Il fait partie de la relève des photographes qui, saison après saison, arpentent le massif du Mont-Blanc pour le magnifier sur des tirages en noir et blanc. Jérôme Obiols est l’un des photographes de montagne à l’honneur du Chamonix Photo Festival, dont la deuxième édition a vu un beau succès de fréquentation. L’occasion était belle de parler avec Jérôme de son parcours d’alpiniste amateur devenu photographe pro, et passionné, auteur d’un beau livre sur le Mont-Blanc.
Comment as-tu découvert la haute montagne ?
Jérôme Obiols : C’est la photo qui m’a amené à la montagne. Je faisais de la photographie à Paris avant de découvrir les Alpes en en 1998. Je suis venu à Chamonix avec des amis, c’était la nuit, je n’ai rien vu. Et le matin, en ouvrant les fenêtres sur la terrasse, j’ai vu les aiguilles de Chamonix. J’ai vu l’aiguille Verte. Ça a été vraiment un choc visuel pour moi. J’avais déjà un réflexe argentique à l’époque, je faisais déjà de la photo. C’est à ce moment-là que je me suis dit: Il faut que je revienne. Ensuite, j’ai vite eu envie d’aller un peu plus loin que les sentiers de randonnée. J’ai commencé l’alpinisme avec l’UCPA à Argentière. J’ai gravi l’aiguille du Tour, mon premier sommet, j’étais très fier.
J’ai encore le souvenir du moment où les crampons mordent sur la neige et des petits morceaux de glace qui se détachent, ce son de petite cascade qui glisse sur la neige dure, avec le soleil qui se lève. Ça marque une vie. C’était en 2002. Ensuite, la décennie qui a suivi, j’ai essayé de progresser. Avec des copains, et des guides, parfois, pour progresser, et aller un petit peu au-delà de ce que j’aurais fait moi-même. J’ai quand même pu faire des courses super sympas, comme la traversée des Courtes, la traversée de la Meije, et puis l’arête sud de la Noire.
Et la photo ?
Jérôme Obiols : j’étais photographe avant la montagne et je voulais photographier les grands sommets que j’avais vus pendant mes courses d’alpinisme. Parce que quand je faisais de l’alpinisme, je n’allais pas avec… J’avais un petit appareil compact de 5 mégapixels à l’époque. Je ramenais des souvenirs, mais ce n’était pas de la photographie professionnelle. Je voulais des photos, des beaux sommets, parce que j’aimais bien regarder les voies aussi sur les sommets, regarder les glaciers, puis me documenter sur l’histoire des sommets, celle de l’alpinisme.
Je n’aime pas photographier une scène sans savoir ce que je photographie.
À Chamonix tu as beaucoup de grands photographes qui ont fait l’histoire de la photographie alpine. Je pense à Couttet, aux Tairraz, à Mario Colonel. Et moi, je m’inscris quelque part un petit peu dans le prolongement de cette lignée de photographes. Je veux aussi apporter ma part personnelle. D’où le noir et blanc.

©Jérôme Obiols
Pourquoi la photo en noir et blanc ?
Je suis beaucoup attaché au noir et blanc parce que quand j’ai démarré en photo, je faisais la photo urbaine à Paris. J’étais étudiant, j’adorais Willy Ronis, Robert Doisneau, photographier en noir et blanc coulait de source. Le noir et blanc, c’est rendre hommage à toute cette génération de photographes au long du XXᵉ siècle qui a photographié en noir et blanc.
Je pense en particulier aux Tairraz. Et quand on regarde une photo en noir et blanc, c’est plus difficile à dater. Après, quand on regarde un grand tirage numérique, on va s’apercevoir, quand on a un œil aiguisé, que la photo est récente, numérique, ou quand on regarde les glaciers qui ont évolué. Mais le noir et blanc donne un caractère intemporel à la haute montagne.
En même temps, figer la décennie 2020, c’est aussi arrêter le temps, coucher les montagnes sur le papier. Parce que la photographie, c’est écrire avec la lumière. Je ne sais pas, peut-être que dans 50 ans, on se dira : tiens, le glacier des Bossons, en 2024, il était comme ça. Depuis cette année, au milieu des glaciers des Bossons, il y a un œil qui est en train de se former. Un trou dû à la fonte des glaciers.
Un moment, un endroit préféré pour la photo dans le massif du Mont-Blanc ?
Jérôme Obiols : C’était en 2014. Je suis monté avec ma femme et un copain, on devait gravir l’aiguille du Moine. Je me suis fait mal à la montée et j’ai pas pu aller au Moine. Je suis allé à la rimaye avec mes compagnons, et j’ai passé la journée au pied du Moine. Sur le plus beau belvédère du massif du Mont Blanc. On est à environ 3 000 mètres d’altitude, on voit la mer de glace avec toutes les bandes de Forbes, on voit tout la versant est du mont Blanc et je suis resté là à contempler. C’est un souvenir très, très fort.
Je suis retourné au Couvercle un peu après, cette fois-ci avec mon matos photo et j’ai fait une photo qui qui est devenue un peu célèbre. C’est une photo de voie lactée qui est au-dessus du Mont Blanc et dans le prolongement de la mer de Glace. C’était un bon moment parce que je me revois, on s’est levé vers 23h00 minuit avec les alpinistes qui montaient à la Verte et on a fait un bout de chemin ensemble. Après, on s’est arrêté et on a passé la nuit à faire des photos. C’était incroyable. Pour moi, c’est une grosse émotion parce qu’au lieu de partir en course, je partais photographier. En mission.
Le Couvercle, c’est le cœur du massif du Mont Blanc. Pour moi, c’est un joyau parce qu’il ne se voit pas de Chamonix, il ne se voit pas si on n’y va pas.