Envie d’envisager la photo différemment ? De prendre le temps ? De changer votre façon de photographier ? Pour qui est équipé en Sony Alpha, les objectifs à mise au point manuelle sont très intéressants. Et pour une fraction du budget équivalent en autofocus ! Vieilles de quarante ans ou plus, les optiques Minolta Rokkor sont une vraie belle opportunité. Voici le test au long cours des Minolta 45mm f/2, 55mm f/1.7 et 135mm f/2.8 sur Sony A7.
Depuis ma conversion de Nikon vers le système sans miroir Sony Alpha d’abord avec un Sony A7II puis avec un Sony A7III (lire mon Test 6 mois avec l’A7III), et désormais A7RIII et A7IV, j’utilise en complément des objectifs Sony des vieilles optiques manuelles Minolta – entre autres. Vieilles, c’est le mot puisque les optiques dont on parle ici ont été fabriquées pour la plupart il y a plus de 40 ans. À condition d’accepter de shooter en manuel et sans autofocus ces objectifs Minolta permettre de retrouver les sensations différentes en photographie, et surtout d’obtenir de bons résultats grâce a ses optiques relativement bons marchés. Bon résultats obtenus grâce aux béquilles numériques d’assistance à la mise au point particulièrement performante sur Sony A7 – on y reviendra.
Pourquoi shooter en manuel sur Sony alpha ?
Commençons par l’argument économique : une optique Minolta comme le MD 135 mm f2.8 vaut sur le marché de l’occasion le dixième de l’équivalent optique moderne Sony avec autofocus. Bien sûr les prix ont augmenté sur le marché de l’occasion mais il reste des affaires à faire avec des optiques qualitatives et ridiculement peu chères comme le 28mm, le 45 mm ou même le 55mm. Le tout fonctionne avec une bague adaptatrice Sony (Nex)-Minolta, pour quelques dizaines d’euros en sus.
Continuons. L’argument artistique : si la photo était une activité rationnelle uniquement ce ne serait pas de la photo. Il y a à la fois le plaisir de redécouvrir la photo en ce qui me concerne et également celui de redécouvrir la photographie version manuelle. Cela se tient si on trouve des optiques qualitatives comme ces objectifs Minolta Rokkor des années 60 au début des années 80. Ces optiques dénuées de tout autofocus sont compactes, souvent de fabrication soignées (même pour celles en plastique). Elles sont surtout capables de produire des images de très bonne facture, d’autant que la stabilisation interne des Sony A7 permet de se passer de la stabilisation sur les objectifs – ce que les fabricants tiers d’optiques Sony ont parfaitement compris.
Revenons à ces Minolta old school : j’ai vite remarqué la coloration un peu vintage, même en RAW (et donc modifiable), qui identifie les Minolta Rokkor quand vous les balancez dans votre lightroom. On va dire que par défaut, l’image est plus « chaude » que les Sony équivalents. En ouvrant le diaphragme au max, on obtient le « bokeh » (flou) qui fait tant baver les photographes, un bokeh qui d’habitude grève le budget et qui engendre l’envie de créer des photos différentes. Mais pas seulement ! Le Minolta MD 135mm f2.8 est un vrai bon téléobjectif, avec lequel on peut shooter paysages, animaux et même action en montagne à condition de se simplifier la tâche rayon mise au point.
Dernier point : on peut parfaitement utiliser ces optiques Minolta avec une bague sur les APS-C Sony type A6300, A6500, A6600.
Chine. Sony A7III et Minolta MD 45mm f:2, 1/8000s, 400 iso. ©Jocelyn Chavy.
Chine. Sony A7III et Minolta MD 45mm, f:2, 1/800s, 400 iso. ©Jocelyn Chavy.
Comment shooter en manuel avec le Sony A7III, A7RIII ?
Il s’agit de se faciliter la vie ! Bien sûr, vous pouvez faire une mise au point (MAP) à la louche en à f/16 sur l’infini sur le Minolta 45mm, tout sera en principe net. En principe seulement, l’infini n’étant pas toujours calé sur l’infini… Mieux vaut donc s’y mettre : plongez vous dans le manuel de votre Sony A7, en fonction des générations (ou mises à jour) différentes aides sont possibles, des fonctions à l’origine pensées pour la vidéo (où l’on privilégie souvent le mode manuel) mais qui s’avèrent super pratiques pour la photo.. sans autofocus.
Sony propose plusieurs aides distinctes : en mode manuel, l’EVF (viseur électronique) va faire un aller-retour grossissant sur votre sujet, ce passage rapide en loupe permet de voir votre MAP. Secundo, le focus peaking : cela revient à illuminer la zone de netteté en couleur (blanc, jaune, ou rouge, à choisir) et donc à savoir si vous êtes dans le net ou pas sur votre sujet. Il faut de la pratique et concéder le fait qu’un sujet mobile, a priori rapide, sera compliqué. Mais on peut se faciliter la MAP : par exemple en prenant un point de repère (arbre, poteau, etc), où l’on sait qu’en shootant en rafale on aura plusieurs images potentiellement nettes. c’est la méthode que j’ai utilisé pour réussir la photo de trail urbain à Lyon ci-dessous. Plus simple, choisir un sujet qui est mobile mais qui évolue parallèlement à soi. Pour les sujets classiques, ou la street photographie, ce sera l’entraînement et le temps passé qui permettent de « sortir » une belle image.
Antoine Moineville. Sony A7II et Minolta MD 45mm f/2, 1/800s, 800 iso. © Jocelyn Chavy
Rokkor style
Sans doute est-il aberrant pour certains de se passer des dernières évolutions technologiques chez Sony telles que l’Eye-Autofocus (ou Eye-AF), qui permet de faire la MAP sur l’oeil d’un humain (ou d’un animal, mais pas de tous !). Il ne s’agit pas de renoncer à ces merveilles high tech : j’ai plaisir à utiliser l’Eye -AF sur mon Sony 24-105mm pour un maximum d’efficacité sur certains shootings, particulièrement en portrait, ou tout simplement et uniquement le puissant AF en photo de ski, c’est déjà bien assez dur comme ça ! Néanmoins, quand j’ai pu prendre le temps d’utiliser ces optiques Minolta, cela m’a vraiment beaucoup apporté, sur le plan personnel et sur le plan photographique.
Bien sûr, en face d’Alex Honnold, je me suis demandé si je ne devais pas claquer une photo avec le Sony 24-70mm qui était à l’époque (2017) l’une de mes deux seules optiques Sony natives (et AF). Mais j’avais commencé à fouiller les recoins du net pour dénicher le Minolta Rokkor MD 45mm f/2… et je décidais de l’utiliser, en prenant soin de repérer le spot, la distance potentielle entre lui et moi, avant de l’appeler pour le shooter. Et je ne l’ai pas regretté. Minolta a produit une longue liste d’objectifs Rokkor, ce qui a conduit bien d’autres photographes à s’intéresser à ces vieilles optiques. Voici celles avec lesquelles j’ai shooté.
Minolta 45 mm f/2
Attention, OVNI ! Chez les fanatiques d’optiques Minolta Rokkor, et il y en a, les optiques standart les plus prisées sont le 50mm f/1.2, 50mm f/1.4 et le 55mm f/1.7 (on y viendra). Il existe aussi un 58mm f/1.2. Mais comme le 50mm, il est très recherché et cher en occasion, de belles optiques tout métal et verre. Le Minolta MD 45mm f/2 est un pancake (objectif tout petit), en plastique. Il n’a pas la noblesse de ses cousins, mais c’est la seconde optique Rokkor (après le 135mm) que j’ai dénichée, et c’est sans doute ma préférée. Avec la bague adaptatrice, l’objectif reste franchement compact et léger, c’est un plaisir à utiliser. Surtout, cette optique cheap produit de très bons résultats, largement supérieurs, par exemple, au Sony 50mm f/1.8. Discret, ce 45mm se fait oublier. Et les images sont à la hauteur, que demander de plus ? Pour ceux qui se demandent ce que change un 45mm par rapport à un 50mm, et bien pas grand-chose. Et le 45mm revient à la mode : Samyang en a sorti un fin 2019, qui a rejoint mon sac (test à venir), avec AF cette fois.
Minolta Rokkor MD 45mm f/2 ©JC
Bouquetins, Cerces. Sony A7III et Minolta MD 135mm f/2.8, 1/4000s, 400 iso. © Jocelyn Chavy
Agneaux, 3664 m. Sony A7II et Minolta MD 135mm f/2.8, 1/4000s, 500 iso. © Jocelyn Chavy
Minolta 55 mm f/1.7
Difficile de s’y retrouver dans les 50mm. Outre les Minolta Rokkor, si vous aimez les optiques manuelles, des dizaines de fabricants proposent des optiques autour de 50mm. Mais dans les série Rokkor ce Minolta MC 55mm f/1.7 a du chien : construction tout métal, bague franchement fluide à la préhension crantée, très agréable (comme les Voigtlander actuels). Bref, ce 55mm, c’est du plaisir. Alors pourquoi fais-je moins de photos avec ? peut-être parce que j’aime beaucoup le 45mm, plus léger quand il s’agit de l’emmener en montagne. Ceci dit, ce 55mm f/1.7 est sans doute une belle et originale alternative au Sony Zeiss 55mm certes autofocus mais au prix (très) élevé. Voilà déjà une bonne raison d’économiser et de se pencher sur cette optique attachante, vraiment capable de produire un bokeh de folie (cf exemple floral n°1).
[MÀJ Mai 2020] Pour être plus complet sur cette optique à laquelle j’ai longtemps préféré sa petite soeur en 45mm, ce 55mm donne a du bon et du moins bon comme toute optique qui a quarante ans (au moins) et coûte dix fois moins cher qu’un Sigma Art. Côté moins bon, et c’est évidemment le point faible de ces vieilles optiques : une résistance faible au flare, cet halo produit quand on vise directement la lumière OU que celle-ci entre dans le champ de l’optique. C’est là où cela devient incontrôlable, car à un degré d’angle près de l’appareil photo, le résultat ira du sublime à la poubelle. Vous aurez sans doute remarqué que les images backlight sont à la mode : en l’occurence même si elles ne sont pas faciles à réaliser avec ce 55mm vintage l’exemple foral n°2 (en bas à droite) vous donnera une meilleure idée des possibilités de ce Minolta 55mm 1.7. Surtout, à l’usage, je ne saurais trop vous conseiller de travailler à 2.8 plutôt qu’à 1.7 sur cette optique : d’une part la zone de netteté est quand même plus facile à identifier. D’autre part, et c’est là un (petit) secret révélé, le flare et les lumières backlight sont bien plus faciles à maîtriser en fermant un peu le diaphragme, soit f2.8. Enfin, c’est bel objo pour le portrait.
Minolta Rokkor MC 55mm f/1.7 ©JC
Hautes-Alpes. Sony A7III et Minolta MC 55mm f/1.7, 1/500s, 400 iso. © Jocelyn Chavy
Trail urbain à Lyon. Sony A7II et Minolta MD 135mm f/2.8, 1/800s, 400 iso. © Jocelyn Chavy
Sony A7III et Minolta MC 55mm utilisé à 2.8, 1/500s, 100 iso. © Jocelyn Chavy
Hautes-Alpes. Sony A7III et Minolta MC 55mm utilisé à 2.8, 100 iso. © Jocelyn Chavy
Minolta 135 mm f/2.8
Minolta a produit une longue liste de 135 mm des années 60 à 1981. Trois modèles existent sur le marché avec trois ouvertures maximales différentes : le 135mm f/2 (le plus cher en occasion), le 135mm f/2.8 (celui que j’ai), et le 135mm f/3.5 J’ai quant à moi beaucoup utilisé, et j’utilise encore le f/2.8. avec plaisir. C’est un objectif solide qui intègre un pare soleil et dont l’ouverture permet de travailler dans des conditions de lumière relativement délicates. Il n’est pas sépcialement léger, mais il est par contre très compact pour un 135mm aussi lumineux. Les images que cette optique est capable de produire sont très piquées, et ce télé s’avère également pratique en photo de paysage. Aucun souci pour shooter les bouquetins dans les Cerces avec le focus peaking : à f/2.8 ou f/4 pour plus de netteté, les animaux se détachent parfaitement de l’arrière plan et la netteté est facile à obtenir. Pour les paysages il vaut mieux fermer le diaphgrame histoire d’avoir un peu de marge. La photo du Fuji a été prise dans un train japonais à grande vitesse : j’étais stable mais pour éviter les nombreux obstacles devant le Fuji il vallait mieux avoir une grande vitesse d’obturation. Le Minolta MD 135mm f/2.8 est sans doute un télé exigeant comme toute optique fixe, mais avec de très bons résultats.
Minolta Rokkor MD 135mm f/2.8 ©JC
Mont Fuji, 3776 m. Sony A7III et Minolta MD 135mm f/2.8, 1/5000s, 400 iso. © Jocelyn Chavy
Confinement. No crop. Sony A7III, Minolta MD 45mm f/2.8, bagues Macro Meike MK-S-AF3A. © Jocelyn Chavy
Conclusion
L’année dernière, j’ai cherché et fini par commander un Minolta MC Rokkor 100 mm f/2.5. Je voulais essayer une optique proche du portrait, mais le Minolta 85 mm f/1.7 est surcoté sur le marché de l’occasion. La version MC du 100 mm, comme sur le 55 mm a cette construction tout métal avec la bague de mise au point crantée si agréable. Hélas, après quelques essais, et malgré un état cosmétique irréprochable, le verdict était sans appel : cette optique était décentrée (impossible d’obtenir une quelconque plage de netteté) et je la renvoyais au vendeur. C’est la première fois qu’une optique Minolta me decevait, mais sans doute le fait d’acheter des optiques anciennes comporte un certain risque, et cela ne m’a pas dissuadé de chercher un autre 100mm Minolta. Pourquoi ? Sans doute pour ce « toucher » photo qui fait craquer certains pour Leica.. mais pas seulement. Les Minolta Rokkor sont capables de produire de très bonnes images, à condition de prendre (un peu) plus de temps. D’ailleurs, vous pouvez aussi monter les optiques Minolta sur d’autres boîtiers mirrorless comme les Fuji et une bague adaptée. Et comme l’époque est au ralentissement, voilà sans doute une bonne raison d’essayer les optiques manuelles, Minolta ou autres, sur votre appareil photo sans miroir.
Sony A7III, bague KF adaptatrice, Minolta Rokkor MD 45mm f/2 ©J. Chavy