Alors que vient de sortir un film docu sur Éric Escoffier (la Fureur de vivre, cosigné par Séverine Gauci et Bertrand Delapierre), retour sur la (seule) biographie parue sur l’alpiniste et grimpeur surdoué des années 80. Alter ego en solo quoique anti-Christophe Profit, l’Escoff’ bravache et spontané est conté avec maestria par Jean-Mi Asselin.
Ne pas se fier au sous-titre, « un grand combat ». Car cette brève biographie (214 pages) d’ « Escoff’ » est fidèle à la comète de l’alpinisme qu’il fut, une bio parue en 2015. Au début des années 80, comme Christophe Profit ou Jean-Marc Boivin, Éric Escoffier invente le speed climbing avant que le mot n’existe. Escoffier court en solo en montagne, enchaîne les faces nord. Il enchaîne Croz et Walker. Il défie Profit – qui réussit la trilogie en hiver avant lui. Si Profit serait « le Bon », Boivin « la Brute », Escoffier serait sans doute « le Truand », comme l’écrit adroitement l’auteur. Sans cesse, il réfléchit à son prochain gros coup. Les médias le courtisent. Il est le premier français au K2. La décennie bling s’arrête brutalement un jour de 1987, quand, roulant à tombeau ouvert, il se fracasse en voiture dans les gorges de l’Arly.
D’abord hémiplégique, il finit par retrouver l’usage partiel de ses jambes, retourne en Himalaya sans voir qu’il n’est plus la GTI qu’il était. Il vise les 14X8000 et disparaît au Broad Peak, en 1998, avec Pascal Bessières, une alpiniste recrutée par une petite annonce. Une destinée pleine de bruit et de fureur, à la fois symptomatique des années 80 – où les grimpeurs faisaient le « 20 heures » de TF1, et d’un individualisme échevelé que n’a pas su dépasser la génération actuelle.
C’est le destin d’un homme qui préférait faire des voies normales en serrant les dents plutôt que de se morfondre dans ses souvenirs. Sans doute l’un des meilleurs livres sur l’alpinisme des années 80. Et une bonne raison de voir le docu de 52 minutes de Bertrand Delapierre et Séverine Gauci, Eric Escoffier, la fureur de vivre, beau titre hommage à un grimpeur au style James Dean.