«Combien sommes-nous en effet à avoir fixé notre regard d’enfant sur l’une de ses œuvres ? À avoir rêvé de traverser ces paysages limpides, de suivre ces mystérieuses traces dans la neige ou le vol de ce choucas silencieux. À avoir ri devant ces skieurs maladroits, ces grimpeurs emmêlés dans leur corde. À avoir ressenti l’inquiétude un peu grisante de l’alpiniste pressant le pas pour descendre sous l’orage menaçant. Samivel a probablement façonné le regard de plusieurs générations sur la montagne » écrit la journaliste Sophie Cuenot dans notre dossier qui vient de paraître sur Samivel, alias Paul Gayet-Tancrède, disparu il y a trente ans, le 18 février 1992.
©Samivel
Comme beaucoup d’autres apprentis montagnards, je fus fasciné par les aquarelles de Samivel, ses alpinistes équilibristes et skieurs facétieux, et surtout par ses paysages éthérés qui évoquaient à nulle autre pareille les promesses de l’altitude, un monde de cimes et de silence. Dans les années 80/90, ses aquarelles étaient reproduites partout, affiches ou cartes postales. Samivel a été un passeur, celui qui invite à la beauté d’un monde sauvage, celui de sommets sans nom mais pleins de grâce, lui qui fut aussi un explorateur du massif du Mont-Blanc, et de son jardin de Miage. Samivel est celui qui m’a fait comprendre qu’être alpiniste, c’est ouvrir la porte à l’émerveillement. Qu’aimer la montagne, c’est rêver les yeux grand ouverts.
Samivel est celui qui m’a fait comprendre qu’être alpiniste, c’est ouvrir la porte à l’émerveillement. Qu’aimer la montagne, c’est rêver les yeux grand ouverts.
Militant ardent de la protection de la nature à une époque où l’écologie n’existait guère, Samivel a milité pour la création d’espaces protégés, et rédige les commandements du Parc de la Vanoise lors de sa création en 1963. Visionnaire mais point candide, il avait imaginé les turpitudes des aménagements en montagne. Il lutta contre ces excès, participant à la création de l’association Mountain Wilderness. En tant que romancier, peintre, dessinateur, graphiste, Samivel mit sa vie durant ses talents « au service d’une passion, celle des espaces naturels remplis de lumière et d’émotion » comme l’a écrit François Labande lors de sa mort en 1992.
Rares sont les êtres qui peuvent être une source d’inspiration trente ans après leur disparition. Relisez Contes à pic, ou plongez-vous dans l’oeuvre de Samivel. Elle est salvatrice. Pour la montagne, et pour celles et ceux qui la parcourent. « Voici l’espace. Voici l’air pur. Voici le silence. Le royaume des aurores intactes et des bêtes naïves. Tout ce qui vous manque dans les villes est ici préservé pour votre joie. » Merci monsieur Samivel.
À lire sur Alpinemag :