume essentielle des alpinistes

Il est certain qu’Inoxtag a eu le courage de prendre le temps de se former à l’alpinisme, se mettant bien en phase avec la pratique. Mais en ne jouant pas le jeu de l’annonce du sommet, il prend ses distances avec la coutume essentielle des alpinistes, information structurante de l’activité. C’est grave ? Bien sûr que non. C’est simplement révélateur d’un Everest devenu scène de théâtre, une sorte d’extension du domaine du spectacle.

Mais cette fois, devant leur écran, les spectateurs n’attendront pas de voir le récit d’une expédition dont l’issue est déjà connue pour en comprendre le fonctionnement, les choix des alpinistes, la beauté des paysages. Non, dans le cadre des ascensions de l’Everest sur voie normale, tout ça est déjà vu et revu. Il faut donc que le spectateur attende la fin du film avec impatience. Alors Inoxtag garde la carte secrète du « happy ending » ou de l’échec, dont on n’a aucun doute qu’il saura le valoriser le cas échéant. 

Quand on sait qu’un succès au box-office français représente 2 à 3 millions de spectateurs et qu’Inoxtag compte jusqu’à 12 millions de vues pour ses vidéos, nul doute que son silence est d’or.