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De la peau de saucisson devant les yeux ?

La semaine dernière une équipe américaine composée 100% d’alpinistes noirs de peau se hissait au sommet de l’Everest. C’était une première dans l’histoire du toit du monde.

Les réactions à cette nouvelle, que ce soit sur nos réseaux sociaux ou ceux de confrères étrangers (dont américains) sont très vives. Beaucoup de lecteurs se demandent en quoi la couleur de peau importe pour un alpiniste. 

Si la question est partagée, le pré-supposé varie. 

©Ulysse Lefebvre

D’un côté, certains applaudissent la prouesse en précisant qu’elle est louable quelle que soit la couleur. Appelons-les « universalistes ». Lu sur les réseaux : « Blanc bleu vert ou à pois quel importance bravo et félicitations », « On s’en fout de la couleur ! Bravo ! » ou encore « Quelle que soit la couleur de peau, je salue l’exploit sportif lui-même ! ». 

En effet, dans un monde idéal, on ne verrait qu’une silhouette chaussée de crampons et munie d’un piolet (et surtout d’une poignée jumar pour ce qui concerne l’Everest), sans signe distinctif de couleur de peau, de culture ou de sexe. On parle d’alpiniste Universel avec un grand U. U comme Utopie.

Ce sont les cyniques

D’autres s’agacent que le critère racial soit utilisé pour définir la performance. Ils y voient une forme de discrimination par les auteurs eux-même. Ce sont les cyniques : « Comment se discriminer soi même ! Bravo quand même ! » ou plus piquant : « On ne peut pas juste être des grimpeurs qui réalisent des choses ? C’est quoi la prochaine performance, la première équipe sub-saharienne ? » 

A vous lire, ces alpinistes rendraient plus noir encore la couleur de leur peau. C’est sûr qu’au sommet de l’Everest, elle contraste plus que dans un faubourg délabré de Memphis (Tennesse) ou d’un quartier du 93 (Seine-Saint-Denis). 

parcourir les montagnes
demeure un privilège
de blanc CSP+

Quelques-uns ne veulent pas voir (ou ne voient vraiment pas ?) la réalité de la discrimination raciale aux US sous prétexte d’égalité physique. « C’est pour prouver quoi ? Une personne de couleur ne pourrait pas faire de l’escalade ? »

C’est comme s’ils ne voyaient pas qu’il ne s’agit pas de handicap physique mais de handicap social, tout aussi lourd à porter. Comme on dit en Savoie : « Ils ont de la peau de saucisson devant les yeux ! ».

Car oui la discrimination raciale existe encore, en particulier dans le monde de l’alpinisme. Partout, et en France en particulier, parcourir les montagnes demeure un privilège de blanc CSP+ (oui, on a tous un contre-exemple qui confirme la règle).

Il y a peu, on se demandait où l’on avait croisé un black en montagne pour la dernière fois, ailleurs que dans la cuisine d’un restau ?

le thème du racisme anti-blancs
reste un best-seller xénophobe

Certains enfin (et ceux-là, nous ne les appellerons pas, on préfère les laisser où ils sont) accusent carrément cette équipe de racisme, arguant que les grands noms de la montagne n’ont jamais tenu de propos identitaires. « Tous ces blacks sont racistes. Hillary, Herzog, Marco Siffredi, ne se définissaient pas comme blancs ». Concernant les deux premiers, c’est oublier les revendications nationalistes. Pour le reste, le thème du racisme anti-blancs reste un best-seller des xénophobes du moment. 

Nier la différence revient souvent
à nier les inégalités

C’est dur à dire, encore plus à écrire, mais j’ai l’impression que tous sont à côté de la plaque, que les intentions soient bienveillantes ou critiques. Nier la différence revient souvent à nier les inégalités.

Tous les alpinistes ne se valent pas, non. Certains ont plus de mérite que d’autres. Certains sont bien nés, plutôt blancs que noirs ou beurs, plutôt à Chamonix qu’à Saint-Etienne ou Ugine, d’un père guide plutôt que métallo ou facteur. Pour eux, ceux qui doivent redoubler d’efforts, les crevasses à franchir sont bien plus larges et la marche d’approche bien plus longue. Est-ce si dur à admettre ?