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Chamonix-sur-Mer

« e continue sans escale vers les îles du Pacifique parce que je suis heureux en mer, et peut-être aussi pour sauver mon âme. » écrivait le navigateur Bernard Moitessier dans sa Longue Route. Une longue route qui aurait pu inspirer une génération de montagnards : Gary Hemming, le Vagabond des Cimes, Henri Sigayret, alias Sherpasig ou encore Remy Turc, le guide-paysan devenu l’ermite de La Bérarde, qui a servi de modèle à mon Lulu, dans Le Seigneur des Ecrins. 

Des histoires de cordes et de bouts… ici au Groenland. ©Ulysse Lefebvre

Quoi de plus naturel en effet que de préférer l’infini des ciels étoilés à l’éclat blafard des néons et des écrans ? Navigateurs et montagnards partagent ce besoin d’horizons lointains, de mondes nouveaux mais aussi la nécessité de vivre intensément, quitte à exposer sa vie.

Mais à chacun ses risques et ses peurs ! « Je ne suis pas une alpiniste ! » plaide la Rochelaise Isabelle Autissier qui n’hésite pas à se lancer à l’assaut des cinquantièmes hurlants, mais déteste grimper en haut de son mât, une servitude pourtant inévitable.

A l’inverse, le freerider Enak Gavaggio — Rancho — a une sainte horreur de l’eau. «  Enfin, plutôt, j’ai peur de mettre la tête sous l’eau. Je ne tiens pas plus de 15 secondes en apnée dans une baignoire… » rigole-t-il. Cela ne l’a pas empêché, vert de peur, de surfer une vague de plus de trois mètres  après s’être équipé de bâtons de ski et avoir chaussé des fats (270 au patin) ! 

Mais voilà :
La montagne…  ça fait mal avant de faire peur !
La mer… ça fait peur avant de faire mal.

Mais voilà :  «  La montagne…  ça fait mal avant de faire peur ! La mer… ça fait peur avant de faire mal » s’est persuadée la navigatrice qui, plus d’une fois,  a navigué en compagnie d’alpinistes de haut niveau, comme Lionel Daudet. 

Difficile de contester que « la montagne ça fait mal » avec un important taux de mortalité chez les alpinistes, VTTistes, parapentistes, ou Baseux.  Les progrès technologiques (sac à dos ABS, DVA, etc.) ainsi que les secours en montagne,  ne changent la donne qu’à la marge. 

Tous les vieux montagnards ont perdu des amis là-haut. « J’ai cessé de compter après quarante », m’a confié Pierre Mazeaud. En montagne si la présence du vide est assez évidente, de nombreux pièges restent cachés. Les plaques à vent, le pont de neige qui masque une crevasse, les requins (rochers enfouis sous la neige), les chutes de pierre ou de sérac, ou encore l’insidieux mal des montagnes, ne pardonnent guère. La sanction en cas de chute non assurée est brutale  et souvent définitive. 

l’élément liquide est bien plus indulgent
que le rocher ou la glace

Si les océans impressionnent, par leur immensité,  la violence de leurs tempêtes et l’épopée de leur conquête, rares sont aujourd’hui les accidents mortels. Malgré le risque de noyade, l’élément liquide est bien plus indulgent que le rocher ou la glace.

L’utilisation de lignes de vie, de gilets de sauvetage à percussion, mais aussi l’amélioration constante des moyens de communication, de géolocalisation et des modèles météorologiques ont permis de réduire de manière significative la sévérité des accidents chez les marins. 

Ainsi malgré les ahurissantes vidéos de  chutes sur des grosse vague où l’on voit les surfeurs rebondir sur l’eau, pantins désarticulés, avant de se faire engloutir par une autre vague, le taux de mortalité reste minime comparé au snowboard de pente raide qui a causé la mort d’excellents pratiquants comme les Chamoniards Bruno Gouvy, Marco Siffredi, André-Pierre Rehm ou encore la toute jeune Valaisanne Estelle Balet.

Isabelle Autissier, partenaire de nombreuses aventures en mer en en montagne avec l’alpiniste Lionel Daudet. ©Ulysse Lefebvre

Le surf de grosse vague consiste à surfer des vagues avec des creux allant de 10 à 25-30 mètres. « C’est un peu comme si tu essayais de skier sur le front d’une avalanche » m’a expliqué Garrett McNamara, alias GMAC, l’un des pionniers de cette discipline plutôt déraisonnable. Les surfeurs, qui utilisent des planches équipées de straps, des combinaisons à forte flottabilité et un gilet ABS, sont habituellement tractés par un puissant jet-ski. Dans les spots les plus exposés, comme Nazaré (Portugal), Mavericks (Californie) ou Teahupo’o (Tahiti), un deuxième jet-ski assure la sécurité et la récupération du surfeur et de sa planche : un véritable travail d’équipe afin de conjurer les dangers objectifs comme : 

– Après une chute, se faire enfoncer par la vague jusqu’à plus de dix mètres sous la surface avec des risques de barotraumatisme. 
– Heurter alors le fond. Cela est particulièrement dangereux quand celui-ci est constitué de patates de corail comme à Teahupo’o. 
  Se faire recouvrir par une deuxième vague, pire par une troisième, sans avoir pu reprendre sa respiration. Un grand classique ! 
  Etre entrainé dans une zone rocheuse (ex : sous le phare de Nazaré) où le jet ski de sécurité ne pourra pas venir. 
  Rentrer en collision avec un autre surfeur lancé à pleine vitesse.
  Se prendre le jet-ski de sécurité (400 kg), renversé par la vague, sur la tête. 
– Ah, j’oubliais les requins… 

McNamara sur le monstre Nazaré (Portugal). ©Red Bull Content

Malgré ce foisonnement de risques, les décès restent exceptionnels, même si les alertes rouges et les accidents corporels moindres sont légion. Garrett est un exemple vivant de cette résilience. Après avoir vu Laird Hamilton se faire tracter par un zodiac sur une vague au large, il devient l’un des pionniers du surf de grosse vague, défrichant en 2010 le site mythique de Nazaré et devenant le premier à surfer une vague de plus de 25 mètres. Un parcours qui n’a rien de rectiligne. Garrett, 55 ans cet été,  a payé cher sa quête de grosses vagues et de « rush » : 

– Nombreuses côtes brisées — la routine
– Cervicales brisées, par un coup de talon, lors d’une chute monumentale et plusieurs mois allongé sur le sol, gavé de codéine,  à regarder le ventilo tourne
– épaule et tête de l’humérus pulvérisés
– métatarsien en morceaux
– etc. 

Sourd d’une oreille, claudiquant légèrement, le Hawaïen rêve encore de surfer la vague parfaite, de plus de trente mètres ou même pourquoi pas, de 35 mètres. Comment ne pas penser à l’inoxydable Terminator :  « I’ll be back ». Mais aussitôt, devenu philosophe, il tempère : « Ce n’est pas la hauteur de la vague qui compte, c’est le sillage qui t’y mène… »

Deux rendez-vous à ne pas manquer avec Gérard Guerrier et Garrett Mc Namara seront animés par Ulysse Lefebvre d’Alpine Mag pendant ce FIFAV 2022 :

Les morsures de la mer, avec Garrett McNamara et Gérard Guerrier traducteur du livre de l’américain.
Vendredi 18 novembre 2022 à 18h.

Le seigneur des Ecrins, avec Gérard Guerrier.
Samedi 19 novembre 2022 à 10h.