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Disparition dans les Écrins d’Esteban Olivero, espoir du ski et du trail

Membre du Groupe excellence ski alpinisme national (GESAN) de la FFCAM et espoir français du skyrunning, Esteban Olivero a perdu la vie ce vendredi 22 décembre en descendant à ski le glacier des Bœufs Rouges, sur la commune de Vallouise-Pelvoux, dans les Écrins.

Quand on voit la mort de loin dans les pages faits divers, elle reste étrangement abstraite jusqu’au moment où elle fauche un ami. Tout simplement parce que c’est une petite partie de soi qu’on arrache, comme le disait avec tant de justesse la compagne de Gabriel Miloche dans nos colonnes. Ce sont des promesses de courses partagées qui ne se feront pas. C’est se dire que la dernière fois qu’on s’est vu – sur les skis, toujours – était la dernière tout court.

« Esteban est mort ». Au téléphone, alors que je pédale pour faire les dernières emplettes de Noël, l’ultra-traileur et ami Martin Kern m’apprend le drame. Trois mots suffisent à nous plonger dans l’abysse.

Esteban Olivero. ©Thomas Pueyo

Martin séjourne souvent à Vallouise où avait élu domicile Esteban Olivero (originaire du Var) depuis plus d’un an, afin d’assouvir sa passion de la course en montagne et du ski alpinisme. Un lieu grandiose tout en étant plus sauvage et accessible financièrement que Chamonix. Martin fut donc mis au courant rapidement. Sachant que j’étais dans le même Groupe excellence qu’Esteban, il m’appela tout de suite.

On n’est jamais vraiment préparé à la mort, surtout lorsqu’elle emporte un gars aussi jeune, d’à peine 22 ans. J’arrête de pédaler d’un coup, laissant le vélo poursuivre sa route en roue libre. Mon cerveau peine à ingérer cette information qui soulève le cœur. Devant moi se dresse la silhouette du Vercors, gigantesque masse d’outrenoir en ce crépuscule de journée d’hiver, où le regard se réfugie à l’abri de la douleur.

Esteban avait un talent immense 
une endurance rare

Esteban était un ami, de ceux que l’on se fait grâce à ces groupes de la FFCAM qui rassemblent des gens partageant la même passion, sans forcément se connaître auparavant. Je ne le côtoyais donc pas de longue date, ne le voyais pas toutes les semaines, mais les stages et la « super diagonale de Vanoise » réalisés l’an passé avec le GESAN avaient tissé des liens forts, de ceux que forgent l’esprit de cordée. Nous avions aussi fait équipe sur la course de ski alpinisme du Grand Béal. J’avais tiré la langue comme jamais pour tenter de suivre son rythme. Il avait sauvé notre début de course en me tractant à l’élastique, usant de sa force phénoménale pour me remettre sur les rails et finir 2e.

Photo du groupe du GESAN. ©Thomas Pueyo

Esteban avait sans aucun doute un talent immense, une endurance rare et vouait à la montagne un amour pur. L’hiver dernier, il s’y était plongé corps et âme, enchaînant des journées au dénivelé pantagruélique où les heures devaient se dissoudre dans les vallons des Écrins. Il avait mis à profit cet entraînement sur les courses de skyrunning cet été, après une saison d’aide-gardien dans les Alpes du sud, empilant les victoires et se hissant au sommet de la hiérarchie mondiale de la discipline, croquant la médaille en chocolat sur la traditionnelle finale du circuit à Limone au terme d’une descente d’anthologie où seul un athlète était allé plus vite dans l’histoire de la course (Kilian Jornet, pour ne pas le nommer).

Il venait d’obtenir un contrat avec une marque pour 2024 et était tout excité à l’idée de pouvoir se consacrer un peu plus au skyrunning.

Généreux à tout point de vue

 

Sur les sorties ski du GESAN, il faisait invariablement la trace, une façon pour lui de se fatiguer un peu sans prendre trop de champ. À la fin de la journée, le visage cramé par le soleil, les jambes repues, il fallait encore et toujours compter sur lui pour animer de son sourire les moments de repos au refuge. Généreux à tout point de vue.

Voilà pour la partie du personnage que j’ai connu, sûr de ses convictions et de la direction à donner à sa vie. La montagne comme valeur cardinale.

Toutes nos pensées vont à la famille d’Esteban et ses proches.

LES CIRCONSTANCES

Le corps d’Esteban Olivero a été retrouvé sans vie en contrebas du glacier des Bœufs Rouges, sur la commune de Vallouise-Pelvoux où il s’était installé depuis un an avec son coloc Louison Coiffet (lui aussi espoir du trail hexagonal, 2e du 90 km du Mont Blanc 2023). C’est ce dernier qui, voyant qu’Esteban ne revenait pas, a donné l’alerte aux secours le vendredi 22 décembre vers 20 heures. « Il était parti seul faire du ski de randonnée au sommet de la Blanche.

Cette disparition étant inquiétante, les recherches pédestres ont immédiatement commencé (le vent étant trop fort pour l’hélicoptère). On cherchait sur l’itinéraire déclaré du skieur, le couloir nord-ouest de la Blanche. Ces recherches sont d’abord restées vaines », indiquait à La Provence le capitaine Nicolas Guiraud, à la tête de la CRS Alpes de Briançon. Le lendemain, alors que le vent retombait, l’hélicoptère de la section de gendarmerie a pu quadriller le secteur et retrouver Esteban, sans vie. « Il avait fait le sommet de la Blanche et avait élargi sa course à un sommet voisin : la pointe de Celse Nière. C’est dans la descente qu’il a fait une chute fatale ».

Selon Benjamin Védrines, que nous avons contacté pour mieux appréhender le secteur : « Pour ce qui est de la descente du glacier des Boeufs Rouges, il y a souvent un verrou glaciaire au milieu de la descente, ça s’enneige assez difficilement (…). Sinon, ce n’est pas extrêmement raide mais c’est un grand toboggan… Si c’est parti en avalanche autour de lui et que ça l’a entrainé, alors il y a des barres de part et d’autre de ce verrou. »