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Voir La liste 2 et le regretter

Instant ciné

«Les images de ski les plus dingues de tous les temps ». « Jérémie et Sam repoussent les limites du ski ». « Un film qui va marquer les esprits cet hiver » : les éloges pleuvent sur La Liste, Everything or Nothing , le film avec Jérémie Heitz et Sam Anthamatten, réalisé par Eric Crosland. Le fait est que la rumeur précède le visionnage : sans être sa suite, ce nouveau film est l’héritier de « La Liste », le film qui il y a cinq ans révélait Jérémie Heitz et sa façon incroyablement rapide et fluide de skier des pentes raides. Dans la Liste, là où les spécialistes mettaient de longues minutes et de nombreux virages à descendre une pente, le TGV Suisse la rayait en quelques dizaines de secondes et deux courbes : Jérémie Heitz redéfinissait effectivement l’art de skier en haute montagne, et comptait remettre le couvert pour son film suivant.

Je pensais être chanceux de voir La Liste 2 à Grenoble. Ce ne fut pas le cas. 

Comme trois mille autres personnes, je pensais être chanceux de voir la première française à Grenoble lors des Rencontres Ciné Montagne, avant que le film ne parte en tournée dans le reste du pays avec Montagne en scène. En guise de fin de festival, je me suis retrouvé avec un goût amer en bouche, et je n’étais pas le seul. Pourquoi ? N’avais-je pas vu ces images incroyables de Jérémie ou Sam dévalant les pentes d’une montagne inconnue, au Pakistan, séquences d’une grande beauté ? N’avais-je pas compris, que parfois, même les champions renoncent ? Et pourtant, même si cette Liste 2 est celle de Sam plutôt que celle de Jérémie, ce n’est pas le problème.

Jérémie Heitz et Sam Anthamatten au Pakistan, La Liste : everything or nothing. ©RedBull Media House

Ce n’est pas spoiler La liste : everything or nothing que de dire le malaise, pour ne pas dire le dégoût, que m’a inspiré le film. Attention spoiler. Au début de l’aventure, qui consiste à transposer le style de ski de Jérémie des sommets alpins sur des sommets de 6000 mètres, au Pérou puis au Pakistan, l’expédition se transforme en tragédie : Mika, le photographe de l’expédition, chute et se blesse gravement. Le dos est touché, le poumon perforé, il est à deux doigts de mourir. La suite montrera la gravité de l’accident : Mika ne peut plus marcher pendant des mois, il peine à remonter sur des skis (pour la séquence émotion en fin de film) et visiblement, ne sera plus jamais le même.

Malaise devant l’impudeur d’un film qui aurait dû s’achever sur le secours de Mika.

Quand vous mettez un couple sur le grill au milieu d’un film d’escalade, pour donner de l’épaisseur au film , comme Sanni avec Alex Honnold dans Free Solo, ça ne pose pas de problème tant que le grimpeur, pardon, le couple, ne finit pas par terre, éparpillé façon puzzle. Comme Mika dans La Liste : everything or nothing. Quand vous mettez ce gars en fauteuil roulant au milieu, peut-être fallait-il s’abstenir d’en faire un « personnage » du film, qui déclare à la fin que cela n’en valait pas la peine. On s’en doutait.

Mais comme le titre l’affirme, c’est tout ou rien. Comme on ne peut pas renoncer à l’argent en jeu (le rien du titre), alors c’est tout : l’impudeur, le malaise devant ces deux gars surdoués mais candides, à tout le moins, de jouer cette partition jusqu’au bout, parce que the show must go on. Malaise devant ce film RedBull, sponsor entretenant les jeux du cirque de la Rampage, du gros vélo qui a laissé sa part de blessés graves sur le carreau. Une sale habitude.