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Vol au-dessus d’un nid de 8000

Exploit, performance, record… quelque soit le nom qu’on lui donne, ce qu’Antoine Girard a accompli le 18 juillet est tout simplement incroyable, ou merveilleux, si vous êtes, comme moi, enclin à la poésie. Ce jour-là, dans les montagnes du Karakoram, Antoine Girard a décollé en parapente de l’altitude de 4150 mètres environ, peu avant midi. Au cours d’un vol de plus de cinq heures trente, Antoine a consciencieusement mis à profit ses expériences précédentes en haute altitude, exploitant les thermiques pour peu à peu gagner de l’altitude et se rapprocher des géants. Patiemment, il a franchi les vallées, puis les immenses glaciers du Karakoram, avant de se rapprocher des flancs du Broad Peak. Peu avant 16 heures, Antoine Girard a survolé les sommets du Broad Peak, et plus précisément, le Broad Peak sud, point culminant à 8051 m. Le pilote expert qu’il est avait déjà établi un record en survolant le même sommet en 2016, atteignant l’altitude de 8157 mètres. Cette fois, le GPS d’Antoine indique 8407 mètres ! Nouveau record, incroyables images – diffusées sur TF1 samedi soir – où l’on voit l’aventurier survoler les géants, et, à deux cent mètres près, être au niveau du sommet du K2, 8611 mètres, qui semble tout proche !

Antoine Girard au-dessus du Broad Peak, à 8407 m, sur fond de K2. ©AG

En 1979, un pionnier s’envolait du même K2 en aile delta depuis l’altitude de 7600 mètres : Jean-Marc Boivin inaugurait sa carrière de deltiste himalayen – le seul à l’époque – de manière extraordinaire. Il réitérait l’exploit en étant le premier à s’envoler d’un 8000, le Gasherbrum II en 1985. Boivin le précurseur devient en 1987 le premier homme à s’envoler du sommet de l’Everest en parapente. A la même époque, tout le monde s’y met, malgré les voiles rudimentaires, le presque soixantenaire René Desmaison aussi ! Dans une interview réalisée en 87, Boivin confie « c’est agréable en parapente de pouvoir exploiter certains thermiques localisés près du relief. » Visionnaire toujours, Boivin ajoutait : « hyper maniable, le parapente permet de monter très haut ». Il a réalisé le plus haut vol imaginable, mais Boivin était sans doute loin d’imaginer que l’on pourrait, trente ans plus tard, décoller de l’altitude 4000 pour tutoyer et dépasser les 8000 mètres !

En 1987, Boivin est le premier à décoller du sommet de l’Everest

La performance des voiles modernes n’enlève rien à l’exploit d’Antoine Girard. Après avoir été un outil de descente uniquement, le parapente devient un outil d’approche et / ou de liaison utilisé par des alpinistes pressés comme Benjamin Védrines, ou Fabian Buhl qui, lui, faisait partie de la même expédition d’Antoine. Plus de trente ans après Boivin, Antoine Girard nous fait totalement rêver, en tutoyant l’oxygène rare. Bravo Antoine !