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Il faut sauver le glacier de la Girose

À un moment, il faut savoir s’arrêter. Oui aux remontées existantes, non à leur extension. Prévue pour cette année, la construction du troisième tronçon du téléphérique de la Grave, qui doit remplacer le vieux téléski actuel, ne sera rien de moins qu’une nouvelle remontée mécanique d’ampleur, avec une nouvelle gare d’arrivée à 3600 mètres, le tout sur l’un des plus grands glaciers des Alpes du sud, à un jet de caillou du Parc National des Écrins – qui s’interroge, à tout le moins, sur la pertinence de ce T3. Le nouveau téléphérique de la Grave va coûter quatre millions d’euros d’argent public – sur un budget total de douze millions. Le nouveau téléphérique fera gagner moins de 400 mètres de dénivelé. 

Le téléphérique actuel de la Grave est une richesse, mais n’allons pas plus haut.

J’ai raconté ici à quel point l’entretien d’une piste sur glacier consiste à l’entretenir été comme hiver -et à défigurer le glacier. On m’a répondu : oui, mais avec le T3, ce sera sans la pelleteuse. Le pylône et les câbles vont de toute façon dénaturer un paysage unique, là où le téléski donnait l’illusion d’un aménagement a minima. L’établissement du T3 transformera le glacier, et le paysage, en disneyland, avec son gros pylône au milieu. Et comme le pointe le collectif La Grave Autrement qui organise une collecte pour un projet alternatif, le risque est grand de voir les 2 Alpes être connectés à la Grave – ce qui achèvera de coloniser le glacier, en sus des problèmes de responsabilité puisque la Grave n’est pas une « station » (pas de PIDA, etc).

Le téléphérique actuel est une richesse, mais n’allons pas plus haut. Réaménager la gare d’arrivée actuelle à 3200 mètres pour y ajouter un centre de ressources, avec formations alpinisme et ski de randonnée, et pourquoi pas un refuge, serait sans doute une merveilleuse opportunité.

Le public actuel de la Grave – enfin disons, de passionnés – a sûrement une paire de skis avec des fixations de rando depuis cet hiver : les grands itinéraires hors-piste sauvages de la Grave ne demanderont que trente minutes à une heure de plus pour être atteints – ce qui donnera encore plus de boulot aux professionnels.

Le vrai sujet, ce n’est pas un téléphérique de plus, c’est l’avenir de nos montagnes.

Préparation de la piste actuelle sur le glacier de la Girose en septembre dernier. ©JC

Le vendredi 9 avril, le tribunal administratif de Grenoble a partiellement suspendu les projets d’extension de domaines skiables de Maurienne. Parmi les projets d’extension mis en suspens, deux consistaient à relier les domaines skiables entre eux : entre Valfréjus et Valmeinier, et un entre les Karellis et Albiez. Les deux autres projets retoqués par le tribunal administratif prévoyaient l’extension des domaines skiables d’Aussois et de Val-Cenis. « Pourquoi agrandir des domaines skiables dans des endroits où il n’y aura plus de neige dans dix ans ? » s’étaient interrogées France Nature Environnement et Valloire Nature et Avenir, les deux associations qui ont saisi le tribunal en référé*.

On pourrait s’interroger de la même façon : pourquoi coloniser et équiper à demeure l’un des derniers grands glaciers des Alpes, la Girose, alors qu’un téléphérique permet déjà d’en atteindre sans peine les rives  ?

pourquoi coloniser l’un des derniers grands glaciers des Alpes, alors qu’un téléphérique permet déjà d’en atteindre les rives ?

Le covid a montré que les flux touristiques peuvent se tarir. Mais pas seulement à cause de pandémie : les perceptions et l’acceptabilité sociale ou politique de certaines pratiques vues comme peu écologiques ou risquées pourraient mener à leur remise en question. On l’a vu avec le bannissement du ski alpin cet hiver. Chez Alpine Mag, nous soutenons les domaines skiables face à cette décision inique de fermeture. Nous soutenons les projets d’ascenseurs valléens comme celui de l’Eau d’Olle qui a vu le jour entre Allemond et Oz, car ils peuvent être le moyen d’accéder aux stations en tarissant une partie de la pollution des transports, source n°1 des émissions de C02.

Nous soutenons les stations quand elles réfléchissent à la transition, ce qui exclut la colonisation d’espaces sauvages. Le glacier de la Girose en est un. Il faut sauver le glacier de la Girose. Inventer de nouvelles pratiques touristiques, de nouveaux regards, avec le ski, et sans le ski.

Et, last but not least, transmettre ce paysage intact.

Cette décision est cependant temporaire, le tribunal avait été saisi en référé (une procédure d’urgence). Le juge doit encore se prononcer sur le fond du dossier.