Souvent mentionnés, rarement racontés. Au mieux relayés au second rôle des expéditions en Himalaya, Karakoram inclus, les acteurs népalais et pakistanais restent les grands oubliés du récit de la haute altitude, à quelques exceptions près.
Voici l’histoire de l’exposition L’envers du Nanga Parbat, hommes de l’ombre à 8000 m, celle de tous ceux dont on ne parle que trop rarement. Qu’ils soient chauffeurs, porteurs, muletiers, cuisiniers, aides de camp ou porteurs d’altitude, tous sont autant d’acteurs essentiels à la réussite des expéditions commanditées sur les plus hautes montagnes du monde.
Entre deux plans filmés sur les pentes du géant du Karakoram pour le film Le dernier sommet réalisé par François Damilano, j’ai eu la chance de passer du temps avec les équipes hétéroclites de l’organisation, depuis tout en bas, sur les rives de l’Indus, jusqu’au sommet à 8126 m.
Si le contexte n’est pas aussi tumultueux qu’à l’Everest, le camp de base du Nanga Parbat connait une fréquentation record en cet été 2023. L’essor de « l’himalayisme commercial » déferle de plus en plus sur ce sommet jusqu’alors préservé, du fait de son isolement géographique, mais aussi de sa réputation de « montagne tueuse ». Une réputation toujours confirmée par les statistiques qui placent le Nanga Parbat en tête des 8000 les plus meurtriers. Pourtant, les « clients » européens, américains et de plus en plus souvent asiatiques, se pressent plus que jamais pour tenter de gravir ce sommet.
En plus d’une intention documentaire, format reportage, l’ambition (trop grande ?) de ce travail est de sortir du manichéisme ambiant. La posture cherchant à encenser sans nuance les Sherpas, me semble pour le moins naïve à l’heure de l’explosion du business des expéditions, avec tout ce que cela implique comme manœuvres de prises de marché et de réduction des coûts, pas toujours louables. Et que dire du très controversé Nirmal Purja qui rappelle, malgré lui, que les Sherpa ne sont pas irréprochables ? On entend encore trop de propos rappelant, de plus ou moins loin, la doctrine du « bon sauvage ». Mais la théorie de Rousseau a vécu.
l’ambition (trop grande ?) de ce travail
est de sortir du manichéisme ambiant
À l’inverse, jeter toutes les expéditions dites commerciales (ou tout simplement guidées) avec l’eau du bain himalayen, me semble toujours assez mesquin. Pour ce que j’ai vu, non pas de loin mais bien à 8000 m sur la montagne, un Sherpa en haute altitude n’est plus un simple porteur. C’est un guide. Sans médaille certes, et parfois loin des standards occidentaux ou de l’UIAGM (une cordée reliée par deux sangles est un classique là-haut), mais avec un réel savoir-faire d’accompagnement des clients.
Nier ces compétences acquises sur le terrain relève à mon avis soit de la méconnaissance, soit du mépris. Parfois des deux. Un guide vaut-il mieux à Chamonix qu’à Skardu ou Namche Bazar ? Quant au business de l’accompagnement en montagne, est-il acceptable uniquement dans les Alpes ?
Habitué à raconter l’actualité des expéditions en Himalaya via le prisme des alpinistes occidentaux, qu’ils ou elles soient clients aux 14 x 8000 ou athlètes de haut-niveau, je voulais raconter une autre histoire, celle des coulisses d’une expédition. Une histoire qui se joue le plus souvent dans une tente cuisine ou dans la file de porteurs, loin du peloton de tête. L’histoire des hommes de l’ombre de l’Himalaya*.
En espérant que les quelques photos proposées dans cet article vous donnent envie d’aller voir la quarantaine au total, exposées « en vrai » et en grand format, voici plusieurs dates d’exposition qui sont d’ores et déjà confirmées :
– 23 septembre au 08 octobre 2024 à Dijon, avec Les Écrans de l’aventure.
– 17 au 20 octobre 2024 à Albertville, avec Le Grand Bivouac.
– 23 octobre au 11 novembre 2024 à la Maison de la Montagne + Palais des Sports de Grenoble, Rencontres Ciné Montagne.
– 10 au 17 novembre 2024 à La Rochelle au Festival international du film et du livre d’Aventure.
*Aucune femme de l’ombre dans ce reportage, puisque qu’aucune femme de l’ombre sur l’expédition, comme souvent au Népal et encore plus au Pakistan.