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Escalade trad : James Pearson s’offre l’une des voies les plus mythiques du Royaume-Uni

Parthian Shot ©Collection James Pearson

C’est l’une des voies les plus célèbres du Royaume-Uni : sur le fameux « gritstone », en escalade trad bien sûr, entendez sur coinceurs. Depuis deux décennies, Parthian Shot, c’est son nom, a vu défiler la crème des grimpeurs britanniques, mais sa récente ascension, remarquable, par James Pearson, mérite qu’on s’attarde sur l’histoire de cette voie où il ne faut pas tomber.

Située dans le Peak District, à Burbage, fief de l’escalade trad, Parthian Shot a été ouverte par John Dunne en 1989. Une magnifique proue de grès, déversante, terriblement esthétique, mais dangereuse. Suivant l’éthique locale, aucun spit n’est placé et seuls quelques coinceurs protègent la voie. À l’époque John Dunne finit par oser gravir la voie en plaçant les coinceurs « on lead », dont ceux, cruciaux, sont placés derrière une écaille fragile, seule protection pour éviter un crash au sol dans le haut de la voie. Dunne ne tombera pas dessus, le jour où il réussit, en tête, sa voie, cotée E9 à l’époque, soit autour de 8a/+.

En 1997 le premier répétiteur, Seb Grieve, brise le mythe en prenant plusieurs chutes, en tête, à la sortie de la voie… après avoir vérifié que l’écaille, et les coinceurs placés dedans, tiendrait le coup, en ayant balancé un sac au préalable dessus !

Parthian Shot devient la voie à faire, d’autant qu’elle n’est plus aussi risquée qu’avant. Des américains tels qu’Alex Honnold et Kevin Jorgenson (qui a gravi le Dawn Wall ensuite avec Caldwell) essayent la voie, et dans la vidéo de son enchaînement, Jorgenson prend auparavant plusieurs chutes sur la fameuse écaille. En 2011 c’est le drame : un jeune grimpeur canadien tombe en haut de la voie, l’écaille casse et il s’écrase au sol, et finit à l’hôpital, jambe brisée. Parthian Shot redevient une voie pas ou peu faite.

©collection James Pearson

Plus d’écaille ne veut pas dire plus de coinceurs, mais ceux-ci sont encore plus délicats à placer : la voie redevient une voie où il ne faut pas tomber. De plus, une nouvelle prise s’est cassée en 2023, rendant l’enchaînement plus difficile. Habitué au gritstone, James Pearson s’est établi depuis plusieurs années dans le sud de la France. En trad, il a ouvert et gravi Le Voyage à Annot, en 2017, puis Bon Voyage (E10/7a) cette année 2023. Au cours d’un bref passage au Royaume-Uni récemment, il est retourné voir Parthian Shot.

« Parthian est peut-être mon plus vieux projet sur le gritstone, du moins en ce qui concerne les voies que j’ai activement essayées. Je l’ai vue pour la première fois en 2005 ! En tant que jeune grimpeur, je n’aurais jamais pu faire quelque chose comme ça, et même une fois que j’ai développé ma condition physique, j’ai toujours trouvé le bloc du haut suffisamment désespérant pour me décourager de le tenter au-dessus d’un coinceur minable »

J’ai décidé que si je voulais un jour cocher Parthian Shot, je le ferais comme John Dunne. Des coinceurs dans l’axe, placés en tête, et sachant que je ne devrais pas tomber. james Pearson

En fait, après que l’écaille se soit brisée, d’autres grimpeurs ont trouvé une parade, en plaçant des protections à droite, rendant la chute envisageable. Il n’en était pas question pour James Pearson qui a voulu gravir le mythe Parthian Shot le plus directement possible, sans aller placer des coinceurs dans le dièdre de droite.

« J’essaie toujours d’égaler ou d’améliorer ce qui a été fait auparavant de manière éthique. Ensuite, je commence au sol, je grimpe la voie en plaçant du matériel là où je grimpe, et j’espère arriver en haut. Évidemment, les choses ne sont jamais noires ou blanches, mais les coinceurs en dehors de la voie et le matériel placé à l’avance sont deux choses que j’essaie vraiment d’éviter. J’ai décidé que si je voulais un jour mener Parthian Shot, je le ferais comme l’ascension originale de John Dunne. Des coinceurs dans l’axe de la voie uniquement, placés en tête, sachant que je ne devrais pas tomber » explique James.

©collection James Pearson

Le rack minimaliste utilisé pour gravir Parthian Shot. ©collection James Pearson

En l’occurence, James Pearson trouve la voie plus difficile depuis le bris d’une autre prise, car au lieu d’un mouvement statique, il faut ajouter un mouvement dynamique à cet endroit pour passer. Il raconte son ascension. « J’ai grimpé la voie dès mon premier essai de la journée, j’ai mis les protections rapidement et efficacement, et j’ai eu beaucoup de temps dans le crux et la dalle supérieure, ce qui m’a permis d’apprécier l’ensemble du processus. De nos jours, lorsque je grimpe une voie potentiellement dangereuse, je dois être certain de ne pas tomber, sinon je ne me lance pas. »

Sûrement heureux d’ajouter Parthian Shot à sa collection de voies engagées, James Pearson confirme qu’en l’état, il ne faut pas tomber en tête dans cette voie, et annonce E10/6c, la première cotation d’engagement étant proche du maximal (E11). Sans doute un rappel qu’en escalade trad, le jeu est poussé loin. Et un jeu où la manière compte autant que le résultat.