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Whanganui : quand le Te Araroa prend l’eau…

LA NOUVELLE-ZÉLANDE PAS À PAS #4

Un canoë et le fleuve pour rencontrer ses habitants. ©Laurent Boiveau

Suite des aventures de Laurent Boiveau, en pleine traversée de la Nouvelle-Zélande. Encore un petit bout de plage à parcourir, et c’en est fini de la mer. Heureusement le Te Araroa a pensé à tout. Une bonne descente en canoë pour une courte coupure pédestre et garder le contact avec l’eau… Le Te Araroa est aussi une école de l’adaptation aux éléments.

Une île a une relation bien particulière avec l’eau, on ne saurait faire autrement. Qui plus est, la Nouvelle-Zélande a la réputation d’être (très) arrosée par des pluies qui viennent bien souvent de l’Ouest. La végétation environnante, d’une variété infinie de vert, incite à penser qu’il faut bien un jour ou l’autre que la pluie reprenne ses droits.

Mais ce n’est pas non plus cette eau qui intéresse le Te Araroa, même si dans certaines forêts, les trombes d’eau sont la marque d’une traversée réussie… Non, c’est la rivière Whanganui qui est le centre d’intérêt des cinq jours à venir. Même si elle ressemble à une rivière, c’est tout de même le troisième fleuve de Nouvelle-Zélande.

Les sacs sont rangés, les chaussures et les bâtons ont suivi le même itinéraire. Le dos, les pieds et les jambes font une pause bien méritée après 1200 km. C’est au tour des bras d’entrer en action. Bien qu’ils servent lorsque l’on utilise des bâtons, ils fondent à vue d’œil alors que les jambes se nouent un peu plus tous les jours. C’est avec un certain soulagement que l’on accueille cette pause. A voir si notre fessier acceptera d’être assis durant de nombreuses heures consécutives. Cinq jours où l’on scrute la météo en priant que le vent ne souffle pas trop de face. Illusion instantanée d’un surplace déprimant…

Que la pluie ne vienne pas non plus jouer les trouble-fêtes, autant l’éviter dans cette rivière encaissée. Une petite karakia (prière maorie) est offerte pour mettre toutes les chances de notre côté. De toutes façons, ça ne peut pas faire de mal, on ne sait jamais…

John Coull, on pourrait même ajouter : cool John Coull, tant son influence fût grande pour la création de cette aire préservée. Adepte des trois P : préserver, promouvoir, protéger, il n’aura plus qu’une seule idée en tête : élever cette rivière au rang du patrimoine néo-zélandais.

 

En avant sur les flots tranquilles de Whanganui. ©Laurent Boiveau

Faune fluviale

Vous avez l’impression d’être seul ? Ne vous y trompez pas, vous êtes observés. Les chèvres restent campées au bord de la rivière pour regarder passer ces étranges humains assis sur des embarcations multicolores. A quoi pensent-elles ? Cela restera un grand mystère. Les canards en nombre restent à bonne distance. Ce n’est pas parce que l’on partage le même cours d’eau que l’on est devenu amis. Les cormorans sont encore plus radicaux, ils disparaissent pour participer à de longues compétitions d’apnée. Impossible de savoir où ils vont réapparaître. Le courant nous pousse gentiment, laissons-les pêcher en toute tranquillité.

Seuls restent immobiles les troncs dénudés, reliques de crues que l’on imagine gigantesques, tant les arbres devaient être monumentaux avant de se retrouver amassés dans un mikado hors norme… Plus haut sur la rive, de jeunes pousses de fougère semblent vouloir se développer sans se soucier de ces ancêtres qui finissent leur vie à attendre la prochaine crue pour faire un bond significatif vers l’aval. Grumes que l’on retrouve échoués sur l’immense plage de sable noir , au sud de Whanganui. Certainement leur dernière demeure..

La rivière Whanganui permet de faire la jonction entre la montagne et la mer. Sa source prend naissance au lac Rotoiara, non loin du Tongariro, avant de se jeter dans la Mer de Tasmanie, au plus proche de la ville de… Whanganui. Cela donne un sens d’avoir un but tout au long de cette descente. Ce n’est pas comme le « Bridge to nowhere » qui lui, est la preuve palpable qu’il n’est pas toujours possible de plier la nature aux bons vouloirs des humains.

Le Bridge to nowhere, sorte d’aberration typiquement humaine. ©Laurent Boiveau

Sous le regard et la barbiche vigilants des hôtes du lieu. ©Laurent Boiveau

 Sur les traces de Tamatea

Cette descente est l’occasion de découvrir le Rauhi, cérémonie maorie. Complexe, chargée de rituels anciens elle se divise en deux temps. La partie la plus longue le soir et la seconde le matin. N’essayez pas de vous y soustraire, quand un Maori vous invite à être présent en lieu et en heure, vous vous y pliez instantanément. C’est tout de même un Maori.

Pour bien comprendre tout le protocole, il est préférable de réaliser cette descente et de vous rendre au Tieke Marae, Mikael s’occupera de tout. Mais le matin, il ne vous sera possible de quitter ce lieu qu’une fois le Pou entièrement expliqué. Il sera temps de se dire au revoir en effectuant deux fois un nez à nez (le hongi). Ne vous trompez pas certaines tribus ne le font qu’une fois…

Et puis, vous êtes tout de même sur les traces de Tamatea, le premier Maori à avoir exploré le fleuve et à le remonter jusqu’au lac Taupo lors de la migration vers de nouvelles terres. Je n’ose même pas imaginer le remonter, alors qu’il faut cinq jours bien remplis à la descente… Retour sur l’eau et ses quelques rapides. Le plus intrigant est le 50/50 (c’est son nom…), on comprend vite pourquoi. Mais il aurait été plus approprié de le nommer 100/0, car il n’existe en effet aucune chance que vous ne soyez qu’à moitié dans votre canoë…

 

Le long de la rivière, les gardiens locaux veillent. ©Laurent Boiveau

La rivière apparaît comme une autoroute en comparaison à la jungle toute proche. ©Laurent Boiveau

Marée montante

Pipiriki est là, le panneau l’annonce 1 km avant, difficile de le louper. Il faut abandonner les autres canoéistes et continuer le Te Araroa. Pour vous rappeler que « La vie n’est pas un long fleuve tranquille », une première risée de vent vient vous sortir de votre léthargie. Elle est vite oubliée, mais les suivantes se font plus rapprochées jusqu’à ne former qu’un front venteux. Le travail de galérien débute. Ramer coûte que coûte, il faut rejoindre le camp à quelques encablures. Le haut du corps en continuelle activité donne des signes de fatigue. Ne pas y penser pour se concentrer sur la direction la moins consommatrice en énergie. Les premières vaguelettes apparaissent, elles sont à contre-courant, de quoi vous occuper un certain temps. Fermer son esprit pour trouver un rythme et tenter de glisser vers l’aval. La berge semble à l’arrêt malgré les efforts, il faut laisser passer la bourrasque et profiter de la prochaine accalmie pour glisser un peu.

Hipango se laisse découvrir dans un virage après 47 km de descente, même si la déclivité est assez minime. C’est avec une grande joie que l’on aperçoit le débarcadère, le fessier semble tanné. Ne plus marcher était intéressant, mais si c’est pour finir par ne plus pouvoir s’assoir, il est à se demander si ce Te Araroa n’a pas été créé pour tester notre résistance. Un dernier coup de pagaie et Whanganui clôturera cette descente de cinq jours. Mais avant cela il faut se frotter à la marée. Si proche de l’altitude zéro, elle se fait ressentir même à 20 km de la première plage. Vous la couplez avec un bon vent de face et c’est une fin de descente majestueuse qui s’ouvre au traverseur.

On m’aurait menti ??? Selon certaines images d’Épinal, la Nouvelle-Zélande serait le pays des moutons. Dans l’île du Nord, on en voit un peu, c’est exact. Mais durant la descente de la Whanganui, en fin de parcours, je n’ai vu que chèvres, canards et oies en quantité industrielle… et quelques paons chantants en fin de journée. Donc, où sont ces satanés moutons ?

Dans l’île du Sud, mon capitaine !!! Allez, encore 341 km pour atteindre le bout de l’île du Nord.

Plus que 1650 km ;-).

Ka kite ano, Laurent