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La ligne molle

Slacklife !

Anthony Newton, Natural Games. ©Jocelyn Chavy

Se replier sur soi, concentrer son attention, maîtriser ses émotions, trouver la confiance et se dresser. Se dresser et dominer la ligne qui oscille, qui vibre, qui résonne. Cette ligne qui vit à sa manière, qui se rebelle sous l’effet de notre poids. « Slack » mot anglais signifiant mou, lâche ou encore relâché, tranquille, consciencieux. Incroyable ce qu’un seul mot – anglais – peut traduire à lui seul tout un univers. Ici celui de la Slackline. Une chance que des grimpeurs américains ayant du -mauvais – temps à tuer, aient été à l’origine de cette discipline. Comment l’aurions-nous appelé en français si son invention nous avait incombé ? Sangle lâche, Ligne molle. La belle affaire à promouvoir ensuite ! Inutile de lutter, nous sommes battus sur toute la ligne. A ce petit jeu, la langue de Molière manque de ressort. Le flegme anglais était tout désigné pour jouer les équilibristes sur le fil du mot Slack. Pragmatique. Voyez un peu : le terme illustre à la fois les caractéristiques du dispositif – mou, lâche – et les aptitudes requises pour l’équilibriste qui souhaiterait s’en affranchir – relâché, tranquille, consciencieux.  

La slackline s’est invitée dans l’univers des sports outdoor – encore un anglicisme imparable. COMME UN FIL TENDU ENTRE LES PRATIQUES.

La slackline s’est invitée dans l’univers des sports outdoor – encore un anglicisme imparable. Comme un fil tendu entre les pratiques – escalade, marche, funambulisme, méditation – et les environnements – du parc urbain à la haute montagne. Super lâche, super longue, aérienne, aquatique, acrobatique, initiatique, la slackline se décline en styles, à l’envie. L’écriture également ! Risquons-nous à une allégorie. Evoluer sur une slackline n’est pas sans rappeler l’écriture ; cette gymnastique de l’esprit – du corps aussi dirons certains. Une histoire de ligne quelque part. Une ligne sur laquelle il faut se lancer. Se mettre dans sa bulle, rebondir sur une idée, surfer sur le contexte, trouver le rythme, le staccato du mot à mot qui fait écho au pas à pas. Faire s’enchaîner les mots comme on enchaînerait les pas. Traduire ses pensées en avançant à pas feutrés, s’autoriser un court repos, relancer, se risquer à une acrobatie. Ne pas s’effrayer du demi-tour et parcourir la ligne encore, la relire, la travailler, la maîtriser. Dans les deux cas, gare au pas de côté, la chute guette, oh combien déterminante. La chute justement, à ce stade du texte il faudrait y songer, mais la confiance est là désormais, qui invite à enchaîner, sentiment de légèreté, équilibre.

L’écriture et l’équilibrisme renvoient sans cesse à la ligne. Ligne de fuite, point de chute, point final.