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Escalade : une superbe grande voie trad en Suisse pour l’équipe RAP FFME

Apriti Cielo, 1150 m, 7b+ max

Dans Apriti Cielo, au Tessin ©RAP FFME

Après son succès du même type en Norvège, l’équipe du Roc Aventure Programme de la FFME est allée se frotter à une grande voie majeure d’escalade trad du Tessin, en Suisse. Haute de 1150 mètres, Apriti Cielo compte 36 longueurs dans un granite typique du secteur, coupé au couteau. Récit et astuces par Jonathan Crison, coach du groupe avec Gérôme Pouvreau.

Le début d’automne est souvent une période idéale pour la récolte des champignons… Mais également pour gravir certaines grandes voies dont on trouvera à cette saison la réunion des meilleures conditions pour les apprivoiser. À l’automne les journées bénéficient d’un ensoleillement encore généreux, les chaleurs deviennent raisonnables et certaines parois parfois humides au printemps sont sèches.

Notre équipe du Roc Aventure Programme de la FFME est allé cet automne parcourir une voie plutôt méconnue, catégorie « escalade trad »,  au fin fond de la Suisse, dans le Tessin. Et comme le plaisir de la grimpe ne diminue pas en le partageant, une fois n’est pas coutume, on vous emmène donc dans notre « bon coin à champignon » de l’automne…

Bivouac, entre quelques longueurs exigeantes en fissures et dièdres ©RAP FFME

personne de notre côté de l’Alpe ne semble
avoir entendu parler de cette ligne !

En feuilletant l’an dernier les topos à la recherche d’une prochaine escapade, l’équipe tombe sur une ligne intrigante dans le Tessin. Personne n’a entendu son nom, mais les mensurations attisent notre curiosité… « Apriti Cielo » est donnée en 36 longueurs en style trad, pour 1150 m, le tout soutenu jusqu’à 7B+… Miam, de quoi nous motiver à en savoir un peu plus ! On trouve finalement peu d’infos sur la voie : quelques blogs trainent sur la toile en italien ou en allemand, mais diable, personne de notre côté de l’Alpe ne semble avoir entendu parler de cette ligne !

Le plus simple est donc d’aller voir ça de plus près, et se forger notre propre opinion… À vrai dire nous n’avons pas été déçus, au point qu’on s’est dit que ce serait dommage de ne pas vous mettre dans la confidence. Ce n’est effectivement pas si courant dans nos contrées de pouvoir parcourir des itinéraires de cette envergure. Certes, on est loin de l’ambiance et de l’engagement des « vrais » big walls, mais on en ressent déjà quelques effluves, et à deux pas de la maison : autant ne pas se priver d’une petite visite.

Un rocher coupé au couteau ©RAP FFME

Escalade physique, sur prises éloignées

La voie est relativement récente, ouverte en 2007 par M. Bassi et F. Fratagnoli. Le rocher est globalement bon, voir excellent. L’escalade est assez typique du granite du Tessin, bien différent de notre protogine Corse ou Chamoniarde. Ici, point de Knobs ou de reliefs sculptés, la roche est coupée au couteau, ce qui impose souvent des mouvements originaux, physiques, sur prises parfois éloignées. La paroi pourrait à première vue sembler peu raide et parfois végétale, et pourtant, dès les premières longueurs, l’ambiance est au rendez-vous. Dièdres et fissures raides vous amèneront dès l’attaque à vous délecter de la gravité et, en contrepartie, à regretter la deuxième pizza de la veille.

La voie se déroule en deux parties distinctes entrecoupées par une large vire boisée. Ce « cassage » d’ambiance est compensé par l’intérêt de pouvoir accéder à cette vire à pied depuis le bas. Et c’est d’ailleurs là un des principaux atouts de cette voie. Grâce à ce « by-pass » vers le ciel, il va être possible de grimper légers, en faisant l’économie du fastidieux hissage généralement associé à ce genre d’aventure, et en s’offrant un bivouac 5 étoiles.

Un objectif sérieux

La stratégie que nous avons adoptée nous a semblé un bon compromis pour profiter au maximum des longueurs en escalade libre et du bivouac. La voie peut se parcourir « à la journée » (longue !), mais pour jouer à vue sans succomber à la tentation de tirer aux paires, il ne faudra pas trainer ! Quelle que soit l’option choisie, cette voie reste un objectif sérieux et demande d’être au niveau de la ligne pour la parcourir.

 

Le topo

Infos pratiques et recommandations

Stratégie

J1 : Portage des affaires de bivouac et du festin à la vire. Cela permettra de repérer le chemin de descente, avance non négligeable en cas de retour tardif le dernier jour.

J2 : Fixer les 2 premières longueurs, assez « grimpantes ». Cela permet de les grimper tranquillement de jour et de profiter pleinement des mouvements de ces 2 belles longueurs. On repérera au passage l’approche de la paroi, avantage considérable pour tenir le timing lors d’un probable (et recommandé !) départ matinal le lendemain. (NB : pour fixer depuis R2 : 50 m jusqu’au sol, en fractionnant une fois sous le toit à 5 mètres sous le relais. (Pas de point en place-prévoir protèges cordes et « cordes-fusible » pour fractionner).

J3 : Remonter les cordes fixes et grimper la voie jusqu’à la vire.
Se méfier de L17, « expo pitch ». Le topo décrit une traversée à droite après le 1er spit. Cela fonctionne, mais, comme son nom l’indique, c’est expo et peu engageant. Nous sommes passés droit au-dessus de ce spit (ou avec un léger crochet à droite) pour passer le bombé raide au-dessus de ce point et rejoindre le relais de rappel ( 15 m à gauche du relais prévu pour la voie). C’est un peu plus dur, ça reste engagé, mais ça nous a semblé moins aléatoire…
Bivouac à la vire.

J4 : Grimper la 2ème partie de la voie, redescendre cette partie en rappel puis à pied depuis la vire en récupérant le bivouac au passage. La partie sommitale de la vire amène directement à R24 (La longueur de R20 à R21 est un ressaut compris entre les parties inférieures et supérieures de la vire).

Descente : en rappel depuis le sommet de la voie, puis à pied à partir de la vire du bivouac. Bien tirer le rappel de R32 à R31 droit dans l’axe, pour limiter le risque de coincement de corde.

 

Matériel 

Le Rack « confort » selon nous :
1 jeu de # 0.1 à # 4. Doubler les tailles de # 0.3 à # 2 (tailles Camalots)
12 dégaines, cordes 2 X 50 m suffisantes.
Attention les arêtes formées par ce granite aux formes géométriques peuvent être plus affutées que leurs grimpeurs ! Penser à bien protéger les traversées pour éviter de se fâcher avec son second. Et éviter les diamètres de corde « ultraslim ».

Bivouac

Il est possible de bivouaquer à de nombreux endroits dans la voie (à peu près confort pour 2-3 personnes). Mais le meilleur bivouac se situe à la grande vire intermédiaire, sous les toits des voies de droite (8 places confort). Châtaignes et champignons à volonté sur l’approche pour agrémenter votre soirée !
Pas d’eau au bivouac à l’automne (source tarie), et peu sur la marche d’approche (sauf à demander dans les chalets d’alpage). Mieux vaut assurer le coup et faire le plein en bas !

Accès à la paroi

Depuis le village d’Osogna, prendre le chemin vers la chapelle, en direction du hameau de Piotella. Avant le hameau, une sente part à droite (sud) pour rejoindre le pied de la paroi (kairn, et petit panneau, suivre ensuite les cèpes et les vielles marques oranges qui balisent plus ou moins l’accès).

Ce blog donne un croquis fiable et détaillé de l’approche, ainsi qu’un topo de bonne qualité. L’application swiss topo met à disposition les cartes précises de la Suisse. Elles seront aussi un bon support pour l’approche.

Orientation

Plein sud ! Il peut faire chaud, très chaud dans cette face. Préférer une journée fraiche ou voilée.

 

 

Apriti Cielo, informations suite au parcours de la voie du 4 au 6 octobre 2022 par le Roc Aventure Programme de la FFME (Margaux Deschamps, Léa Delacquis, Kenza Slamti, Thomas Joannes, Tanguy Topin, Esteban Daligault, encadrés par Gérôme Pouvreau et Jonathan Crison).

©RAP FFME