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Réflexions astro-ronchon : nombril, étoile et grande échelle

Attention : édito constitué à 99% de mauvaise humeur, très contagieuse. A lire avec précaution.

L‘autre soir sur mon balcon, j’étais un peu énervé. Un peu. Pas trop non plus. Le fait d’avoir un balcon devait déjà être un motif d’apaisement, à l’heure où l’espace nous manque.
Un peu énervé donc, parce qu’incapable de trouver le point de netteté, entre le flou du trop près et le trop petit du très loin. Dans quel état j’erre ? Je ne savais plus à quelle échelle me vouer. Je m’explique.

Microscope

D’un côté, le plus malin qui soit, le king de l’omniprésent, j’ai nommé le petit ! L’écume des jours en quelque sorte, qui prête parfois à sourir mais qui embourbe dans l’anecdotique et l’insignifiant, quand il est pris à dose quotidienne. Untel a réalisé telle distance sur son tapis de course de salon, un exploit incontournable. Une autre est en pleine perdition publique car elle ne retrouvera pas sa forme olympique pour l’été, pauvre Darling. Montre-moi comment tu gaines, je te dirai combien j’te like. Et ces deux là, des champions, nous expliquent, encore le 12 avril 2020, comment vivre du voyage 24/24, 7/7 et sans bosser, à grands coups de posts sponsorisés sur Instagram. #alloquoi

Avec Me, Myself and I, c’est Moi-Je pour sujet unique. Le nombril pour seul organe. Quelle voix !
Et cette alerte enlèvement qui résonne : l’humilité a disparu. Elle était vêtue des oripeaux de la modestie, du partage et de l’ouverture. Si vous la voyez, intervenez !
A croire que le confinement est tout sauf un temps de prise de recul. Ah ça on s’observe… et au microscope ! « Je m’énerve pas, j’explique ».

8,6 années-lumières,
Vertige. Hauteur. Recul.

Interlude inter-stellaire

Alors, de mon balcon toujours, je me dis qu’il faut prendre de la hauteur, tenter de s’élever pour considérer la situation d’un œil plus sage et apaisé. Dans l’axe, je vois Sirius (oui bon, j’ai une appli). Je me renseigne : cette belle bête, étoile la plus brillante après le soleil, est située rien moins qu’à 8,6 années-lumières. Rappelons que la lumière file à près de 300 000km/s. Pas tout près donc. Vertige. Hauteur. Recul.

Plus fort encore : ce petit point blanc sur la peau du ciel mesure en réalité 1,2 millions de kilomètres de rayon. A titre de comparaison, la Terre présente un ridicule rayon de 6000 km. Que dalle. Peanuts. Keutchi. Big Sirius gagne par KO.

Enfin, à la surface du géant des confins, il fait entre 10 000 et 24 000 degrés celcius. Tu parles d’un réchauffement climatique. Dès lors, je me dis que l’on n’est pas si mal ici. Qu’il est bon de relativiser. Que l’infiniment grand transforme nos problèmes en infiniment petit. Je remercie tout haut Sirius, non sans ignorer que mes quelques mots devraient l’atteindre, à la vitesse du son donc (340m/s), d’ici quelques millénaires. Mais en attendant ? « Je m’énerve pas »…

Théorie de la relativité

Sympa les considérations astrophysiques, le temps d’une douce soirée printanière. Mais le lendemain matin, force est de constater qu’il est difficile de conserver cette noble prise de hauteur, en apesanteur, au moment de revenir aux tâches quotidiennes. Aurélien Barrau sors de ce corps !
Alors j’imagine une vérité ailleurs, loin des extrêmes, des excès de l’infiniment petit qui occulte et de l’infiniment grand qui satellise. J’ai trouvé ! L’échelle intermédiaire et l’info nationale !

89,9 FM. Sur France Pinder, j’apprends qu’une vague migratoire a lieu et que la plupart des exilés parviennent à bon port. Enfin les frontières s’ouvrent ! Que nenni. Ces clandestins ne sont que des vacanciers rejoignant, illégalement certes, leurs résidences secondaires, de St Gervais à Val d’Isère en passant par Châtel et le Calvados. Mais que fait la PAF, d’habitude si efficace avec les migrants ? Pendant ce temps-là, le département du Nord connait des températures de plus de 10 degrés supérieures aux normales saisonnières. Et les agriculteurs manquent de main d’oeuvre pour produire à manger pour nous tous, tandis que la préoccupation numéro 1 du consommateur confiné reste bloquée au rayon papier toilette. « Je m’énerve toujours pas, j’explique ».

Autofocus

A ce moment là, ça fait longtemps que j’aurais dû amorcer une chute à ce papier, pour quitter la mauvaise humeur et finir sur une note joyeuse. Malheureusement, ami lecteur, je n’en ai pas. Je butte sur la mise au point, fatigué par ces jeux d’échelle. Autofocus en rade. Je m’ébroue entre loupe et télescope.
En guise de salut, un philosophe me vient à l’esprit, et son oeuvre intitulée La bonne humeur justement :
« Qu’est ce qu’on a fait des tuyaux, des lances et d’la grande échelle ? »
Bonne semaine, infiniment.