En à peine deux jours, du 30 novembre au 1er décembre, Victor Garcin, Baptiste Obino et Nicolas Jean ont ouvert un nouvel itinéraire d’ampleur  dans la face sud de la Barre des Écrins, 4102 mètres. Son nom ? La Barretasse (ED, 900m, 6b+, WI5, M5, A1).
Qui a dit qu’il n’y avait plus de place pour des nouvelles voies dans les grandes faces des Alpes ? Sûrement pas Baptiste Obino, auteur d’une nouvelle voie en face sud de la Meije en solitaire (Pantouflage et sabotage, ED+, 800 m). Sûrement pas Nicolas Jean, qui a déjà , en janvier 2023, ouvert une nouvelle voie dans cette même face sud des Écrins (L’Or en Barre, ED+, 1000 m, avec Benjamin Védrines, et Julien Cruvellier De Luze). Quant à Victor Garcin, il a ouvert avec ses compagnons du GEAN, ce printemps, deux premières au Pérou sur l’Ocshapalca (5888 m) et sur le Nevado Copa (6 188m). Autant dire que le trio est (très) affûté.
C’est par un post sur Camptocamp puis sur les réseaux sociaux (du seul du groupe qui s’y colle, Victor Garcin) que l’information a circulé. Le fait est que l’immense face sud des Écrins ne manque pas de place, mais singulièrement peu de voies ont été tracées l’hiver dans ce versant sud. C’est pourquoi deux lignes ont sauté aux yeux des alpinistes novateurs, comme l’Or en Barre, ou Barretasse à sa droite.
Victor Garcin raconte l’aventure, démarrée au Pré de Madame Carle, au-dessus d’Ailefroide. « Cette ligne me trottait dans la tête depuis un moment, les conditions de la face semblaient exceptionnelles. Après une nuit au refuge de Cézanne, place à l’alpinisme. Entre longueurs de glace, dalles compactes et artif sur ce bon vieux rocher de l’Oisans, tout le panel de l’alpiniste y est passé ! Mais après l’alpiniste, place au charpentier. Pendant que nous fixions les cordes au dessus du bivouac Nico nous a soigneusement aménagé une petite grotte pour passer la nuit ! À midi, lors de notre deuxième journée, nous sommes au sommet ! »
Une affaire rondement menée en un jour et demi seulement. Victore Garcin ajoute : « Le petit Victor, qui, il y a plus de dix ans, était traîné pour la première fois sur ce sommet par son père, n’aurait jamais imaginé vivre des choses comme ça. »
Entre longueurs de glace, dalles compactes et artif sur ce bon vieux rocher de l’Oisans, tout le panel de l’alpiniste y est passé. Victor Garcin
Le topo de Barretasse. Les ouvreurs précisent : Même si les cotations restent modestes les longueurs sont engagées et l’assurage délicat.
L’histoire de l’alpinisme en versant sud des Écrins ne date pas d’hier. La face sud proprement dite, à gauche du pilier sud, recèle deux itinéraires majeurs parcourus en hiver ou en présence de glace : la goulotte Gabarrou-Marsigny (et sa variante), ouverte en 1980, ou la récente Coup de Barre j’écrins le pire, en 2012 par Max Bonniot, Mat Détrie et Pierre-Labbre. L’immense versant sud-sud-est, à droite du pilier sud, a vu la récente ouverture de l’Or en Barre, en 2023.Â
Mais le premier itinéraire ouvert dans cette paroi remonte à 1893 ! Oeuvre d’A. Reynier avec Maximim Gaspard et Joseph Turc, cet itinéraire, la voie Reynier, emprunte la grande diagonale avec des vires qui rayent le versant sud-est, mais ne sort pas au sommet.
Il y eut de multiples variantes autour de la voie Reynier, dont une sortie directe par P. Héraud et Edouard Frendo, en août 1941. Il y a aussi des départs directs ou plutôt une nouvelle voie comme la voie Vernet de 1932 (numéro 849 dans le topo Devies de 1969)qui se trouve être en son centre assez proche de la voie de 2024. La sortie de la nouvelle voie de 2024 (la rampe supérieure à 50°) semble proche de la sortie de cette voie de 1941 (numéro 846 dans le topo Devies), qui elle-même semble sur sa fin parallèle ou proche de la sortie de l’arête Rouge (Toumayeff-Vernet 1926). À confirmer avec les auteurs, la face sud-est des Écrins est un labyrinthe !