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Plaidoyer pour la « balade glacier »

Tour de rôle du bureau des guides lors d’une belle soirée d’été : les « billettes », c’est-à-dire les courses vendues pour les prochains jours, sont distribuées selon un système d’équité centenaire entre les guides disponibles. « Qui prend la balade glacier ? », lance la secrétaire à la cantonade. Les professionnels regardent leurs chaussures… Cette journée échoira -échouera- à un jeune premier de 68 printemps, bien content de pouvoir travailler sans maltraiter ses genoux usés par les années de service. 

En randonnée sur le glacier de la Girose, dans les Ecrins. ©Jocelyn Chavy

Mais au fait, qu’est-ce que la balade glacier ? Point de vue du client : la grande aventure ! Je vais chausser ces drôles de machins qu’on appelle des crampons, tenter de ne pas déchirer mon pantalon avec, enfiler un baudrier (dans quel sens ?), prendre en main le piolet (mais pourquoi on ne le tient pas par le manche ?) et surtout m’approcher des crevasses alors qu’on m’a toujours dit que c’était très dangereux (c’est solide, ce bout de ficelle ? Si je tombe, le guide il est assez costaud pour me tenir ?). 

Point de vue du guide : une belle journée perdue à promener des « pimpins » en short et Ray-Ban, qui vont être fatigués au bout de vingt minutes, poser des questions idiotes et avec un peu de malchance esquinter ma corde avec leurs crampons. 

 il faut reconnaître que la balade glacier
n’a pas la meilleure presse dans nos massifs

Toute ressemblance avec des situations réelles étant bien évidemment fortuite, il faut reconnaître que la balade glacier n’a pas la meilleure presse dans nos massifs. En Islande, marcher sur les glaciers est un produit phare : il faut réserver des mois à l’avance (et payer assez cher) pour avoir le privilège de chausser des 10 pointes old school et prendre pied sur ces géants au noms imprononçables.

En France, il faut d’abord pousser la porte d’un bureau des guides, louer le matériel, prendre une remontée mécanique… d’où un double écueil : à la fois la balade glacier est peu mise en valeur dans les bureaux et les compagnies, mais aussi le client potentiel (ma mère et ses soixante-dix ans) n’a pas toujours le capital culturel pour imaginer que dans un bureau des guides -où, c’est bien connu, ne rentre que la crème des sportifs- il pourra trouver une offre qui lui est tout particulièrement dédiée ! 

pour redorer le blason
de la balade glacier

D’où ce petit plaidoyer pour redorer le blason de la balade glacier : cette journée où le guide pourra donner le meilleur de lui-même dans son rôle pédagogique de « passeur ».
Celle où il pourra parler très concrètement des effets du changement climatique qui revient encore plus en boomerang par ces chaleurs exceptionnelles.
Celle, enfin, où peut-être les « pimpins » d’un jour seront les meilleurs clients de demain, ceux avec qui on partagera les joies des plus belles courses !