«Un groupe de grimpeurs et grimpeuses extrémistes a diffusé ces derniers jours des images particulièrement inquiétantes, dans lesquelles ils revendiquent avoir délibérément violé la fameuse loi plastique, édictée en 2028 » prévient Miguel, le présentateur de Kayoo TV qui s’est projeté en …2057 dans un film parodique à voir absolument : Bon Voyage 2057 .
Il décrit un monde particulier, dystopique, où il est interdit de grimper dehors, et dans lequel la Fédération Française d’Escalade Sécurisée (la FES, ou fesse, donc) a prévu d’organiser les épreuves des Jeux Olympiques à Céüse, falaise célèbre « fermée pour sa dangerosité » mais « entièrement remise à neuf » avec des prises en plastique !
©Bon voyage 2057
Car depuis l’avènement de la loi plastique, en 2028, l’escalade sur rocher est prohibée, « pour cause d’incitation à la mise en danger ». L’escalade en mileu naturel est une pratique dangereuse et donc illégale. Or, dans cette société de contrôle (humée par Gilles Deleuze, décrite par Alain Damasio) « des drones d’entretien » ont repéré des individus en train de grimper sur les falaises de grès d’Annot !
Mais que fomente Silver Grenouille, alias Seb Berthe ? Il écoute le vieux gourou James Pearson (en 2057 James aura 71 ans et une grande barbe blanche) qui lui montre la voie de la liberté : celle de Bon Voyage, le 9a trad que James a gravi en 2023 (pour de vrai, et Seb en 2024).
On ne vous spoile pas le reste, mais on a gloussé de joie en voyant Seb Berthe – sans conteste l’un des meilleurs grimpeurs actuels avec le Dawn Wall – et son complice Miguel pointer joyeusement les travers qui guettent notre époque.
Des drones d’entretien ont repéré des grimpeurs sur la falaise d’Annot, interdite comme toutes les autres
Y a-t-il un salut pour l’escalade en dehors des salles privées et de la pratique ultra-aseptisée ? Y a-t-il un moyen d’éviter l’accès de plus en plus difficile aux falaises, que ce soit en raison de l’environnement ou des risques assurantiels, si on veut éviter l’avènement d’une potentielle loi plastique ? Y a-t-il une fédération qui s’intéresse à autre chose qu’aux compétitions ?
Quoi de plus clair (et drôle !) qu’un film qui emprunte les codes chers à Orwell – « l’escalade sécurisée est l’avenir de l’escalade » répète la FES dans sa propagande – pour mieux dénoncer le basculement opéré entre les gènes de l’escalade (l’aventure, pour faire court) et sa marchandisation actuelle ? Il reste (encore) des esprits mal tournés, heureusement.
