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Cerro Torre

Histoire d'un mythe

© Ulysse Lefebvre

Il y a des livres qui vous donnent envie de grimper, de partir à l’aventure, de braver les éléments. Non pas forcément en décrivant mieux que les autres les montagnes, non plus dans la surenchère de péripéties. Non, Cerro Torre est un livre qui vous pousse dehors parce qu’il transpire la passion de la montagne.

Cerro Torre, Kelly Cordes, Editions du Mont Blanc, 2017, 400p., 29,90€.

Passion de son auteur d’abord, Kelly Cordes, ancien rédacteur en chef de l’American Alpine Journal, très attaché à la tour patagone, pour l’avoir grimpée lui-même (avec Colin Haley). Passion des protagonistes ensuite, de cette longue histoire mouvementée autour de l’un des mythes fondateurs de l’alpinisme en Patagonie, dernier bastion de sauvagerie loin des foules. À titre de comparaison, même le Fitz Roy est aujourd’hui beaucoup plus accessible et fréquenté, les deux sommets étant pourtant situés de part et d’autre de la même vallée.

Parfois convaincu du mensonge, Cordes se permet aussi de douter,
à nouveau, comme pour s’assurer de la pertinence de ses raisonnements

Le Cerro Torre demeure un monument

Pour le raconter, l’Américain a réalisé un travail d’enquête impressionnant. Le but ? Reconstituer le puzzle des ascensions de Maestri, dont la véracité a toujours posé question. Est-il allé au sommet en 1959 avec Toni Egger, mort à la (soi-disant) descente ? Quelle pulsion a pu l’amener à planter plus de 200 pitons à l’aide d’un compresseur et d’une perceuse, en 1970, pour finalement s’arrêter sous le champignon sommital ? Plus récemment, comment Hayden Kennedy et Jason Cruk décident-ils de récupérer le droit à une ascension en libre de cette arête sud-est, en retirant à leur descente bon nombre de points ? Le travail réalisé par Kelly Cordes fut de longue haleine. Ce dernier a rencontré un nombre incroyable d’alpinistes, journalistes, photographes, témoins, et ce aux quatre coins du monde. Parfois convaincu du mensonge, Cordes se permet aussi de douter, à nouveau, comme pour s’assurer de la pertinence de ses raisonnements et de ses déductions. Un travail méticuleux pour un raisonnement construit à la rencontre des intéressés…

Une enquête qui se lit comme un roman

En parcourant l’histoire du Cerro Torre, on traverse l’histoire tout court, dans un passionnant récit entre monographie et enquête journalistique. Et comme dans tout bon roman noir, un personnage secondaire, Cesarino Fava, apparemment inoffensif, semble peu à peu jouer un rôle bien plus obscur que prévu. Surtout, Kelly Cordes a l’élégance de rappeler que, s’il est regrettable qu’une activité aussi « inutile » que l’escalade pâtisse du mensonge, le respect imposerait a minima que la sœur de Toni Egger, dernière descendante de l’alpiniste italien, puisse connaître les circonstances de la mort de son frère. Mais à 88 ans, Cesare Maestri refuse toujours de s’exprimer sur le sujet.

Le Cerro Torre. ©Kelly Cordes

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