Il a dix-neuf ans et vient de gravir son …treizième 8000. Alasdair McKenzie, franco-britannique basé à Tignes, n’a pas chômé. Après son premier 8000, le Lhotse, qu’il a atteint à l’âge de 17 ans, guidé par Nirmal Purja, Alasdair a enchaîné les 8000 comme d’autres les déconvenues électorales. Mais en plus rapide : Alasdair McKenzie a l’ambition de devenir le plus jeune au monde à gravir les quatorze 8000.
En avril, la Chine a interdit l’accès au Cho Oyu et au Shishapangma, au Tibet. Qu’à cela ne tienne : McKenzie s’est associé cette fois à la plus puissante agence népalaise, Seven Summit Treks, qui avait déjà l’ambition de tracer une nouvelle voie au Cho Oyu depuis le Népal. Car si le versant sud-est du Cho Oyu n’a été gravi que par Denis Urubko et Boris Dedeshko en 2009, la voie normale versant tibétain est globalement inaccessible depuis quatre ans. D’où l’intérêt financier, pour les agences népalaises, de tracer un itinéraire côté népalais.. et le proposer à leurs clients. Vendredi 7 juin, après une énorme journée de 17 heures, McKenzie et ses sept sherpas sont parvenus au sommet du Cho Oyu en bouclant la première de l’arête sud-sud-ouest.
Qu’en dire ? Que la grande ambition d’Alasdair McKenzie a rencontré celle du leader des sherpas, Gelje Sherpa, pour réussir ce qui est indubitablement une grande première sur un 8000. Gelje Sherpa n’est autre que l’un des seize népalais auteurs de la première hivernale du K2, et a tenté deux fois le Cho Oyu versant népalais, y compris en hiver. Autant dire qu’au-delà du business, Gelje Sherpa a plus que montré son intérêt pour cette voie.
Il aura fallu plusieurs expés et un bon nombre de tentatives pour y parvenir : le 30 mai, Gelje, Alasdair et les sherpas faisaient demi-tour à 7600 mètres, à court d’oxygène et de cordes fixes, vraisemblablement au début du « headwall », ce mur mixte qui constitue la dernière partie de l’arête SSO et en est la plus grande difficulté. Ce 7 juin a été le jour de la réussite. D’un coût élevé : sept sherpas pour un client, des grappes de cordes fixes et de bouteilles d’oxygène : le style est loin de celui d’Urubko, il y a quinze ans, et même de la première du Cho Oyu versant tibétain, par des Autrichiens qui en 1954 réussirent l’exploit de gravir le plus haut sommet jamais atteint sans oxygène supplémentaire.
La réussite au Cho Oyu a un coût élevé : sept sherpas pour un client, des grappes de cordes fixes et de bouteilles d’oxygène
À l’autre bout du Népal se déroulait une autre expédition, au Kangchenjunga, animée des mêmes ambitions. En l’occurence, celle de Nima Rinji Sherpa, qui veut lui aussi devenir le plus jeune au monde à gravir les 14×8000 m. Comme Alasdair, le jeune Népalais âgé de 18 ans avait douze sommets de plus de 8000 mètres… jusqu’à ce 8 juin, où il est parvenu au sommet du Kangchenjunga.
Nima Rinji est le fils de Tashi Lakpa Sherpa, l’un des quatre frères qui a fondé Seven Summit Treks, la plus grosse agence népalaise… qui organise l’expédition de son fils, mais aussi celle d’Alasdair au Cho Oyu. Vous suivez ? C’est Dallas, feuilleton vintage, version Kathmandou, où les puits de pétrole sont remplacés par la manne touristique, et où l’ambition, comme le budget, semble sans limite. C’est Amicalement vôtre sur les cimes himalayennes, où Alasdair jouerait le rôle de Roger Moore, et Nima, celui incarné par Tony Curtis.
C’est Amicalement vôtre sur les cimes himalayennes, où Alasdair jouerait le rôle de Roger Moore, et Nima, celui incarné par Tony Curtis
Fair-play, Nima a félicité Alasdair pour le Cho Oyu sur les réseaux sociaux. Mais qui va devenir le premier teenager à gravir les quatorze 8000 ? Réponse cet automne au Shishapangma, si la Chine en permet l’accès.
Et si la montagne le permet : la compétition entre les deux femmes voulant devenir la première américaine à gravir les quatorze 8000 l’année dernière avait tourné au drame, toutes deux emportées par des avalanches sur les pentes de leur dernier 8000, le Shisha. Une course aux 8000 qui semble dorénavant déclinable en records variés, le plus significatif étant sans doute celui, épuré, visé par Bartek Ziemski, qui vient de faire le Kangchenjunga, à skis et by fair means, et qui compte bien poursuivre ainsi.
